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Un exemple de réaction nucléaire induite par un proton. Crédit : Oak Ridge National Laboratory
Le noyau de l'atome a été mis en évidence par Rutherford en 1911 mais ce n'est que dans les années 1930 que la découverte du neutron et les travaux théoriques de Heisenberg ont fait émerger l'image que nous avons maintenant du noyau. On a immédiatement compris le problème posé par son existence même, qui semble paradoxale au regard des forces électromagnétiques. Les protons étant tous de même charge, comment pouvaient-ils rester confinés dans le noyau ? Comment les neutrons découverts par Chadwick en 1932 pouvaient-ils eux-mêmes rester dans le noyau puisqu'ils ne possèdent pas de charge électrique ?
Il fallut se rendre à l'évidence : des forces nucléaires d'un genre nouveau devaient exister et assurer la cohésion du noyau. Elles devaient se manifester sur une portée très courte pour passer inaperçues à l'échelle des atomes, et atteindre une intensité beaucoup plus forte que celle de la répulsion électrostatiqueélectrostatique entre protons.
Dans les années qui suivirent la seconde guerre mondiale, les progrès rapides de la physique nucléaire montrèrent que le comportement des protons et des neutrons dans le noyau était tout sauf simple. De multiples modèles émergèrent à la suite des travaux de Fermi, Bethe, Bohr qui tous ont leur propre limitation. On peut citer ceux du gaz de Fermi, en couches, le modèle collectif, celui des agglomérats de Bohr-Wheeler etc.
Encore aujourd'hui, alors que nous possédons une théorie précise des forces nucléaires, la QCD (chromodynamique quantiquechromodynamique quantique), il est toujours très difficile de rendre compte simplement de l’existence des protons et des neutrons et les forces s'exerçant entre protons et neutrons sont comprises, dans les grandes lignes, comme des forces résiduelles analogues à celles de van der Walls.
Ce qui se passe dans les noyaux est donc toujours un sujet de recherche très actif où des surprises attendent encore les physiciensphysiciens.
Une vue du spectromètre à haute résolution du Jefferson Lab. Crédit : Jefferson Lab
Toujours à la recherche d'une amélioration de notre connaissance des phénomènes nucléaires, les physiciens du Thomas Jefferson National Accelerator Facility ont envoyé un faisceau d'électronsélectrons sur une mince feuille de carbonecarbone 12 (12C) de 0,25 mm d'épaisseur. Etant chargés négativement et insensibles aux forces nucléaires fortes, ces électrons sont de bonnes sondes pour étudier les entrailles des noyaux. A hautes énergiesénergies, la longueur d'ondelongueur d'onde associée aux ondes de matièrematière devient de plus en plus courte et l'on peut faire apparaître des phénomènes qui se produisent à des distances et des temps de plus en plus faibles. Comme le disent les physiciens, la résolutionrésolution augmente.
On peut modéliser une partie du comportement des protons et des neutrons dans un noyau en imaginant qu'ils constituent une sorte de gaz de particules sans interactions, ou presque, piégé dans un puits de potentiel. En fait, les protons et les neutrons interagissent fortement mais l'ensemble se comporte au final en accord avec ce modèle dans de nombreuses situations. Les expériences du Jefferson Lab ont révélé que lorsque les protons et les neutrons se trouvent à très courtes distances, ils ont tendance à former des paires proton-neutron plus souvent que des paires proton-proton.
Des expériences précédentes avaient montré qu'à l'intérieur d'un noyau environ 20% des nucléonsnucléons, c'est-à-dire les protons et les neutrons, se trouvaient regroupés en paires. On sait désormais qu'il s'agit en fait de 18% de paires proton-neutron, 1% de paires proton-proton et un autre 1% de paires neutron-neutron.
Lorsqu'une telle paire se forme, les nucléons ont une grande quantité de mouvementquantité de mouvement et si l'un d'entre eux entre en collision avec un des électrons du faisceau utilisé comme sonde dans l'expérience, les deux nucléons sortent du noyau simultanément selon des directions opposées. C'est ce genre de signal détecté avec le spectromètrespectromètre à haute résolution du Jefferson Lab qui a permis aux chercheurs de mesurer ces effets de corrélation à petites distances entre les protons et les neutrons.
L'expérience intéresse aussi les astronomesastronomes. Il se trouve que les étoiles à neutrons ne sont pas complètement constituées de neutrons. Leur structure et leurs propriétés dépendent fortement des détails des interactions nucléaires entre nucléons. Selon les théoriciens, les résultats de expérience pourraient modifier nos idées sur la structure des étoiles à neutronsétoiles à neutrons.