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Une découverte pour le moins étonnante a été faite à 200 km à l'ouest des côtes du Costa Rica, à 3 km de profondeur, dans l'océan Pacifique. Les scientifiques exploraient les fonds sous-marins au niveau de l'affleurement Dorado, un ensemble de roches formées de laves durcies et refroidies provenant d'un volcan sous-marin. Les chercheurs ont utilisé un véhicule submersible pour récupérer des échantillons de fluides chauds sortant des fissures de roches.
L'expédition a découvert un groupe d'une centaine de pieuvres avec leurs œufs, dans un lieu où elles ne devraient pas pouvoir vivre. Janet Voight, un des auteurs de l'article paru dans Deep Sea Research Part I: Oceanographic Research Papers, a expliqué que lorsqu'elle a vu les images des pieuvres, elle s'est dit : « Elles ne devraient pas être là ! Pas si profond et pas si nombreuses ! » Les pieuvres faisaient partie d'une espèce inconnue du genre Muusoctopus. Ces pieuvres roses, de la taille d'une assiette de table, ont de grands yeuxyeux et sont habituellement solitaires.
Un endroit trop chaud pour élever des bébés pieuvres
La plupart des pieuvres semblaient être des mamans qui couvaient leurs œufs. Et cette nurserie infernale se trouvait près de fluides chauds qui sortaient des fissures de roches. D'après le communiqué du muséum Field (Chicago, États-Unis), cela n'a pas de sens d'élever ses petits à cet endroit à cause de la chaleurchaleur et du manque d'oxygène : ce serait du suicide ! Les pieuvres des profondeurs de l’océan vivent plutôt dans des eaux froides. La chaleur active leur métabolismemétabolisme et augmente leurs besoins en oxygène, des besoins qui ne sont pas forcément pourvus dans des eaux chaudes. Les pieuvres présentaient des signes de stressstress, avec un rythme respiratoire élevé, et les scientifiques n'ont pas vu d'embryonsembryons se développer dans les 186 œufs observés.
Une hypothèse pour expliquer la présence mystérieuse de ces pieuvres est qu'elles se trouvent à proximité d'un environnement plus favorable : d'autres pieuvres pourraient vivre dans des crevasses à proximité, dans des eaux plus froides et plus riches en oxygène. Peut-être que la population a augmenté et que certaines pieuvres ont dû aller couver leurs œufs plus loin, dans des lieux plus risqués.
Record : une maman pieuvre couve ses œufs plus de 4 ans
Article paru le 10 août 2014
Ce serait un record dans le monde animal : une pieuvre du fond des océans s'occupe de ses œufs pendant plus de 4 ans, les petits mettant des années à s'y développer. Le destin d'une telle super-maman est inévitablement la mort.
S'occuper de ses œufs pendant 4 ans en mangeant très peu, voire pas du tout, cela peut paraître impossible. Pourtant c'est ce que ferait une pieuvre des abysses. Dans les eaux froides et sombres des fonds sous-marins, les processus métaboliques sont en effet souvent longs. C'est pourquoi le développement embryonnaire pourrait être très ralenti, mais jusqu'à quel point ? Des chercheurs de l'université de Rhode Island et du Monterey Bay Aquarium Research Institute ont eu l'occasion d'observer la couvaison d'une pieuvre dans la baie de Monterey, au large de la Californie. Ils décrivent leurs observations dans un article paru dans Plos One.
La maman Graneledone boreopacific, ici en photo, vivait dans le canyon de Monterey, au large de la Californie. © 2014 Robison et al., PLOS One, CC by 4.0
En mai 2007, au cours d'une exploration dans le canyon de Monterey, les chercheurs ont découvert une pieuvre femelle de l'espèce Graneledone boreopacifica accrochée à une paroi rocheuse à 1.397 m de profondeur en train de surveiller ses œufs. Par la suite, les chercheurs sont revenus inspecter cet endroit 18 fois en quatre ans et demi. À chaque fois, ils ont retrouvé la même pieuvre reconnaissable grâce à ses cicatricescicatrices sur le corps. Peu à peu, les œufs grossissaient et les jeunes pieuvres se développaient.
Les chercheurs ont vu la mère pour la dernière fois en septembre 2011. Un mois plus tard, elle avait disparu laissant derrière elle environ 160 capsules d'œufs vides. Par conséquent, elle aurait couvé ses œufs pendant près de 4 ans et demi, soit plus longtemps qu'aucun animal connu à ce jour.
53 mois pour couver les œufs
Pendant les 53 mois de couvaison, la mère devait s'assurer que les œufs baignent continuellement dans une eau bien oxygénée, et éviter qu'ils soient recouverts de vase. Elle devait aussi les protéger des prédateurs. Durant tout ce temps, les chercheurs n'ont jamais vu la femelle quitter ses œufs ni se nourrir. Au contraire, elle ne semblait pas s'intéresser aux petits crabes ou crevettes autour d'elle, elle perdait du poids et sa peau devenait de plus en plus pâle et lâche.
Tous les œufs ont éclos. © 2014 Robison et al., Plos One, CC by 4.0
Ceci n'est pas étonnant chez ces céphalopodes : la plupart des femelles pieuvres ne pondent qu'une fois dans leur vie et meurent généralement peu après l'éclosion des œufs. Pendant la couvaison, les pieuvres arrêtent de s'alimenter ou réduisent fortement leurs apports alimentaires. Ici, les chercheurs n'avaient aucune preuve que l'animal s'alimentait pendant la couvaison. C'est pourquoi ils se demandaient comment la pieuvre a pu vivre si longtemps, même si les faibles températures et l'inactivité conduisent à des besoins énergétiques plutôt faibles.
Une espérance de vie plutôt longue
Pour les petits, il y a bien sûr des avantages à être couvés si longtemps : ces pieuvres n'ont pas de stade larvaire et à leur éclosion, elles sont capables de survivre par elles-mêmes et de chasser de petites proies. Du point de vue de l'évolution, l'espèce aurait donc trouvé un équilibre entre les bénéfices d'un développement lent et la capacité de la mère à survivre des années avec très peu de nourriture, voire pas du tout.
Mais cette recherche suggère aussi une duréedurée de vie assez longue pour cette espèce : elle pourrait être l'un des céphalopodes vivant le plus longtemps, car la plupart des pieuvres vivent généralement un ou deux ans. Pour les chercheurs, « la couvaison confère aussi une extension de la vie de l'adulte qui excède largement la plupart des projections de la longévité des céphalopodes ».