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Le grand mathématicien Vladimir Arnold (1937-2010). Crédit : www.kremlin.ru
L'école mathématique russe est l'une des plus prestigieuses du monde et compte d'ailleurs 8 médailles Fields de mathématiques. Elle aurait pu en avoir 9 mais l'URSS de 1974 s'est opposée à son attribution à Vladimir Arnold...
Ce mathématicienmathématicien est né le 12 juin 1937 à Odessa, une ville portuaire d'Ukraine. Il devint l'élève d'un autre grand mathématicien russe, le célèbre Andreï KolmogorovAndreï Kolmogorov qui a fourni une axiomatisation de la théorie des probabilités et s'est illustré dans des travaux sur la théorie de l'intégration et sur la topologie. Kolmogorov s'était beaucoup intéressé à la mécanique céleste mais aussi à la théorie de la turbulence. Ce rapport étroit entre les mathématiques et la physique se retrouvera d'ailleurs chez Vladimir Arnold.
Il obtiendra son premier résultat mathématique important à l'âge de 20 ans en résolvant avec Kolmogorov le treizième problème de Hilbert. Il s'agissait de l'un des célèbres 23 problèmes présentés par David HilbertDavid Hilbert en 1900 à Paris lors du deuxième congrès international de mathématiques. Ces problèmes tenaient jusqu'alors les mathématiciens en échec et Hilbert considérait leurs solutions comme d'une grande importance pour les mathématiques du siècle qui débutait.
En fait, le résultat qui a probablement le plus marqué les esprits fut la démonstration par Vladimir Arnold du théorème KAM, acronyme des trois noms qui sont attachés : Kolmogorov, Arnold et Moser. Ce théorème avait été conjecturé par Kolmogorov en 1954 mais fut démontré rigoureusement quelque temps après, et séparément, par Arnold et Jürgen K. Moser, un mathématicien allemand.
Ce théorème se retrouve maintenant dans la théorie dite KAM qui a de nombreuses applications dans ce qu'on appelle la théorie des systèmes dynamiques. Il est issu des travaux de Kolmogorov et Arnold dans le domaine de la mécanique analytique hamiltonienne appliquée à la mécanique céleste. La théorie KAM précise les conditions de stabilité d'un système mécanique, comme les planètes du système solaire et leurs orbitesorbites, lorsqu'on le soumet à de petites perturbations. Ses applications sont donc étroitement liées à la théorie du chaos et à la détermination de son apparition dans un système physique.
C'est ainsi que les physiciensphysiciens s'occupant de la fusion contrôléefusion contrôlée font usage de la théorie KAM et on trouvera en particulier son influence dans les expériences avec Iter. S'appliquant à la physique des plasmas et à la stabilité des orbites des planètes, on ne sera pas surpris d'apprendre que la théorie KAM se retrouve aussi dans la conception des accélérateurs de faisceaux de particules, comme au LHCLHC.
Vladimir Arnold a fait de nombreux séjours en France. Il a même enseigné pendant de nombreuses années à l'Université Paris-Dauphine et était aussi un membre associé de l'académie des sciences. Pourtant, il n'aimait pas beaucoup les mathématiques à la française, ou plus précisément son enseignement, fortement marqué par l'école Bourbaki. Il a d'ailleurs exprimé son point de vue à ce sujet dans un texte où le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas tendre. Cette attitude lui vaudra d'ailleurs des inimitiés...
Il se plaint dans ce texte des excès d'un enseignement exagérément abstrait des mathématiques et d'une coupure avec les idées et les concepts géométriques et physiques qui les ont souvent motivés. Ainsi, parlant de son premier contact avec l'enseignement en France il n'hésita pas à dire : « J'ai été stupéfait d'apprendre qu'ici les étudiants ne connaissent pas les meilleurs livres d'enseignement des méthodes mathématiques (qui ne sont d'ailleurs pas tous traduits en français, semble-t-il) : Nombres et chiffres de Hans Rademacher et Otto Toeplitz, Géométrie visuelle de Hilbert-Cohn-Vossen, Que sont les mathématiques ? de Courant-Robbins, Comment résoudre un problème ? et Mathématique et raisonnement de George Polya ».
Travaillant aussi au prestigieux Institut de mathématiques Steklov à Moscou, il était revenu en France depuis deux mois pour s'y faire soigner si l'on en croit le témoignage d'un autre grand mathématicien d'origine russe vivant en France et lauréat comme lui du prix Crafoord, Maxime Kontsévitch. Souffrant subitement d'une péritonitepéritonite, il est entré à l'hôpital Saint-Antoine à Paris pour se faire opérer. Il est mort des suites de l'opération le lendemain, le 3 juin 2010.