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Une vue de l'expérience Coherent Germanium Neutrino Technology (Cogent), aux États-Unis, que les physiciens utilisent pour tenter d'observer directement la matière noire dans laquelle la Voie lactée serait plongée. Deux campagnes d'observation ont mesuré un faible signal que l'on peut interpréter comme l'existence d'une classe particulière de matière noire, les Wimp. © US Department of Energy
Le 30 octobre 2013, l'annonce des résultats négatifs de la collaboration Large Underground Xenon (Lux) a été décevante. Il s'agissait d'une première campagne de chasse avec ce détecteur à une classe spécifique de particules de matière noirematière noire, les weakly interacting massive particles, ou Wimp. Incontournables pour comprendre la naissance des galaxies, les particules de matière noire continuaient à défier la sagacité des expérimentateurs, que ce soit avec des détecteurs enterrés (comme Coupp), au LHC, ou dans l'espace (avec AMS-02AMS-02).
Pourtant, depuis la fin des années 1990, une équipe italienne affirme sans convaincre la communauté scientifique qu'elle détient une preuve de leur existence. Il s'agit de la collaboration Dama (DArk MAtter, matière noire en français).
Un vent de matière noire
Les physiciensphysiciens qui en sont membres sont partis de l'hypothèse généralement admise que notre Galaxie est plongée dans un halo sphérique de matière noire. Comme le Soleil est en orbite autour du centre de la Voie lactée, il en découlerait donc, par rapport au référentiel héliocentriquehéliocentrique, une sorte de ventvent relatif de particules de matière noire. Comme la Terre est en mouvementmouvement par rapport au Soleil, sa vitessevitesse propre doit s'ajouter (ou se retrancher) à la sienne par rapport au référentiel lié au centre de la Galaxie. Si cette hypothèse s'avérait exacte, il devrait se produire une modulationmodulation annuelleannuelle du flux de particules de matière noire dans les détecteurs présents sur Terre. On devrait constater un maximum de ce flux en juin et un minimum en décembre. C'est bien ce que les chercheurs ont trouvé, mais ils se sont malgré tout heurtés au scepticisme de leurs pairs.
Les membres de Dama ont perfectionné leur expérience et ont continué à prendre des données au cours des années. Ils n'ont jamais remis en cause leurs résultats, mais n'ont pas convaincu leurs collègues pour autant.
La mise en évidence de l'existence de la matière noire s'est surtout faite au niveau des galaxies. Cette vidéo explique pourquoi. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « Français », puis cliquez sur « OK ». © fermilab, YouTube
Or, en 2011, les membres d'une autre collaboration partie à la chasse aux particules de matière noire, en l'occurrence des Wimp, ont annoncé qu'eux aussi voyaient une modulation annuelle dans les événements enregistrés dans leur détecteur. L'expérience Coherent GermaniumGermanium NeutrinoNeutrino Technology (Cogent) est enterrée à plusieurs centaines de mètres de profondeur dans la mine Soudan (Minnesota, États-Unis). Elle est voisine d'une autre expérience dédiée à la quête de la matière noire : CDMS II. De nouveau, les mesures, effectuées sur 15 mois, ne permettaient pas d'affirmer que l'on avait bien détecté des Wimp, mais elles étaient plus convaincantes que celles de Dama.
Modulation annuelle du flux de matière noire sur Terre
Comme leurs collègues, les physiciens de Cogent ont continué à faire des mesures, c'est-à-dire à accumuler de la statistique, comme disent les physiciens des hautes énergiesénergies. Ils viennent de publier sur arxiv les résultats de leurs analyses, qui concernent des données collectées jusqu'en juin 2013. La même modulation du signal que celle de l'expérience Dama, qui est basée sous le Gran Sasso en Italie (devenu célèbre après l'affaire des neutrinos transluminiques), persiste. Toutefois, il faut bien voir que les résultats obtenus ne correspondent qu'à un écart de 2,2 sigma, ce qui est complètement insuffisant pour affirmer avoir découvert des particules de matière noire.
Le problème est que même si l'on prend au sérieux les observations de Dama et Cogent, elles entrent en contradiction avec celles de LuxLux, qui aurait dû voir beaucoup de Wimp. Les physiciens sont plus que perplexes, parce que ces expériences posent des bornes sur les massesmasses et d'autres caractéristiques des particules de matière noire. Par certains côtés, ces bornes ne sont pas compatibles, et par d'autres, elles le sont.
Ce qui est sûr, c'est qu'on continue à perfectionner les détecteurs de diverses expériences dans le monde en les rendant plus sensibles à l'existence des particules de matière noire prédites par diverses théories, et dont les propriétés sont encore compatibles avec les bornes actuelles. On prépare par exemple pour cette année une version améliorée de Cogent, baptisée C4. Va-t-on enfin faire la lumièrelumière sur l'existence de matière noire en 2014, comme certains le pensent ? Nul ne le sait vraiment.