En médecine, en astronomie ou encore pour mesurer la qualité de l’air ou de l’eau, ce minuscule spectromètre, qui reste à finaliser, pourrait bouleverser les méthodes d’analyses.

au sommaire


En « mode Lippmann » (à gauche), la lumière à analyser pénètre dans la fibre et repart dans l’autre sens après réflexion sur un miroir. Le faisceau peut aussi être coupé en deux parties. L’onde stationnaire est analysée par la batterie de capteurs. © LAOG

En « mode Lippmann » (à gauche), la lumière à analyser pénètre dans la fibre et repart dans l’autre sens après réflexion sur un miroir. Le faisceau peut aussi être coupé en deux parties. L’onde stationnaire est analysée par la batterie de capteurs. © LAOG

Depuis plusieurs années, on cherche à améliorer les performances et la miniaturisation des spectromètres à l'aide de la microélectronique. Ces appareils d'analyse servent dans de nombreux domaines. Les astronomes dissèquent grâce à eux la lumière venue de l'espace et peuvent ainsi remonter à la composition chimique des étoiles, du Soleil, des nuages de gaz ou des planètes. Au laboratoire, la lumière réfléchie par un objet trahit de la même manière la nature chimique d'un objet quelconque. La spectrométrie sert ainsi en médecine, pour analyser des cellules cancéreuses ou encore pour analyser la composition d'un gaz ou d'un liquide.

C'est d'un laboratoire d'astronomie qu'est venue cette innovation. Une équipe du Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble (LAOG, Université Joseph Fourier), menée par Etienne Le Coarer, a inauguré une voie originale, utilisant une fibre optique. Au lieu d'occuper le volume d'une boîte à chaussure, comme les appareils actuels, leur prototype est à peine visible à l'œil nu ! Il ne mesure que 750 x 500 x 22 micromètres.

Baptisé Swifts (pour Stationary-Wave Integrated Fourier Transform Spectrometer), il est basé sur un principe imaginé en 1891 par Gabriel Lippmann. Le rayon lumineux à étudier se réfléchit sur un miroir et, repartant en sens inverse, interfère avec le faisceau entrant pour former une onde stationnaire. La forme de cette onde est très précisément dépendante des longueurs d'onde. Il suffit de mesurer l'intensité lumineuse le long de cette onde immobile pour obtenir le spectre de la lumière incidente après une opération relativement simple (la célèbre Transformée de Fourier).

Nanocapteurs et fibre optique

Gabriel Lippmann avait imaginé un procédé photographique pour fixer dans la gélatine la forme de cette onde stationnaire. Pourquoi ne pourrait-on pas y parvenir avec une succession de capteurs microscopiques ? s'est demandé Etienne Le Coarer. Avec son équipe, il a testé la faisabilité de ce principe en réalisant un détecteur autour d'une fibre optique. Deux modes de fonctionnement sont possibles : soit, comme dans l'idée de Gabriel Lippmann, la lumière à analyser se réfléchit sur un minuscule miroir à l'autre extrémité de la fibre, soit le faisceau incident est coupé en deux pour obtenir deux rayons pénétrant à chaque bout de la fibre optique.

Il reste encore un détail à mettre au point : les capteurs... Puisque personne ne fabrique ce genre d'objets, l'équipe les a simulés à l'aide de fils d'or de 4 micromètres de longueur pour 500 nanomètres d'épaisseur, disposés le long de la fibre. L'appareil fonctionne parfaitement et a démontré une résolution spectrale de 4 nanomètres pour une longueur d'onde de la lumière de 1,5 micromètre.

Il faudra attendre la réalisation de ces nanocapteurs pour obtenir un appareil pleinement opérationnel. Mais de nombreux chercheurs se montrent déjà intéressés. Un spectromètre miniature et facilement utilisable serait utile aux astronomes, bien sûr, mais aussi dans d'innombrables domaines, comme la mesure de la qualité de l'air ou de l'eau, la détection de gaz dangereux et même les télécommunications. En médecine, on peut espérer remplacer le prélèvement de cellules supposées tumorales par une mesure directe dans le corps.

On peut donc avoir la tête dans les étoiles et travailler en même temps au bien-être quotidien de tous...