Pour certains, les algues constituent encore une gêne importante, notamment lorsqu’elles se répandent sur les plages. Pour d’autres, elles représentent une formidable base à une production plus durable de matériaux performants. Et tout particulièrement dans le secteur du stockage de l’énergie.

au sommaire


    Les alguesalgues. On en trouve sur nos plages et jusque dans nos assiettes. Elles sont même utilisées pour fabriquer des plastiquesplastiques ou produire de l’énergie. Le 5 avril, à l'occasion de la réunion de la Société américaine de chimie, des chercheurs (université de Qingdao, Chine - université de Griffith, Australie et Laboratoire national de Los Alamos, États-Unis) ont montré qu'elles pourraient bientôt servir de précurseurs à la synthèse durable de nanomatériaux multifonctionnels performants, notamment pour le stockage d’énergie.

    En provoquant la chélation d'ions de cobalt par des alginates issus d'algues brunes, les chercheurs ont créé des nanofibres en forme de boite à œufs. Une structure qui leur a permis d'obtenir des nanofibres de carbone dopées à l'azote et poreuses.

    Grâce à des extraits d’algues brunes, des scientifiques ont créé des nanofibres présentant une structure en forme de boite à œufs sur laquelle la figure ci-dessus propose un zoom. © <em>American Chemical Society</em>

    Grâce à des extraits d’algues brunes, des scientifiques ont créé des nanofibres présentant une structure en forme de boite à œufs sur laquelle la figure ci-dessus propose un zoom. © American Chemical Society

    Les algues, précurseurs naturels pour matériaux ultraperformants

    Les tests ont révélé que ces matériaux biosourcés présentaient une capacité de quelque 625 mAh.g-1, contre pas plus de 372 mAh.g-1 pour les anodes en graphitegraphite que l'on trouve dans les batteries lithium-ion classiques. Ils ont aussi montré une stabilité plus importante -- avec la même efficacité -- que les catalyseurscatalyseurs à base de platineplatine utilisés dans les piles à combustiblepiles à combustible. Enfin, affichant une capacité de près de 200 F.g-1, ces matériaux pourraient doper les batteries zinc-air et servir de supercondensateurs.

    Et les chercheurs annoncent avoir déjà amélioré leurs matériaux en supprimant quelques défauts de structure qui limitaient les performances des batteries. Ils ont également développé une autre approche, basée sur un extrait d'algues rouges et sur du ferfer pour créer un aérogelaérogel carboné dopé au soufresoufre, lui aussi poreux. Il présente une surface ultra grande et pourrait servir à la fabrication de batteries lithium-soufre plus efficaces.


    Des batteries lithium-ion améliorées grâce au plancton

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 23/09/2015 

    Même les organismes les plus modestes peuvent nous donner de belles leçons. C'est la morale de l'histoire qui va suivre. Car c'est grâce au biomimétismebiomimétisme et à une idée soufflée par la nature - plus précisément par les diatoméesdiatomées, des algues unicellulaires du planctonplancton - que des chercheurs de Singapour ont réussi une prouesse technique et espèrent ainsi améliorer les performances des batteries lithium-ionbatteries lithium-ion.

    Les scientifiques s'intéressant au biomimétisme savent qu'il y a beaucoup à apprendre du milieu marin. Car, même s'il est moins diversifié que le milieu terrestre, les espècesespèces qui le peuplent sont en général plus spécialisées et, par conséquent, plus à même de leur apporter une réponse ciblée à un problème donné. Ainsi, des chercheurs de l'Agency for Science, Technology and Research (A*Star) de Singapour se sont inspirés de microalgues unicellulaires - les diatomées, importants représentants du phytoplancton -, pour développer des sphères de carbone présentant une structure poreuse hiérarchique. Le tout dans le but de mettre au point un nouveau type d'anodes qui pourrait augmenter de manière significative les performances électrochimiques des batteries lithium-ion.

    Rappelons que les batteries lithium-ion représentent, à l'heure actuelle, l'une des meilleures solutions d'alimentation pour les appareils électriques mobilesmobiles tels que les appareils photos, les téléphones portables, etc. Elles ont été mises sur le marché au tout début des années 1990 et y occupent aujourd'hui une place dominante. Les batteries lithium-ion équipent également les véhicules électriques, un secteur en demande d'une efficacité accrue. D'où l'importance des travaux de l'équipe de Singapour.

    Modifier la structure même de l'anode, c'est l'une des solutions envisagées pour augmenter l'efficacité des batteries. L'idée : développer une anode faite de sphères de carbonecarbone dont les surfaces seraient microporeuses et qui présenteraient entre elles des mésopores - des pores dont le diamètre est compris entre 2 et 50 nm - qui permettraient de les relier en réseau. De quoi accélérer le déplacement des ions et offrir une grande capacité de stockage dans les sphères de carbone.

    Sur cette image, produite en microscopie électronique à transmission, on observe les sphères de carbone produites par l’équipe de A*Star avec leur structure de pores hiérarchique. En encadré : Une image au microscope électronique à balayage d'une diatomée marine (une algue unicellulaire). © 2014 <em>American Chemical Society</em>

    Sur cette image, produite en microscopie électronique à transmission, on observe les sphères de carbone produites par l’équipe de A*Star avec leur structure de pores hiérarchique. En encadré : Une image au microscope électronique à balayage d'une diatomée marine (une algue unicellulaire). © 2014 American Chemical Society

    Des polymères et du cobalt pour construire des anodes carbonées

    Plus facile à dire qu'à faire car une telle structure n'est pas si simple à mettre en œuvre. Sauf si l'on fait appel au biomimétisme et que l'on s'inspire de la nature ! Car, dans les milieux aquatiques, les diatomées ont développé leur propre stratégie pour y parvenir. Des macromoléculesmacromolécules organiques leur servent de guide pour orienter la précipitation de sphères de silicesilice qui formeront ensuite la structure tridimensionnelle attendue.

    Se basant sur ce modèle, l'équipe de A*Star a utilisé des macromolécules formées à partir d'un agrégat de polymères et de moléculesmolécules contenant du cobalt. Pour bâtir le squelette des sphères de carbone, ils ont fait appel à des molécules de sucresucre en forme d'anneaux. Celles-ci s'enfilent sur les chaînes de polymèrespolymères et, après un traitement hydrothermal, forment des sphères de carbone souples. C'est ensuite par pyrolysepyrolyse, le cobalt jouant un rôle de catalyseur, que la graphitisation durcit les sphères. En ajoutant de l'urée avant pyrolyse, les chercheurs ont pu obtenir des sphères de carbone dopées à l'azote. Pour l'heure, le procédé ne fonctionne qu'à l'échelle du laboratoire mais les chercheurs de A*Star travaillent à son développement industriel.

    En remplaçant l'anode d'une batterie lithium-ion par leurs sphères de carbone, les scientifiques de Singapour ont obtenu des résultats très encourageants : meilleure capacité à stocker et à restituer l'énergieénergie, meilleure stabilité des cycles charge-décharge et performances décuplées. Ce résultat est notamment lié à une circulation des ions et des électronsélectrons facilitée par la structure des sphères de carbone dopées. La prochaine étape sera, peut-être, de réussir à appliquer ce procédé innovant à d'autres systèmes de stockage ou de conversion d'énergie ou encore à d'autres applicationsapplications de l'électrochimie, comme l'électrocatalyse par exemple.