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L'invasion d'un terrain par une seule plante exotique le rend favorable au développement d'autres espèces invasivesespèces invasives, qui peuvent changer radicalement l'écosystème. Depuis les années 1990 par exemple, le raisin d'Amérique (Phytolacca americana) a envahi la France, et est classé comme pestepeste végétale par l'UICNUICN. Plus grave encore, la plante Miconia calvescens, originaire d'Amérique centrale, a été introduite dans les îles du Pacifique et accélère l'érosion des terres.
L'augmentation de la mobilité humaine a grandement favorisé l'introduction d'espèces invasives dans des milieux où elles n'ont pas de prédateurs ni de facteurs limitants. Chez les animaux, on observe aujourd'hui des explosions de croissance d'escargots géants, originaires d'Afrique, en Floride, ou de rascasses volantes venimeuses, originaires du Pacifique, en Atlantique. Quant au raisin d'Amérique, il a été introduit volontairement en Europe pour, d'une part, la couleurcouleur violette des fruits, utilisée dans le tissage et, d'autre part, le caractère comestible des jeunes feuilles.
En vingt ans, la plante originaire d'Afrique, Melinis minutiflora, qui avait envahi Hawaï, comme ici dans le parc national des volcans d'Hawaï, a considérablement régressé. Mais l'écosystème initial n'est pas pour autant réapparu. © University of California, Santa Barbara
Un écosystème est nécessairement affecté par l'introduction d'une espèce invasive, végétale ou animale. Toutefois on ne sait comment ces invasions impactent les milieux naturels sur le long terme. Un végétal peut-il vaincre l'invasion ? Par ailleurs, si l'espèce invasive vient à disparaître, le végétal indigèneindigène peut-il regagner son territoire ?
Une plante envahissante meurt, d’autres prennent le relais
Les plantes exotiquesexotiques envahissantes sont connues pour modifier le contenu nutritif du sol, la salinitésalinité, l'acidité ou les communautés microbiennes. Elles peuvent ainsi favoriser leur développement au détriment des espèces indigènes, notamment en modifiant à leur profit le cycle de l’azote. Néanmoins, d'après les chercheuses Stephanie Yelenik et Carla D'Antonio, cette rétroaction a une duréedurée limitée.
Ces deux écologues américaines expliquent leurs résultats dans un article paru dans la revue Nature. Dans les années 1990, elles s'étaient intéressées au cas de la Melinis minutiflora, grande herbe originaire d'Afrique qui avait envahi l'archipel d'Hawaï dans les années 1960. Cette plante modifiait le cycle naturel de l'azoteazote. Son taux de minéralisation (le processus qui transforme l'azote inorganique en azote organique assimilable par les plantes) avait plus que doublé, créant une forme de rétroaction positiverétroaction positive, favorable à l'envahisseuse.
Toutefois, en revisitant les sites étudiés à l'époque, Yelenik et D'Antonio ont découvert que cette espèce invasive était en train de disparaître. Les chercheuses ont étudié le cycle actuel de l'azote, et ont découvert que, dans les sites dominés par ces herbes invasives, le taux de minéralisation dans le sol avait chuté, revenant à son niveau originel, avant l'invasion. Quelque 17 ans plus tard donc, la rétroaction positive entre le sol et la plante envahissante n'est plus aussi efficace.
La rapidité de développement l’emporte sur le caractère indigène
L'étude met en évidence que l'écosystème a répondu à l'invasion végétale et que les processus de rétroactions entre le sol et les plantes évoluent. Toutefois, elle suggère aussi et surtout que ces changements n'aident pas les plantes indigènes à réinvestir leur habitat naturel. Les chercheuses ont testé in situ la réponse d'arbresarbres, indigènes et exotiques, à l'évolution de l'écosystème. Pour cela, elles ont ajouté un engrais azoté qui répliquait l'apport de cet élément dans les débuts de l'invasion. Ensuite, elles l'ont réduit pour imiter la mort des plantes envahissantes.
Cinq des sept espèces étudiées ont augmenté leurs taux de croissance et de survie en raison de la réduction de la concurrence des plantes envahissantes. Cela indique que les impacts de l'évolution de la plante invasive au fil du temps ne modifient pas la capacité des boisbois à croître dans l'écosystème.
Cependant, deux arbres se sont mieux développés après le passage de Melinis. L'Acacia koa (indigène) et le Morella faya (qui provient des îles Canaries). Stephanie Yenelik explique que le Morella faya a fait beaucoup mieux, en particulier en raison de la rapiditérapidité de sa croissance. Le problème est qu'il se disperse à la vitesse d'un oiseau... Ainsi, si le déclin de Melinis est une bonne nouvelle pour les plantes indigènes, il est aussi une porteporte ouverte au développement d'autres espèces invasives, qui entrent facilement en compétition, en particulier si elles ont un taux de développement plus important.