Alors que les scientifiques ont longtemps pensé que des températures plus élevées amèneraient l’automne à être retardé, une nouvelle étude suggère qu’à l’inverse les feuilles des arbres auraient tendance à mourir et à tomber plus tôt. En cause : les arbres seraient « rassasiés » en CO2 plus rapidement. Une mauvaise nouvelle qui remet en cause la capacité de capture carbone des arbres.
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Encore une certitude scientifique remise en cause ! Contrairement à ce que l'on pensait l’allongement de l’été dû au réchauffement climatique ne va pas retarder la chute des feuilles d’arbres en automne, mais l'avancer ! « Les modèles précédents supposaient que parce que les automnes deviendront de plus en plus chauds au cours du siècle prochain, l'automne sera retardé de deux à trois semaines », explique Philip James, l'un des auteurs de la nouvelle étude parue dans Science. « Deux décennies d'observation sur le terrain montrent que l'automne a été retardé de 0,25 jour par an », rapporte par exemple une étude de 2014 parue dans Nature Climate Science. Mais selon Philip James, professeur d'écologie à l'université de Salford (Royaume-Uni) : « D'ici 2100, lorsque les saisons de croissance des arbres seront plus longues de 22 à 34 jours, les feuilles tomberont des arbres entre trois et six jours plus tôt qu'aujourd'hui. »
Le saviez-vous ?
Chaque année, dans un processus connu sous le nom de sénescence, les feuilles des arbres à feuilles caduques deviennent jaunes, orange et rouges avant de tomber de l'arbre avant l'hiver. La sénescence des feuilles marque également la fin de la période pendant laquelle les plantes absorbent le dioxyde de carbone par photosynthèse. Lorsque le printemps revient, les feuilles repoussent et l’arbre recommence à stocker le CO2.
L’effet satiété
L'explication de ce paradoxe tient en deux mots : l'effet satiété. « C'est un peu le même mécanisme que nous observons chez l'Homme : si vous commencez à manger plus tôt, vous serez rassasié plus vite », décrit à CNN Constantin Zohner, chercheur à ETH Zurich et coauteur de l'étude. Les arbres disposent d'une capacité limitée de photosynthèse au cours de la saison, explique-t-il. « Si l'arbre absorbe plus de CO2 au printemps et en été en raison de l'arrivée précoce de la saison, il va mécaniquement perdre ses feuilles plus tôt à l'automne. » Pour chaque augmentation de 10 % de l'activité photosynthétique au cours de la saison de croissance au printemps et en été, les arbres perdent leurs feuilles, en moyenne, huit jours plus tôt, indique l'étude.
En utilisant une combinaison d'observations sur le terrain, de tests en laboratoire et de modélisationmodélisation, les experts ont suivi six espècesespèces européennes d'arbres à feuilles caduquesfeuilles caduques (marronnier d'Inde, bouleau argenté, hêtrehêtre européen, mélèze européen, chêne anglais et sorbier) au cours des six dernières décennies. « Les températures d'automne et la longueur des jours étaient jusqu'ici les deux principaux facteurs environnementaux de la sénescencesénescence des feuilles. Nous en avons identifié un troisième qui est la productivité auto-limitée », souligne Constantin Zohner.
Quand le réchauffement climatique aggrave le réchauffement climatique
Tout cela pourrait paraître anecdotique : après tout, prendre ses photos de forêts jaune orangé une semaine plus tôt ne devrait pas déranger grand monde. Pourtant, des feuilles qui tombent une semaine plus tôt, cela signifie une semaine de photosynthèsephotosynthèse en moins... et donc une semaine de moins à absorber du carbonecarbone. Ou quand le réchauffement climatique aggrave le réchauffement climatique ! « Le seul moyen de résoudre ce problème serait de permettre aux arbres d'augmenter leur capacité totale d'absorptionabsorption du CO2 », fait valoir Philip James. Mais comment ? Va-t-on devoir planter des forêts d'arbres génétiquement modifiés ? Nous avons jusqu'en 2100 pour y réfléchir.
En 2100, les plantes pousseront deux semaines de plus à cause du CO2
Article de Janlou CHaputJanlou CHaput publié le 26/04/2014
Le réchauffement climatique risque d'avoir des effets sur la croissance des plantes. L'augmentation de température et le niveau de CO2 en lui-même peuvent pousser les plantes herbacées à survivre 14 jours de plus sur une année d'ici 2100 par rapport à aujourd'hui, bien que cela dépende des territoires.
Le climat de la Terre est en pleine évolution. Avec les rejets massifs de gaz à effet de serregaz à effet de serre (dont le célèbre dioxyde de carbonedioxyde de carbone CO2) liés aux activités humaines, notre planète se réchauffe, entraînant des bouleversements profonds dans la biosphèrebiosphère. L'environnement des espèces polaires se restreint, d'autres écosystèmesécosystèmes se dérèglent, si bien que la faunefaune et la flore risquent de ne pas toujours savoir s'adapter.
Les plantes sont les premières concernées, et déjà, de nets effets se font ressentir. Des analyses révèlent qu'aux États-Unis, entre 1900 et aujourd'hui, le délai entre le dernier dégel printanier et les premières températures négatives de l'automne s'est étendu de deux semaines. De l'autre côté de l'Atlantique, les conséquences ont été mesurées sur les végétaux : entre 1971 et 2000, la floraison a été avancée d'une semaine, tandis que la sénescence a été reportée de quatre jours.
Il a déjà été montré que l'augmentation de la température favorisait la croissance des plantes. Mais ce n'est pas le seul facteur directement impliqué : l'excédent de CO2 aussi interviendrait. Mais à quelle hauteur ? C'est ce que Heidi Steltzer, du Fort Lewis College de Durango (Colorado, États-Unis), a voulu estimer.
Le CO2 rallonge la croissance des plantes de huit jours
Cette recherche a été menée dans les prairies du Wyoming sur une période de cinq ans, à partir de 2006. Au beau milieu de ces étendues herbacées, des parcelles d'environ 8,5 m2 ont été continuellement chauffées de 1,5 °C par rapport aux moyennes de saison le jour, et de 3 °C supplémentaires la nuit. D'autres fractions du terrain ont quant à elles bénéficié d'un niveau de CO2 supérieur de 50 % à celui qui règne actuellement. Enfin, certaines parcelles profitaient des deux paramètres, afin de mimer les conditions attendues en 2100.
Seules six espèces de graminéesgraminées ou d'arbustes ont été suivies par les botanistesbotanistes. Ont été notés les moments d'apparition des feuilles ou des fleurs, de la maturation des graines ou du jaunissement des feuilles. Difficile de donner une estimation correcte tant la variabilité était importante d'une année sur l'autre, et en fonction des espèces. Néanmoins, en calculant une moyenne, les chercheurs ont constaté que les plantes poussant dans les portions du terrain uniquement chauffées voyaient leur croissance s'allonger de 6,2 jours. Sur les parcelles combinant température élevée et excédent de CO2, la croissance végétale s'étalait sur 14,2 jours supplémentaires, peut-on lire dans la revue Nature.
Pour la première fois donc, on dispose d'une estimation de l'effet du dioxyde de carbone sur la flore de prairie. Cependant, ces observations peuvent se révéler différentes d'une région à l'autre, car elles dépendent de l'humidité des sols. En effet, lorsque le taux de CO2 s'élève, la plante ferme progressivement ses stomatesstomates, les pores par lesquels s'échangent les gaz. En contrepartie, l'eau contenue dans la plante s'évapore moins, donc le végétal en perd moins. En conséquence, il en prélève moins. La croissance se termine quand les sols se sont vidés de leur eau. Or, le liquideliquide de la vie n'est pas systématiquement le facteur limitant.
Quels effets sur l’écosystème de 2100 ?
Reste à mesurer les conséquences d'un tel constat. Bien qu'il soit difficile de se lancer dans des prévisions générales et des extrapolations, les scientifiques supposent fortement que tout l'écosystème en sera affecté, positivement comme négativement. Par exemple, dans de telles circonstances, la saison de reproduction pourrait se raccourcir. Une mauvaise nouvelle pour les pollinisateurs s'ils se désynchronisent avec le cycle floral. Mais aussi pour les plantes elles-mêmes, qui dépendent de ces animaux pour coloniser les terrains plus loin.
En revanche, il faut aussi voir la vie du bon côté, et certaines espèces bénéficieront sans aucun doute de ce nouvel environnement. La nature ayant horreur du vide, la place laissée vacante par les grands perdants de cette histoire sera bien vite comblée, afin de tendre vers un écosystème à l'équilibre. Une fois de plus, ces réarrangements seront grandement imputables à l'Homme.