Il y a un demi-siècle, Gordon Moore, cofondateur d'Intel, avançait une théorie sur la constance de l’évolution des semi-conducteurs qui allait donner naissance à la fameuse « loi de Moore ». Cinquante ans plus tard, son auteur avoue ne pas savoir combien de temps encore celle-ci restera pertinente.

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    Le 19 avril 1965, Gordon Moore, alors directeur du département recherche et développement de Fairchild Semiconductor, publiait un article dans la revue Electronics Magazine consacré au taux de croissance des circuits intégrés. En se basant sur ses observations, il prédit que le nombre de transistors par circuit de même taille allait doubler, à prix constants, tous les ans et ce pour les dix années à venir. « J'essayais juste de démontrer qu'il s'agissait de la direction générale dans laquelle allaient les semi-conducteurssemi-conducteurs, et que cela donnerait un avantage considérable en termes de coûts, ce qui n'était pas tout à fait vrai à l'époque [...] C'était là mon véritable objectif : faire comprendre que nous avions devant nous une technologie qui rendrait l'électronique bien plus économique », explique Gordon Moore dans un entretien réalisé à l'occasion de cet anniversaire et disponible sur Youtube. « Je pensais seulement qu'il ne s'agissait que d'une tendance générale. Mais elle s'est avérée bien plus précise que ce que j'avais pu anticiper », ajoute l'un des trois cofondateurs d'Intel.

    En effet, une décennie plus tard, ce qui n'était alors qu'une hypothèse empirique se confirma. Gordon Moore révisa son postulatpostulat et annonça que le nombre de transistors dans un microprocesseur doublait tous les deux ans. On commenca alors à parler de la « loi de Moore » qui n'est pas une loi au sens strict du terme, vérifiable d'un point de vue scientifique, mais plutôt une théorie issue d'une tendance. IntelIntel n'en fait d'ailleurs pas mystère : « Plus qu'une véritable loi de la nature, la théorie de Moore devient un fil conducteur et une source d'inspiration pour l'ensemble de l'industrie des semi-conducteurs qui se fait un devoir d'aller aussi vite que le rythme prédit ». Par la suite, Intel a simplifié le concept et posé que la puissance des processeurs double tous les 18 mois.

    Par extrapolation, l'industrie high-tech a adapté ce principe de doublement pour en faire un mètre étalon qu'elle n'applique plus seulement aux semi-conducteurs mais de manière générale aux performances de ses produits. D'un point de vue marketing, cette idée d'une amélioration constante des capacités des appareils électroniques s'est peu à peu imposée dans l'esprit des consommateurs et sert avantageusement le discours portant sur l'obsolescence programméeobsolescence programmée.

    Pour illustrer la dynamique que la loi de Moore a impulsée à l’industrie des semi-conducteurs, Intel s’amuse à faire des comparaisons : <em>« Si un téléphone Android était équipé d’une puce Intel basée sur la technologie de 1971</em> [apparition du premier microprocesseur, NDLR]<em>, le microprocesseur à lui seul ferait la taille d’une place de stationnement automobile »</em>. © Intel

    Pour illustrer la dynamique que la loi de Moore a impulsée à l’industrie des semi-conducteurs, Intel s’amuse à faire des comparaisons : « Si un téléphone Android était équipé d’une puce Intel basée sur la technologie de 1971 [apparition du premier microprocesseur, NDLR], le microprocesseur à lui seul ferait la taille d’une place de stationnement automobile ». © Intel

    Cinquante ans plus tard, où en est la loi de Moore ?

    En 1971, le premier microprocesseur conçu par Intel, le fameux 4004, comportait 2.300 transistors pour une fréquence de 740 kHz. Il était capable d'effectuer 90.000 opérations à la seconde. À l'époque, précise Intel, un transistor avait la même taille que la gomme d'un crayon. Aujourd'hui, la dernière génération de processeurs Core i5 gravée en 14 nm intègre 1,3 milliard de transistors et est 3.500 fois plus performante. Pour pouvoir observer un transistor à l'œilœil nu, le fondeur explique qu'il faudrait que la taille du processeur soit équivalente à celle d'une maison.

    Dans son dossier consacré à l'anniversaire de la loi de Moore, le géant nord-américain s'amuse à appliquer ses principes à d'autres domaines : « Si l'efficacité énergétique du carburant avait augmenté au même rythme que la loi de Moore, une personne pourrait conduire sa vie entière avec un seul réservoir. Si le prix de l'immobilier avait chuté au même taux que le coût des transistors, une personne pourrait s'acheter une maison pour le prix d'un bonbon ».

    Reste que la miniaturisation extrême des composants électroniques n'est pas loin d'atteindre les limites physiquesphysiques. Chercheurs et ingénieurs explorent d'autres solutions techniques susceptibles de maintenir cette hausse constante des performances à coût égal : architecture en trois dimensions, nanotubes de carbonenanotubes de carbone, graphène, photonique, l'informatique quantique... La loi de Moore est aujourd'hui toujours valide mais pour combien de temps encore ? Son auteur lui-même avoue ne pas le savoir. « C'est une technologie bien plus ouverte que ce que j'aurais pu imaginer en 1965 ou en 1975 et il n'est pas facile de savoir quand sa progression s'achèvera. »