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Image montrant des traces digitales sur un support en acier inoxydable après révélation des empreintes par électrodéposition de polypyrrole. Les parties claires correspondent à des zones d’acier inoxydable protégées par des résidus de sueur abandonnés à la surface qui ont empêché le dépôt de polymère. Les parties sombres correspondent aux zones couvertes de polymère déposé entre les résidus de sueur digitale, lorsque la fonction fluorescente n’est pas activée. © Institut Laue-Langevin
A priori, les empreintes digitales sont d'excellents marqueurs de l'identité d'un individu, comme on le sait depuis le XIXe siècle. Mais pour être utile, le procédé de relevé doit être de qualité, ce qui n'est le cas que pour 10 % des empreintes récoltées sur les scènes de crimes. Elles sont en effet vulnérables au temps qui passe et se dégradent facilement si, par exemple, quelqu'un a entrepris de faire le ménage.
On cherche donc des moyens de rendre les relevés d’empreintes plus efficaces. La technique de base repose sur le dépôt d'une poudre colorée ou tout autre produit qui se colle aux dépôts de sueur et d'huiles naturelles que sont les empreintes. Le produit agit comme un agent de contrastecontraste et révèle les traces formées par les crêtes papillaires à la surface de la peau des doigts.
Pour obtenir de meilleurs dactylogrammes (les relevés d'empreintes digitalesempreintes digitales pour la police et la justice), des chercheurs de l'université de Leicester, l'institut Laue-Langevin (ILL) et d'Isis au Rutherford Appleton Laboratory, ont eu l'idée de s'intéresser aux espaces vides entre les traces des crêtes papillaires. La méthode qu'ils ont inventée ne fonctionne que pour des empreintes récoltées sur des surfaces métalliques, fusils, couteaux, douilles de balles, etc. Elle consiste à déposer un polymère électrochrome, soit qui change de couleur quand une tension électrique est appliquée. Les traces invisibles laissées par un doigt humain ne conduisent pas l'électricité. Or, en déposant ce polymère entre les traces laissées par les empreintes digitales et en le soumettant à une tension, cela révèle des formes caractéristiques.
L'intérieur du hall où se trouve le réacteur nucléaire de l'institut Laue-Langevin. Les faisceaux de neutrons qu'il produit ont de multiples applications pour l'étude des matériaux. © Nerd bzh, Wikipédia, cc by sa 3.0
Comment déposer des molécules dans les sillons des empreintes ?
Cette technique est très précise car même des quantités infimes de résidus isolants (d'une épaisseur de quelques nanomètres à peine) empêchent les polymères de se déposer sur une surface métallique. Elle permet donc d'exploiter des traces digitales bien plus minces que les autres techniques. L'équipe de chercheurs est allée plus loin encore.
Ils ont réussi à introduire dans le polymère des molécules fluorescentes (fluorophores) qui s'illuminent sous l'action d'un rayonnement ultraviolet adéquat. Plus facile à imaginer qu'à réaliser. En effet, lors de l'introduction des fluorophores dans le polymère, il fallait s'assurer que les molécules n'atteindraient pas la surface métallique. Pour cela, un contrôle précis des conditions de dépôt devait être réalisé (température, concentration, temps de réaction).
La solution a été trouvée en marquant préalablement les fluorophores avec un isotopeisotope de l'hydrogènehydrogène bien connu, le deutérium. Il se trouve que sous l'action d'un faisceau de neutronsneutrons, ces isotopes provoquent la réflexion des neutrons d'une façon caractéristique qui permet de déterminer la position des molécules dans le polymère.
Une identification beaucoup plus fiable
Le résultat final et les performances atteintes ont été détaillés en ces termes par l'un des auteurs de ces travaux, Robert Hillman : « Nous avons utilisé les propriétés isolantes des empreintes digitales pour reproduire leur dessin individuel et nous avons amélioré leur résolutionrésolution visuelle par l'emploi de films dont nous pouvons contrôler la couleur. Cette méthode permet d'améliorer de manière spectaculaire la précision de l'étude des empreintes digitales de scènes de crime. »
Les images obtenues par les chercheurs les ont menés à des identifications d'une fiabilité élevée selon les critères couramment acceptés. En outre, cette combinaison entre l'analyse par absorptionabsorption optique et les observations à base de fluorescence élargit considérablement le champ des échantillons d'empreintes analysables, notamment en cas d'érosion due au vieillissement ou à un environnement agressif. « L'emploi des neutrons et des techniques spectroscopiques a été un facteur déterminant qui nous a aidés à comprendre comment cette technique pourrait fonctionner dans la pratique. C'est par ailleurs le fruit d'un véritable partenariat collaboratif entre les trois institutions », conclut-il.