Près de trente ans après la découverte de Bednorz et Müller, la supraconduction à température ambiante reste encore un rêve lointain. Mais les progrès sont là : le plus long câble supraconducteur basé sur la découverte des deux prix Nobel vient d’être inauguré dans la ville allemande d’Essen (Ruhr). Il remplace un câble à haute tension long de 1 kilomètre reliant deux transformateurs.

La compagnie RWE (Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk Aktiengesellschaft) est un conglomérat allemand œuvrant dans le secteur de l'énergie. Il y a quelques années, elle s'est associée avec Nexans et le Karlsruhe Institute of Technology (KIT) pour lancer le projet AmpaCity. Il s'agissait de rapprocher un peu plus de la réalité un vieux rêve de l'humanité depuis la découverte de la supraconductivité, l'utilisation de cet état de la matière pour transporter sans perte des courants sur de longues distances.

Ce rêve semblait à portée de main en 1986 après la découverte des cuprates par Johannes Georg Bednorz et Karl Alexander Müller. Rapidement ont commencé à émerger des supraconducteurs à haute température critique ne nécessitant plus un refroidissement par l'hélium liquide, mais seulement par de l'azote liquide. On espérait alors atteindre des températures bien plus élevées que les 77,36 K (-195,79 °C) du point de liquéfaction de l'azote. L'objectif était à terme d'obtenir la supraconduction à température ambiante. Notre technologie et même notre vie quotidienne en serait bouleversées. On peut s'en faire une idée en regardant les vidéos de l'exposition SupraDesign qui a été consacrée aux applications possibles des supraconducteurs à température ambiante.


Revivez la conférence de Julien Bobroff sur la supraconductivité, donnée dans le cadre du cours en ligne « QuidQuam ? Eureka ! » © Unisciel, YouTube

Un câble supraconducteur supportant 40 MW

Malheureusement, la compréhension des mécanismes à l'origine des supraconducteurs non conventionnels que sont les cuprates ou les pnictures s'est révélée plus difficile que prévu et aucun matériau supraconducteur à température ambiante n'est encore apparu au laboratoire. Heureusement, des progrès ont été réalisés dans l'obtention des matériaux supraconducteurs à haute température critique. Leur résistance mécanique et les coûts de fabrication permettent désormais la réalisation de câbles supraconducteurs en longueurs suffisantes pour des applications hors des laboratoires, comme dans l'accélérateur de particules du Cern.

Tout récemment, le plus long câble supraconducteur du monde a été inauguré en présence de Johannes Georg Bednorz dans la ville allemande d'Essen (Ruhr). Le projet AmpaCity a donc abouti. Long d'environ 1 km, ce câble coaxial triphasé de 10 kV, refroidi à l'azote liquide, il relie deux postes transformateurs et peut transporter 40 mégawatts. Sa capacité de transport d'électricité est cinq fois supérieure à celle d'un câble en cuivre de même section, et ce avec des pertes par effet Joule bien moindres. Si les tests sont concluants, ce type de câble devrait se généraliser dans un futur proche où il remplacera des câbles haute tension intra-urbains de 100.000 V.


La réalisation du projet AmpaCity en vidéo. © voRWEg gehen mit RWE, YouTube