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Les lois de la réfraction ont été exposées par Descartes en 1637 dans une annexe au fameux Discours de la méthode, nommée Dioptrique. Ces lois étaient déjà connues de deux scientifiques : Willebrord Snell (1580-1626), un mathématicienmathématicien et physicienphysicien néerlandais et Thomas Harriot qui n'a rien publié sur ce sujet, comme dans le cas de l'utilisation d'une lunette pour observer la surface de la Lune (une première mondiale pourtant). En réalité, le premier découvreur de ces lois semble être Abu Saʿd al-ʿAlaʾ ibn Sahl, un mathématicien à la cour de Bagdad qui a écrit un traité les utilisant, vers 984.
Quelques dizaines d'années plus tard, ces lois seront dérivées mathématiquement par Fermat (en introduisant son principe du temps minimal en liaison avec une vitesse finie pour la propagation de la lumière) et surtout par Christian HuygensChristian Huygens. Ce dernier utilisait alors un modèle de la lumière l'assimilant à la propagation d'un front d'onde pour expliquer la double réfraction du spathspath d'Islande (minéralminéral connu aujourd'hui sous le nom de calcitecalcite), observée par Bartholin. C'est cette calcite qu'ont utilisé Baile Zhang, Yuan Luo, Xiaogang Liu et George Barbastathis pour réaliser, en exploitant judicieusement les lois de la réfraction, un dispositif d’invisibilité fonctionnant dans le domaine visible, capable de cacher des objets macroscopiques.
Depuis 2006, on disposait d'un tel dispositif dans le domaine des microondes. Les progrès avaient permis de réaliser la même prouesse dans le domaine visible et l'infrarouge proche, mais uniquement pour des objets de tailles microscopiques. Surtout, il fallait utiliser des matériaux nécessitant de la nanotechnologienanotechnologie, ou au mieux de la microtechnologie.
La performance de ce groupe de chercheurs, utilisant des matériaux et des lois connus du temps de Descartes et Huygens est donc remarquable et l'on peut se demander si Descartes ou NewtonNewton eux-mêmes n'auraient pas pu concevoir ce dispositif dès le XVIIe siècle.
De la physique amusante
Un autre groupe de chercheurs, parmi lesquels se trouve le célèbre John Pendry, déjà connu pour ses travaux sur l'invisibilité en utilisant des métamatériaux, a publié sur arXivarXiv presque simultanément un article exposant le principe d'un dispositif analogue. Dans les deux cas, des expériences ont été réalisées, démontrant la justesse du concept.
Dans le cas du dispositif de Baile Zhang et ses collègues du MIT, il faut cependant plonger le dispositif dans un liquideliquide. Les physiciens ont tout de même réussi à rendre invisible un coin long de 38 millimètres en acieracier et haut de deux millimètres.
Le schéma du dispositif d'un des groupes de chercheurs. De la lumière laser polarisée passe à travers un bloc de plastique pour former les lettres du MIT. Dans le cas b) elle tombe sur le miroir sur laquelle se trouve un coin en acier sans dispositif d'invisibilité formé de deux prismes de calcite. L'image réfléchie, enregistrée par une caméra CCD, montre qu'une des lettres est absente. Dans le cas c) une plaque réfléchissante sur le coin est détectable car elle déplace une des lettres. En d), le dispositif rétablit une propagation de la lumière comme si on était en présence d'un miroir plan. Le coin en acier apparaît invisible dans cette situation très particulière. © Baile Zhang, Yuan Luo, Xiaogang Liu, George Barbastathi
On a tout de même l'impression que les deux équipes ont quelque peu abusé du terme « dispositif d'invisibilité macroscopique dans le domaine visible » clairement affirmé dans les titres et les résumés des articles. À y regarder de plus près, il semble en effet que les blocs de calcites en forme de prisme utilisés sont simplement capables de restaurer l'image réfléchie par un miroirmiroir plan lorsqu'on place un objet sur lui, fut-il lui-même recouvert d'une couche réfléchissante.
Aucune expérience montrant que l'on pourrait cacher un objet posé sur une surface non réfléchissante n'a été réalisée. Même si le journal Nature a fait écho des publications des chercheurs, il apparaît que l'on est plus devant un exemple de physiquephysique amusante, utilisable par David Copperfield dans un spectacle d'illusionnisme, que devant un authentique dispositif d'invisibilité selon le sens commun.