Des énigmes se trouvent encore dans la vie de tous les jours à l’heure où l’homme se prépare à sonder la physique de l’Esprit et de la création de l’Univers. Un groupe de chercheurs allemands et français vient de répondre à l’une d’entres elles : pourquoi du sable mouillé permet-il de construire des châteaux de sable.

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    Chateau de sable géant au concours de Myrtle beach. Crédit : funbeaches.com

    Chateau de sable géant au concours de Myrtle beach. Crédit : funbeaches.com

    La physique des matériaux granulairesgranulaires, comme le sablesable et la neige, semble bien peu intéressante de prime abord, mais elle pose de redoutables problèmes aux théoriciens et est riche d'applications pratiques dans l'industrie. C'est aussi en l'étudiant que l'on comprend mieux comment se déposent les sédimentssédiments dans les océans ou lors d'une éruption volcaniqueéruption volcanique. Ces connaissances fournissent des outils pour, entre autre, d'évaluer les risques géologiques comme les glissements de terrain et la formation de certains gisements.

    Des mystères plus vastes y sont cachés. Qui étudie la physique des tas de sable se retrouve souvent récompensé par la découverte de points de vue inattendus sur la structure même de l'Univers. Le poète William Blake ne s'y était pas trompé lorsqu'il appelait à voir l'Univers dans un grain de sable. C'est probablement en méditant sur l'analogieanalogie entre l'écoulement du sable et d'un liquide que les philosophes grecs Leucippe et Démocrite sont parvenus à l'idée d'atome et, encore aujourd'hui, cet écoulement peut nous parler de la naissance de l’Univers.

    Nous savons tous depuis l'enfance que faire un château de sable est assez facile, car l'ajout d'une quantité apparemment aléatoire d'eau à du sable sec en fait un matériaumatériau visqueux facile à travailler. Toutefois, la raison exacte pour laquelle le sable acquière une cohésion, celle-ci changeant peu sur une large plage de la teneur en eau, est longtemps restée un mystère. Or, cela a au moins des implications importantes en génie civil, et en particulier dans la préventionprévention des glissements de terrain.

    Aujourd'hui, Stephan Herminghaus du Max Planck Institute for Dynamics and Self Organization de Göttingen, en Allemagne, et ses collègues ont abordé le problème en étudiant des images 3D de perles de verre mouillées, grâce à la radiographieradiographie par microtomographie. Ils ont pour cela utilisé des perles qui ont la même forme et la même taille que les grains de sable naturels.  

    Rangée supérieure : prédictions théoriques de la façon dont les ponts capillaire d'eau (en bleu) lient des perles de verre ensemble. Rangée du bas : images obtenues par microtomographies des ponts entre perles de verre humide. Crédit : <em>Nature Matérials</em>

    Rangée supérieure : prédictions théoriques de la façon dont les ponts capillaire d'eau (en bleu) lient des perles de verre ensemble. Rangée du bas : images obtenues par microtomographies des ponts entre perles de verre humide. Crédit : Nature Matérials

    Lorsqu'un liquide a été ajouté aux perles sèches, celui-ci forme des  structures appelées ponts capillaires  entre les grains. Les forces capillaires sont responsables de la légère élévation de l'eau au voisinage des parois d'un récipient. Lorsque l'on ajoute du liquide, les ponts s'étendent et forment des structures plus grandes. Comme le nombre de ponts a augmenté, les surfaces de chaque perle entrent en contact avec davantage d'eau, ce qui tend à augmenter l'effet de cohésion. Toutefois, l'importance des forces capillaires diminue à mesure que la structure en pont s'étend. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que ces deux effets s'annulent mutuellement, de sorte que les forces liantliant les perles de concert restent les mêmes lorsque la teneur en eau change.

     <br />Sections aves des tomogrames 3D montrant des grains de sable  d'un diamètre d'environ 400 &#956; m et un contenu en liquide de 1 %, 3 % et 7 % (de gauche à droite). Crédit : <em>Nature Matérials</em>

     
    Sections aves des tomogrames 3D montrant des grains de sable  d'un diamètre d'environ 400 μ m et un contenu en liquide de 1 %, 3 % et 7 % (de gauche à droite). Crédit : Nature Matérials

    C'est ce qui explique qu'au-delà d'une certaine limite, et sur un certain intervalle, l'ajout d'eau ne change plus la cohésion du sable mouillé. Les chercheurs ont montré que ce résultat est valable pour des perles sphériques ou non sphériques comme des grains de sable.

    La technique d'imagerie utilisée devrait aussi permettre de mieux comprendre ce qui se passe aux interfaces grain-liquide-airair ainsi que la dynamique de la redistribution des forces et de la matièrematière quand du sable humide est soumis à des déformations ou lorsqu'il s'écoule.

    Comme on le voit, s'il était besoin de le démontrer encore, la physique des matériaux granulaires est très riche et il existe un excellent ouvrage français introduisant à celle-ci, celui d'Etienne Guyon.