Le premier séquençage du génome d'un céphalopode, en l'occurrence la pieuvre Octopus bimaculoides, a apporté son lot de surprises. Cet animal si original par sa forme et son comportement l'est aussi à l'échelle de l'ADN : le poulpe a davantage de gènes codant pour des protéines que l'Homme et ceux destinés à développer les neurones ou à modifier les colorations de la peau sont particulièrement nombreux. De quoi mieux comprendre la morphologie, le comportement et le cerveau uniques de ces animaux marins.

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    Comme son nom l'indique, la pieuvre à deux points de Californie vit en partie dans l'est du Pacifique, de la Californie aux côtes du Mexique. Elle tire aussi son nom des faux yeux situés sous chaque œil. © Jeremyse, Wikimedia Commons, DP

    Comme son nom l'indique, la pieuvre à deux points de Californie vit en partie dans l'est du Pacifique, de la Californie aux côtes du Mexique. Elle tire aussi son nom des faux yeux situés sous chaque œil. © Jeremyse, Wikimedia Commons, DP

    Le génomegénome de la pieuvre à deux points de Californie (Octopus bimaculoides) est publié dans la revue Nature. Une première chez les céphalopodes comprenant environ 800 espèces. Détenir ces informations génétiquesgénétiques est comme « avoir [accès à] une trousse à outils que l'animal utilise pour construire [son] corps et développer des comportements vraiment très cool », déclare Caroline Albertin, étudiante à l'université de Chicago, aux États-Unis, et auteure principale de l'étude. Apparus il y a environ 270 millions d'années, ces animaux évolués sont réputés pour être très habiles, par exemple, pour se libérer d'un bocal en dévissant son bouchon ou pour utiliser des coques de noix de coco comme bouclier ou comme abri mobilemobile.

    O. bimaculoides vit à environ 20 mètres de profondeur où elle aime se cacher dans le substrat de sable, les grottes de roche ou les débris. Le mollusquemollusque peut modifier les couleurscouleurs de son corps et adopter différentes parures, comme le gris avec des taches jaunes, pour s'adapter à son environnement (voir la vidéo).

    Durant sa courte vie (18 mois), <em>Octopus bimaculoides</em> se nourrit principalement de palourdes, de moules, d'écrevisses, de petits crabes et d'escargots. Sa fin de vie est annoncée par la ponte des femelles et par la sénilité des mâles. © Jerry Kirkhart, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0

    Durant sa courte vie (18 mois), Octopus bimaculoides se nourrit principalement de palourdes, de moules, d'écrevisses, de petits crabes et d'escargots. Sa fin de vie est annoncée par la ponte des femelles et par la sénilité des mâles. © Jerry Kirkhart, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0

    Des gènes liés au développement des neurones

    Le génome obtenu et comparé avec d'autres révèle différents résultats : tout d'abord, il contient 33.000 gènesgènes codeurs de protéinesprotéines, contre 25.000 pour l'Homo sapiensHomo sapiens. S'il ressemble beaucoup à celui des autres mollusques, y compris les palourdes et les escargots, le génome de la pieuvre comporte également deux groupes de gènes que les spécialistes pensaient jusqu'alors propres aux vertébrésvertébrés : celui des protocadhérines, des protéines liées au développement neuronal, et le groupe de la superfamille C2H2 de facteurs de transcriptiontranscription de protéines dits « en doigt de zinc ». Ces petits motifs structuraux s'ordonnent en complexes comportant un ou plusieurs ionsions zinczinc pour stabiliser les plis des protéines. Finalement, « la pieuvre apparaît totalement différente de tous les autres animaux, même des autres mollusques, avec ses huit bras préhenseurs, son grand cerveaucerveau et sa capacité à résoudre des problèmes », conclut Clifton Ragsdale, neurobiologiste à l'université de Chicago, aux États-Unis, et coauteur de l'article.

    Des centaines de gènes spécifiques aux céphalopodes expriment aussi des fonctions spécialisées de la pieuvre, notamment au niveau de sa peau lisse et quasi transparente ou de sa coloration adaptative, grâce à laquelle l'animal peut modifier rapidement la couleur et la texturetexture de sa peau pour se fondre dans son environnement. « Nous avons trouvé des centaines de nouveaux gènes qui n'ont pas leur pareil chez d'autres animaux et peuvent être impliqués dans ce processus de camouflage unique », précise Daniel Rokhsar, professeur à l'université de Californie et coauteur de la recherche.

    L'équipe scientifique souhaite à présent approfondir ses travaux pour tenter d'identifier les gènes permettant de régénérer des membres, de propulser l'animal par des jets sous-marinssous-marins et de saisir des objets à l'aide de ses tentacules préhensilespréhensiles.