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Alors que la jungle luxuriante prédomine dans les zones tropicales ou équatoriales, les mousses représentent la plus grande part du monde végétal au niveau des régions polaires. Ces plantes sont dotées d'une grande tolérance au stressstress, leur permettant de supporter les climats extrêmes. Néanmoins, la succession d'avancées et de reculs des glaces au cours des temps géologiques dans ces régions demeure une épreuve terrible pour les bryophytes : comment recoloniser un milieu congelé durant des millénaires ?
Au niveau de la petite île de Signy, au cœur de l'archipel des Orcanes du Sud, au nord-ouest de l'Antarctique, les chercheurs du British Antarctic Survey et de l'université de Reading (Royaume-Uni), ont repéré des mousses vieilles de plusieurs millénaires, jusqu'à 5.000 ou 6.000 ans, prisonnières du pergélisol. Le froid les a semble-t-il bien conservées, puisqu'elles n'ont absolument pas l'apparence des végétaux en décomposition.
Difficile cependant de croire que ces mousses, qui paraissent intactes à nos yeuxyeux, sont toujours en pleine possession de leurs moyens. Si des virus ou des bactéries ont pu retrouver leur activité après plus de 30.000 ans de congélation, les animaux et les végétaux les plus adaptés ne survivent généralement pas à plus de 20 ans de gelgel. Cependant, une plante a récemment pu naître d'une graine gelée depuis 30.000 ans dans le pergélisol. Mais la performance est encore différente, lorsqu'il s'agit d'êtres déjà adultes. Dernièrement, des mousses avaient été ranimées après 400 ans sous la glace. Peter Convey et son équipe ont malgré tout voulu voir si ces plantes pouvaient à nouveau croître après des temps plus immémoriaux encore.
Des chercheurs ont récupéré des échantillons de mousse dans des couches du pergélisol antarctique congelées depuis plus de 1.500 ans. © P. Boelen
Le retour à la vie des mousses antarctiques
Le pergélisol a été creusé et des échantillons figés dans la glace depuis au moins 1.533 ans (voire 1.697 ans selon les estimations les plus hautes) ont été ramenés au laboratoire. Après les avoir placés dans des conditions thermiques et lumineuses idéales au sein d'un incubateur, les chercheurs ont observé au bout de quelques semaines la croissance d'un rhizoïderhizoïde, semblant de racine caractéristique des mousses permettant à la plante d'adhérer à son substratsubstrat.
Pour les auteurs de ce travail publié dans Current Biology, il n'y a pas de doute : ce poil absorbant émane bien des mousses de 1.500 ans, et n'est pas le résultat d'une contaminationcontamination extérieure. Un résultat déjà impressionnant, mais les scientifiques pensent même pouvoir retrouver des bryophytes congelées depuis plus longtemps encore et capables de revenir à la vie.
Une telle découverte suggère donc que les mousses peuvent survivre à de courtes ères glaciaires, comme le petit âge glaciaire qui a frappé l'hémisphère nordhémisphère nord entre les XIVe et XVIIIe siècles après J.-C., voire plus longtemps encore. Ainsi, après des épisodes de froids extrêmes, ces végétaux fondamentaux dans les écosystèmesécosystèmes polaires pourraient de nouveau coloniser les milieux, alors que l'on pensait qu'il fallait attendre que des mousses venues de contrées plus chaudes traversent les océans avant de s'épanouir sur place. Certains scénarios pourraient donc être revus.