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Il y aura 30 ans l'année prochaine, Johannes Georg Bednorz et Karl Alexander Müller découvraient une classe particulière de matériaux devenant supraconducteurs à 35 kelvins (K), un record pour l'époque. En effet, depuis leur découverte en 1911, les matériaux supraconducteurs n'exhibaient une annihilation de la résistivité qu'à des températures inférieures à 10 K environ. Un an après la trouvaille de Bednorz et Müller, d'autres physiciensphysiciens dépassèrent la température de liquéfaction de l'azote (77 K) avec un autre exemple de cette classe désormais célèbre des cupratescuprates, un membre des YttriumYttrium barium copper oxide, pour oxydes mixtes de baryumbaryum de cuivrecuivre et d'yttrium).
Ces supraconducteurs à haute température critiquetempérature critique ont tout de suite fait l'objet de recherches intenses avec l'espoir de comprendre l'origine du mécanisme responsable d'un tel saut dans la température critique de transition de phasetransition de phase.
Les chercheurs espèrent en déduire le moyen de fabriquer des supraconducteurs à température ambiante, ce qui révolutionnerait notre technologie et donc notre société. Des trains magnétiques sans frictionfriction et une distribution sans perte de courant électriquecourant électrique deviendraient par exemple la règle ; il serait également possible de miniaturiser et multiplier bien des dispositifs d'imagerie médicale basés sur les champs magnétiqueschamps magnétiques, comme ceux permettant de faire de la magnétoencéphalographiemagnétoencéphalographie (MEG).
Revivez la conférence de Julien Bobroff sur la supraconductivité, donnée dans le cadre du cours en ligne « QuidQuam ? Eurêka ! ». © Unisciel, YouTube
Il existe une longue tradition concernant l'analyse théorique de la supraconductivité. Bien des physiciens de très grand talent s'y sont intéressés, comme Lev Landau et Pierre-Gilles de Gennes. Malheureusement, même s'il a été possible de construire une théorie quantique expliquant ce phénomène avec les supraconducteurs dits conventionnels - grâce à la célèbre théorie de Bardeen-Cooper-Schrieffer (BCS), du nom de ses découvreurs -, il n'existe rien de tel pour les cuprates.
La récente déclaration de chercheurs du célèbre SLACSLAC National Accelerator Laboratory, aux États-Unis, a donc tout son intérêt. Ils viennent d'annoncer, dans un article déposé sur arXiv, leur découverte d'une nouvelle caractéristique des YBCOYBCO. Celle-ci est présentée comme un pas important en direction de l'élucidation du mécanisme à l'œuvre avec ces supraconducteurs exotiquesexotiques.
De bizarres ondes de charge en 3D au sein des cuprates
Pour réaliser cette découverte, les physiciens ont utilisé les impulsions laserlaser dans le domaine des rayons Xrayons X disponibles, grâce à la Linac Coherent Light Source du SLAC, en conjonctionconjonction avec des impulsions magnétiques intenses. Il a fallu des années pour développer les échantillons de YBCO utilisés dans les expériences ainsi que les aimantsaimants capables de produire des impulsions magnétiques durant seulement quelques millièmes de seconde et avec des intensités de 10 à 20 fois plus élevées que celles des champs magnétiques mis en œuvre pour faire de l'imagerie par résonance magnétiqueimagerie par résonance magnétique (IRM).
À leur grande surprise, les chercheurs ont alors mis en évidence des ondes statiques de densité de charge en 3D dans les YBCO. Comme leur nom l'indique, ces ondes ne sont pas progressives : elles ne se propagent pas dans l'espace comme le font le son ou des vaguesvagues à la surface de l'eau. Elles décrivent plutôt des oscillations spatiales dans une densité de charge similaire à celle que l'on peut trouver avec une série de collines à la surface de la Terre.
Le phénomène est paradoxal car la supraconductivitésupraconductivité fait intervenir des mouvementsmouvements de charges mais, selon les physiciens, l'existence de ces ondes est nettement liée au phénomène de supraconductivité dans les YBCO. Il leur reste à comprendre pourquoi.