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Dans une lampe à plasma comme celle-ci, les atomes d'un gaz se retrouvent ionisés par des décharges électriques. On est donc en présence, comme son nom l'indique, d'un plasma. Des ondes de densité de charge peuvent s'y former, analogues à celles qui existent dans les métaux. On donne le nom de plasmons aux excitations quantiques correspondant aux ondes de densité de charge. © PiccoloNamek, Wikipédia, cc by sa 3.0
La plasmonique est une jeune discipline que l'on rattache au domaine de la nanophotonique, c'est-à-dire l'étude de la lumière lorsqu'elle entre en interaction avec des structures matérielles nanométriques de taille inférieure à sa longueur d'onde. Il s'agit donc d'un mariage entre l'optique des milieux matériels et la nanotechnologie. Remarquablement, même si l'on peut dater les premiers développements de la science de la plasmonique du début du XXe siècle, on trouve des traces d'un savoir empirique à son sujet au moins depuis l'Antiquité, avec l'exemple bien connu de la coupe de Lycurgue (IVe siècle après J.-C.), conservée au British Museum. Son verre contient des nanoparticulesnanoparticules d'or et d'argent, ce qui a comme conséquence que la coupe apparaît verte et opaque quand elle est éclairée de l'extérieur, mais rouge-orange et transparente quand elle est éclairée de l'intérieur.
Au fait, qu'est exactement la plasmonique ? Pour le comprendre, il faut remonter aux travaux de Paul Drude sur la conduction électrique des métauxmétaux et de Gustav Mie sur l'interaction des ondes électromagnétiques avec des sphères diélectriquesdiélectriques et métalliques. Ils permettent de considérer ce qui se passe lorsque la lumière entre en interaction avec des métaux dont ils modélisent la conduction en admettant l'existence d'un gazgaz d'électronsélectrons libres entre les noyaux formant des réseaux cristallins. Ce gaz d'électrons soumis à des forces peut voir sa densité de charge osciller, si bien que des ondes analogues aux ondes sonoresondes sonores peuvent s'y former. On les appelle des ondes de Langmuir, du nom de leur découvreur, le physicienphysicien Irving LangmuirIrving Langmuir.
Irving Langmuir (1881-1957) était un chimiste et physicien états-unien, lauréat du prix Nobel de chimie en 1932. Il introduisit en 1928 le terme de « plasma » pour désigner les gaz ionisés. © Wikipédia, DP
Des ondes de Langmuir aux plasmons de surface
Ces ondes existent aussi dans un plasma formé d'atomesatomes ionisés et d'électrons. Lorsque les noyaux d'un réseau cristallinréseau cristallin oscillent sous l'action de forces, cela se traduit par la propagation d'une onde sonore. Or, d'après les lois de la mécanique quantique, l'énergieénergie portée par les ondes sonores doit se trouver sous la forme de paquetspaquets d'énergie que l'on appelle des phonons. Dans le cas des ondes de Langmuir, les lois de la mécanique quantiquemécanique quantique imposent elles aussi la quantificationquantification de leur énergie, de sorte que l'on voit apparaître des plasmons, l'équivalent des phononsphonons pour un gaz de particules chargées.
La plasmonique est donc la théorie du comportement des plasmons dans un milieu matériel en interaction avec la lumière, plus précisément de nos jours lorsqu'on se retrouve dans les conditions d'applicationapplication de la nanophotonique. On s'intéresse beaucoup depuis quelque temps aux plasmons de surfaceplasmons de surface, c'est-à-dire ceux qui se forment à la surface d'un matériaumatériau métallique. Il s'agit donc des quanta d'énergie des ondes de densité d'électrons qui se propagent le long de l'interface d'un métal avec le vide ou un autre matériau, à la façon des vaguelettes qui parcourent la surface d'une mare lorsqu'on y jette un caillou. En effet, on s'est rendu compte que ces plasmons ouvrent la voie à des dispositifs optroniques plus performants, c'est-à-dire des microprocesseursmicroprocesseurs plus rapides et des capteurscapteurs plus sensibles pour la chimiechimie et la biologie, par exemple avec des biopuces optiques.
Plasmons de surface et effet Hong-Ou-Mandel
Aussi incroyable que cela puisse paraître, personne n'avait jusqu'ici démontré que les plasmons étaient bien des particules quantiques à part entière. La quantification de leur énergie était établie, mais pouvait-on bien les utiliser pour faire des expériences d'interférence et de diffractiondiffraction avec les amplitudes de probabilité qui doivent être associées à tous les quantons (terme introduit par le physicien et épistémologue Mario Bunge pour décrire les particules quantiques, qu'elles soient de matièrematière, de force ou des quasiparticules comme les phonons ou les excitonsexcitons) ? La question est particulièrement importante si l'on veut essayer de faire des calculs quantiques avec des qubitsqubits que porteraient des composants relevant de la plasmonique.
Une équipe de chercheurs du California Institute of Technology a voulu en avoir le cœur net. Pour cela, comme les physiciens l'expliquent dans un article publié dans Nature Photonics, ils ont réalisé à la surface d'une puce en siliciumsilicium l'équivalent d'un interféromètreinterféromètre de Hong-Ou-Mandel. Ce dispositif permet de montrer l'effet de l'interférenceinterférence des amplitudes de probabilité quantiques avec deux photonsphotons ou d'autres quantons.
Il s'est avéré que les plasmons de surface se comportaient bien dans l'interféromètre de Hong-Ou-Mandel comme d'authentiques quantons. On peut donc imaginer que des ordinateurs quantiques pourraient voir le jour à l'aide de la plasmonique.