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C'est alors qu'ils travaillaient sur la question de l'atténuation et de la manipulation des ondes que des chercheurs européens (Italie, France et Royaume-Uni) ont eu l'idée de s'intéresser, non plus à la soie d'araignéearaignée, mais à la structure des toiles tissées par ces petites bêtes. Car il se trouve que les toiles d’araignées sont capables d'atténuer, et même d'absorber les vibrations dans de larges gammes de fréquences.
Les propriétés acoustiques de la toile d'araignée sont le fait, au moins pour partie, de son architecture en anneaux concentriques. Ces anneaux entrent en résonance à une fréquence particulière quand ils sont exposés à des vibrations. Sur la base de cette architecture naturelle, nos chercheurs ont conçu un métamatériau tout à fait original. Ce type de matériau composite présente en effet une structure périodique faite, dans le cas présent, d'unités carrés contenant des anneaux de résonance soutenus par des liens qui rayonnent vers l'extérieur à partir de leur centre. De quoi obtenir un métamatériau intrinsèquement accordable.
Si les chercheurs espèrent maintenant comprendre un peu mieux les mécanismes qui donnent aux toiles d'araignées des propriétés aussi intéressantes, ils envisagent d'ores et déjà d'utiliser ce nouveau type de métamatériau pour atténuer des ondes sonores et ainsi nous isoler plus efficacement, par exemple, des bruits générés par les routes ou encore par les rails.
Sur ces schémas, différents modes de vibration du métamatériau acoustique conçu par nos chercheurs européens. © M. Miniaci et al., 2016 AIP Publishing
Jouer avec les ondes
Et c'est à un autre type d'ondes que s'est intéressé, il y a quelques mois déjà, un groupe de réflexion de l'Agence spatiale européenne. Son idée : remplacer les fibres optiquesfibres optiques classiques, en verre, par des fils de soie produits par des araignées. Ces fils sont en effet parfaitement cylindriques, réguliers, transparentstransparents et d'une très grande solidité. Une équipe de l'EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) spécialisée dans les capteurscapteurs optiques de substances chimiques utilisant des fibres optiques s'est saisie du projet.
Rappelons que pour détecter un gaz, il existe deux grandes catégories de solutions : la détection chimique - au cours de laquelle il y a interaction chimique entre le gaz à détecter et le capteur - et la détection optique. Dans ce dernier cas, un rayon lumineux est utilisé pour sonder les caractéristiques optiques du gaz à détecter. Les capteurs optiques exploitent, par exemple, un changement d'intensité ou de phase du rayon lumineux. Et les fibres optiques peuvent alors jouer un rôle de simples moyens de transmission des informations, ou bien un rôle plus complexe si elles intègrent le capteur.
Les fils d'araignée, quant à eux, sont à la fois d'une solidité et d'une élasticitéélasticité exceptionnelles. À tel point qu'ils ont longtemps été considérés comme les matériaux les plus solidessolides du monde avant d'être récemment détrônés par les dents de patelles. Leur résistancerésistance à un impact est toutefois supérieure à celle du KevlarKevlar. Des caractéristiques qui suscitent depuis longtemps l'intérêt des chercheurs qui lui ont déjà imaginé bon nombre d'applicationsapplications : gilets pare-balles, câbles de suspension et même tendons, ligaments ou points de suture. Car la soie d'araignée est aussi biocompatible.
Les fils d’araignée sont tendus sur de minuscules supports. En présence d’un gaz, leur structure se modifie légèrement et la façon dont ils conduisent la lumière avec elle. © Alain Herzog, EPFL
Détection optique et structure des fils
C'est de sa structure même que la soie d'araignée tire toutes ces propriétés. Et bien d'autres encore peut-être. Les protéinesprotéines enroulées sous forme d'hélices que l'on trouve dans les fils de ces petites bêtes, sont en effet constituées de polymèrespolymères, des moléculesmolécules longues et solides. Et les liens qui les unissent sont sensibles à certaines substances chimiques. Ainsi, par exemple, mises en présence de molécules polaires, comme l'acideacide acétique ou l'ammoniacammoniac, les hélices des fibres de soie se déroulent. La façon dont elles conduisent la lumièrelumière s'en voit modifiée. Un phénomène qui peut être utilisé pour concevoir des détecteurs optiques.
Le procédé est simple. Des fils de soie d'araignée d'un diamètre de 5 micronsmicrons sont tendus sur de minuscules supports. Un faisceau laser est envoyé au travers de ces fibres naturelles. À la sortie, un analyseur de polarisation mesure les modifications, même infimes, de la manière dont la fibre conduit la lumière. Ces modifications trahissent la présence d'un gaz dans l'environnement du fil de soie, ce qui peut être exploité dans des capteurs optiques de substances chimiques. D'autant que les chercheurs de l'EPFL évoquent la possibilité de leur adjoindre des molécules destinées à réagir avec des substances bien précises. D'autant aussi que, la soie d'araignée étant biodégradablebiodégradable, elle pourrait facilement être intégrée dans un organisme.
Mais la vraie découverte des chercheurs suisses est encore ailleurs puisque, non seulement la structure du fil d'araignée se modifie en présence d'un gaz mais en plus, cette modification est réversibleréversible. Les futurs capteurs optiques de substances chimiques à base de soie d'araignée ne seront donc pas à usage unique.
Pour l'heure, les études des chercheurs de l'EPFL n'en sont encore qu'à leurs balbutiements. Mais les experts des fibres optiques semblent déjà très enthousiastes. Si ces belles promesses venaient à se confirmer, il faudrait encore que les spécialistes du biomimétismebiomimétisme fassent des progrès en matièrematière de production industrielle de soies synthétiques. Car aujourd'hui, les fils d'araignée artificiels sont coûteux et... moins performants que les fibres naturelles sur lesquelles travaillent les chercheurs suisses.