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Une vraie épée Viking du Wurttemberg Landesmuseum, à Stuttgart. Crédit : Alan Williams
Alan Williams, un archéo-métallurgiste, a été consulté par les responsables de la célèbre collection Wallace, un musée d'armes anciennes parmi les plus importants du monde. Sa mission était de découvrir la provenance de certaines épées VikingViking de cette collection.
Quelques-unes d'entre elles sont complètes et montrent une solidité remarquable mais d'autres, retrouvées en fragments sur d'anciens champs de batailles ou dans des tombes, n'étaient visiblement pas de la même qualité. Elles se brisaient facilement, en particulier celles postérieures au onzième siècle. Or, sur les unes comme sur les autres, figure souvent, incrustée, la même marque de fabrique légendaire, Ulfberht ou encore Vlfberht.
Pour trouver à la fois l'origine de ces épées et la raison de telles différences de résistancerésistance, Alan Williams, avec Tony Fry et ses collègues du National Physical Laboratory (NPL), de Teddington (Royaume-Uni), ont utilisé les techniques de la microscopie électronique à balayage pour percer les secrets de l'alliage utilisé.
Comme l'astronomie, la métallurgie est une science fort ancienne et on sait beaucoup de choses sur la structure microscopique et mésoscopique des alliages. Pour des objets métalliques, on peut ainsi dresser de véritables cartes d'identité en relation avec les procédés de fabrication liés à une époque et une région géographique.
Ainsi, on sait que les aciers au creuset, particulièrement riches en carbone et possédant une résistance remarquable, étaient déjà connus des Arabes il y a des siècles. Il s'agissait des fameuses lame en acier de Damas dont la résistance et les propriétés stupéfiaient les Croisés. En Europe, il faudra d'ailleurs attendre plusieurs siècles pour que le secret de leur fabrication soit découvert.
Remarquablement, ici comme en mathématique ou en philosophie, l'Inde du Sud était en avance de plusieurs siècles voire millénaires ! En effet, les aciers de Damas sont en fait une découverte indienne datant des années 300. Cette innovation a il est vrai été favorisée par la composition particulière du mineraiminerai de fer de l'Inde du Sud (Andhra Pradesh, Karnataka, Kerala, Tamil Nadu) comportant des traces de plusieurs métauxmétaux, chrome, molybdènemolybdène, niobiumniobium, manganèsemanganèse et surtout vanadiumvanadium. Cet acier était connu sous les noms de Wootz, Wootzer ou encore Wûtzer.
Une reconstitution à l'identique d'une épée Viking. Crédit : darksword-armory.com
Les Viking commerçaient jusqu'en Afghanistan
Les chercheurs du NPL n'ont pas tardé à découvrir que les épées intactes, et donc les plus solidessolides, étaient précisément fabriquées à partir de lingots d'aciers au creuset similaires à ceux utilisés pour les lames de Damas. Mieux, en se basant sur les descriptions des procédés de fabrication métallurgique mentionnés par l'un des premiers et des plus importants philosophes arabes, Al-Kindi, il a été possible de situer la provenance des aciers au creuset des lames Ulfberht. Ils provenaient de la région d'Herat, dans l'actuel Afghanistan.
Clairement, les Viking avaient des liens commerciaux qui s'étendaient fort loin, probablement via la Volga et la Mer CaspienneMer Caspienne en connexion avec l'Iran. De fait, les Russes bloqueront les échanges entre ces régions et les Viking à partir du onzième siècle.
La suite des analyses au microscope électroniquemicroscope électronique a montré que les fausses épées Ulfberht avaient été forgées en Europe du Nord à partir d'aciers de production locale. Les vraies épées Ulfberht possèdent un taux de carbone phénoménal, trois fois supérieur aux fausses et de seulement la moitié des aciers modernes.