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Depuis quelques années, les chercheurs parlent de plus en plus de l'effet Hall de spin quantique. Il s'agit du nouvel avataravatar d'un phénomène physique prédit en 1971 par les physiciensphysiciens russes M. I. Dyakonov et V. I. Perel, et observé en 2004 : l'effet Hall de spin. Il ressemble à l'effet Hall, mais au lieu de conduire à une simple ségrégation des charges au bord d'un conducteur, il sépare aussi les charges en fonction de leur spin, et surtout ne fait pas intervenir de champ magnétique. Un champ électrique suffit.
De manière générale, un effet Hall de spin intéresse les chercheurs travaillant dans le domaine de la spintronique, et même ceux s'occupant des ordinateurs quantiques. En effet, on sait que l'électronique de spinélectronique de spin permet d'imaginer de nombreux dispositifs en manipulant des charges par l'intermédiaire de leur spin. Jusqu'à présent, la spintronique s'est surtout développée en utilisant des matériaux ferromagnétiquesferromagnétiques. Mais l'observation récente de l'effet Hall de spin quantique (qui avait été prédit au milieu des années 2000 avec certains matériaux dans lesquels les électronsélectrons sont confinés à deux dimensions) montre bien qu'il est possible de trier des porteurs suivant leur état de spin dans l'ensemble des semi-conducteurssemi-conducteurs et des métauxmétaux non magnétiques. S'affranchir des champs et des matériaux magnétiques ouvre donc de nouvelles perspectives pour la spintronique.
Effet Hall de spin et spintronique
C'est initialement dans le graphènegraphène que l'on s'attendait à trouver l'effet Hall de spin quantique, ou quantum spin Hall effect (QSHE). Mais on l'a finalement mis en évidence en 2007 dans des feuillets de tellurure de mercuremercure de quelques nanomètresnanomètres d'épaisseur refroidis à environ 30 mK. Ce domaine de recherche se développe de plus en plus du fait qu'il est connecté à la spintronique, mais aussi aux isolants topologiques. Il se trouve que les isolants topologiques ont fait naître beaucoup d'espoir, car ils permettraient peut-être de construire des ordinateurs quantiques topologiques naturellement protégés contre l'effet de la décohérence.
L'effet Hall de spin quantique a d'abord été observé dans des feuillets de tellure de mercure. On obtenait déjà un filtrage des courants de spin en fonction de l'orientation des spins des porteurs de charge, qui ne pouvaient se déplacer que dans une seule direction pour un bord donné, comme on le voit sur ce schéma. © Universidad Autonoma de Madrid
Un nouvel avatar de l'exploration de l'effet QSHE se retrouve aujourd'hui dans une publication de Nature, et elle concerne cette fois-ci le graphène. Des chercheurs du MIT ont découvert que ce matériaumatériau miracle se comportait comme un filtre à courant de spin quand on le plongeait à très basse température dans un champ magnétique adéquat.
D'ordinaire, avec un effet Hall quantiqueeffet Hall quantique se produisant dans un feuillet de ce matériau conducteur soumis à un champ magnétique qui lui est perpendiculaire, des charges apparaissent sur les bords du feuillet et s'écoulent dans la même direction, donc sans être filtrées selon leur spin. Il suffit de modifier le sens du champ magnétique pour passer de l'une à l'autre. Mais dans le cas de l'expérience décrite dans l'article disponible sur arxiv, les physiciens ont ajouté une composante supplémentaire du champ magnétique, parallèle au feuillet.
Effet Hall de spin quantique et isolants topologiques
Cette fois, les charges, en l'occurrence des électrons, se déplacent selon une direction et un bord qui dépendent de l'orientation des spins des électrons parallèlement au feuillet de graphène. Ce genre de phénomène rappelle celui observé dans des isolants topologiques, ce que n'est pas d'ordinaire le cas avec le graphène, selon les chercheurs. Là encore, l'orientation des courants de spin peut être changée à volonté avec le sens du champ magnétique. Ce qui, toujours selon les chercheurs, devrait permettre de réaliser des circuits et des transistors avec le graphène.
C'est la première fois que l'on observe ces phénomènes dans du graphène. Ils pourraient permettre de faire des calculateurs quantiquescalculateurs quantiques. Mais pour le moment, il faut refroidir le graphène à 0,3 K et utiliser des champs magnétiques de 35 teslasteslas, c'est-à-dire dire dix fois plus intenses que ceux mis en œuvre pour réaliser une IRMIRM. Les physiciens espèrent pouvoir obtenir cet effet Hall de spin quantique dans des conditions moins extrêmes. Dans le cas contraire, les dispositifs qu'il pourrait permettre de réaliser, à la croisée des recherches concernant le graphène, la spintronique et les isolants topologiques, resteront limités à des laboratoires spécialisés.