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La baleine franche australe n'a pas de nageoire dorsale, et peut mesurer jusqu'à 18 m de long. Si l'espèce n'est pas menacée, elle fait face cette dernière décennie à des événements de mortalité importants, dont les causes restent obscures. © Michaël Catanzariti, Wikipédia, GNU 1.2
Dans l'hémisphère nord, les baleines franches du Pacifique nord (Eubalaena japonica) et de l'Atlantique nord (E. glacialis) figurent sur la liste des espèces en danger d'extinction de l'UICNUICN. Au début du XXe siècle, elles étaient les cétacés les plus chassés, les baleiniers pouvaient en tuer plus de 30.000 par décennie. Aujourd'hui on compte seulement quelque 300 individus de chaque espèce. De l'autre côté du globe en revanche, la baleine franche australe (E. australis) se porteporte beaucoup mieux, avec plus de 7.000 individus recensés. Cette dernière décennie, toutefois, elles connaissent une mortalité mystérieusement élevée.
De 1971 à 2011, 630 baleines franches australes ont été retrouvées mortes au large de la péninsule Valdés, en Argentine. Sur trois décennies, cela peut sembler peu, mais sachant que 77 % d'entre elles sont décédées entre 2003 et 2011, il y a de quoi s'alerter. Un rapport, publié dans le journal Marine Ecology Progress Series, explique par ailleurs que 89 % de ces décès se sont produits dans les zones où les femelles viennent de décembre à mai pour mettre bas. En 2008, près d'une centaine d'individus sont morts durant cette période de mise basmise bas et 89 d'entre eux étaient précisément des nouveau-nés. L'année 2012 a été record, 116 individus ont été retrouvés sur les plages, dont 113 étaient de jeunes baleineaux.
Une baleine sonde au large de la péninsule Valdés, située dans le centre-est de l'Argentine. Ce site, classé au patrimoine de l'Unesco, est l'une des principales zones de mise bas des populations de baleines franches australes. © Edith Schreurs, Wikipédia, cc by sa 2.0
Des scientifiques, associés au SouthernSouthern Right Whale Health Monitoring Program (SRWHMP), tentent de résoudre le mystère de l'hécatombe des baleineaux depuis quelques années déjà. Dans leur rapport, paru en novembre 2013, les scientifiques expriment leur incompréhension. « Chaque année, nos modèles établis à partir des années précédentes sont brisés par les nouveaux résultats. Le nombre de baleines mortes, la duréedurée de la saison de hausse de mortalité, l'emplacement des baleines échouées... tout change, expliquent-ils dans leur document. Le seul fait qui reste constant est que la majorité des décès survient chez les nouveau-nés. »
Le krill serait-il manquant dans l’océan austral ?
Lors de l'International Whaling Commission en 2010, le groupe de biologistes marins a conclu qu'il pouvait y avoir trois explications plausibles. Des événements de mortalité massive peuvent se produire en raison d'une maladie, comme par exemple le cas du morbilivirus qui décime des populations de dauphins le long de la côte est des États-Unis. Ils peuvent aussi résulter d'un manque de nourriture ou encore de l'ingestioningestion de toxinestoxines, générées par exemple lors d'efflorescencesefflorescences algales. Les lamantins de Floride connaissent actuellement une hécatombe liée aux maréesmarées rouges.
Ces deux dernières années, l'équipe de biologistes, menée par la chercheuse Victoria Rowntree, a enquêté sur ces trois possibilités. Il semble toutefois que seuls quelques nouveau-nés étaient infectés, ou présentaient un taux de toxine un peu plus élevé que la moyenne. Définir s'il y a un manque de nourriture dans cette région argentine est, d'après Victoria Rowntree, la tâche la plus difficile à accomplir. L'équipe est encore à ce jour en train d'enquêter à ce sujet.
Les femelles dépendent du stock disponible de krill pour remplir leur réserve de graisse avant de donner naissance. En effet, durant les premiers mois du baleineau, la mère ne se nourrit pas. Aussi, si elle n'a pas développé suffisamment de graisse, il est possible qu'elle ne fournisse pas à sa progéniture les nutrimentsnutriments dont elle a besoin. Cela pourrait donc rendre son petit faible et aider, si ce n'est causer, sa mort. La nourriture laissant une trace dans les fanons des baleines, l'équipe espère identifier l'état de nutrition des individus.
Des goélands de plus en plus agressifs
L'une des causes possibles, considérée seulement récemment, est l'attaque des baleineaux par les goélands dominicains. Depuis les années 1980, ces oiseaux ont développé une nouvelle technique pour se nourrir : ils convoitent la peau des baleines et leur provoquent nombre de blessures sur le dosdos. Les baleines adultes auraient semble-t-il appris à éviter ces attaques, mais les baleineaux sont beaucoup plus fragiles.
Ces baleines sont probablement soumises à une somme de stressstress et non victimes d'un seul traumatisme. Mais il est encore un peu tôt pour se prononcer. Les baleines franches australes atteignent la majorité sexuelle à l'âge de neuf ans, et la première année où le taux de mortalité a réellement dépassé les taux moyens est l'année 2005. Les femelles nées cette année-là seront en mesure de donner naissance à partir de 2014. Difficile pour l'heure donc de déterminer avec certitude ce qu'il se passe chez cette population. Néanmoins, sachant que la perte de l'année dernière correspond à 3 % de la population totale, il peut rapidement devenir urgent de déterminer la cause d'une telle hécatombe de baleineaux.