La nano-imagerie par résonance magnétique, ou nano-IRM, qui fait descendre l'IRM à l'échelle des molécules, existe depuis près de 20 ans, grâce à la microscopie à force de résonance magnétique. Mais elle nécessite de très basses températures. Plusieurs groupes de chercheurs viennent de montrer comment la pratiquer dans des conditions ordinaires.

L'imagerie par résonance magnétique (IRM) a pris son essor vers le milieu des années 1970. Elle s'est révélée un outil puissant, sans les inconvénients des rayons X, notamment pour étudier la structure et le fonctionnement du cerveau. De nos jours, on l'utilise aussi en imagerie médicale pour examiner les muscles, le cœur et détecter des tumeurs chez des patients.

L'IRM permet d'obtenir des images en 3D dont la résolution est de l'ordre du millimètre et parfois en dessous. Comme il s'agit d'images en trois dimensions, on emploie parfois le terme de « voxel » (contraction de volumetric element) pour désigner un élément de dimension minimal de ces images. Ce vocable est bien évidemment une généralisation de pixel, qui désigne un élément d'image réduit à un point.


Qu'est-ce que l'imagerie par résonance magnétique ou IRM ? Cette vidéo l'explique simplement, ainsi que ses applications en médecine. © Unisciel

On rêve depuis quelque temps à la nano-IRM et de bons résultats ont été obtenus depuis 20 ans, même s'il ne s'agit pas d'images d'un corps humain ou d'un organe. Ainsi, en 2009, la technique de microscopie à force de résonance magnétique a permis de réaliser des images du virus de la mosaïque du tabac avec une résolution de l'ordre de dix nanomètres.

La nano-IRM pour protéines et cellules

À terme, on attend du développement de la nano-IRM qu'elle permette d'examiner des prélèvements de cellules vivantes en descendant au niveau des molécules, voire des atomes. Cela permettrait des diagnostics fins de maladies en examinant des dommages au niveau de l'ADN, des défauts dans la structure spatiale des protéines et même d'identifier des cellules cancéreuses en observant des protéines à leur surface.

Malheureusement, la nano-IRM n'était jusque-là possible que dans le vide et à très basses températures, de l'ordre de 300 mK (millikelvins). Or, plusieurs groupes de chercheurs viennent de montrer qu'il est possible de contourner cet obstacle. En mesurant des champs magnétiques faibles associés à des molécules, la nano-IRM devient réalisable dans des conditions de température et de pression normales. La clé : des « centres colorés » contenant de l'azote au sein d'un diamant.

Sur ce schéma, on voit à droite la structure cristalline du diamant avec un atome d'azote (N) à la place d'un atome de carbone et une lacune (V) indiquant l'absence d'un atome de carbone. C'est un centre coloré NV. Sur la gauche, on a représenté deux centres NV dont les moments cinétiques peuvent être influencés par un champ électromagnétique variable dans le temps (<em>Driving field</em>). On peut se servir de ces centres comme de capteurs magnétiques très sensibles, ainsi que pour travailler sur l'information quantique. © APS, S. Benjamin, J. Smith

Sur ce schéma, on voit à droite la structure cristalline du diamant avec un atome d'azote (N) à la place d'un atome de carbone et une lacune (V) indiquant l'absence d'un atome de carbone. C'est un centre coloré NV. Sur la gauche, on a représenté deux centres NV dont les moments cinétiques peuvent être influencés par un champ électromagnétique variable dans le temps (Driving field). On peut se servir de ces centres comme de capteurs magnétiques très sensibles, ainsi que pour travailler sur l'information quantique. © APS, S. Benjamin, J. Smith

Rappelons qu'un diamant peut présenter des défauts ponctuels, les centres NV, composés d'un atome d'azote (N) et d'une lacune (V). Ces défauts constituent ce que l'on appelle des « centres colorés azote-lacune », présentant une photoluminescence intense et parfaitement photostable à température ambiante. Depuis quelques années, plusieurs équipes de recherche utilisaient déjà cette propriété pour réaliser de la bio-imagerie cellulaire.

Des capteurs magnétiques avec des centres colorés

Dans l'un des articles publié dans Science, une équipe internationale de chercheurs, américains et allemands notamment, ont montré que l'on pouvait utiliser indirectement ces centres NV pour réaliser une imagerie de type nano-IRM avec une résolution de 5 nm3 - la taille d'un voxel, donc -, et à température ambiante.

En effet, ces centres NV sont formés d'un atome d'azote à la place d'un atome de carbone et d'une lacune associés au sein du réseau cristallin du diamant. Ces ensembles ont des niveaux d'énergie avec des moments cinétiques très sensibles aux protons des atomes d'hydrogène de l'échantillon (composé de molécules organiques et déposé à la surface d'un diamant) quand ces protons sont en état de résonance magnétique nucléaire avec un champ imposé.

Preuves de principe de la nano-IRM

Les centres NV se comportent au final comme des capteurs de champ magnétique très sensibles et, soumis à un rayonnement adéquat, ils répondent en émettant une lumière. Cette lumière dépend de l'état magnétique et du spin de chaque centre NV, lesquels dépendent des champs magnétiques associés aux protons de l'échantillon que l'on veut imager en nano-IRM.

Cette expérience est pour le moment seulement la preuve que la nano-IRM est possible à température ambiante et sans placer des échantillons de matière organique dans le vide. On n'en est pas encore à obtenir des images de protéines rivalisant avec celles du cerveau que l'on voit couramment dans les vidéos de présentation de l'IRM médicale. Gageons que cela ne saurait tarder, et que cette nano-IRM nous aidera peut-être à percer certains secrets des neurones pour le Human Brain Project.