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    Quelle est donc cette bande lumineuse qui traverse le ciel ? Même si Démocrite pensait déjà, au Ve siècle avant J.-C., que la Voie lactée était « formée d'astres tout petits et groupés si étroitement qu'ils nous paraissent ne faire qu'un », il a fallu attendre GaliléeGalilée et sa lunette astronomique pour confirmer cette idée audacieuse. Ce n'est que dans les années 1930 qu'une représentation correcte de la Galaxie était obtenue, montrant que notre Voie lactée était une galaxie parmi d'autres, et que le Soleil était bien loin d'être en son centre...

    Nous pouvons voir une partie de la Voie lactée, notre Galaxie, dans le ciel nocturne. © Y. Beletsky (LCO)/ESO, CC by 4.0
    Nous pouvons voir une partie de la Voie lactée, notre Galaxie, dans le ciel nocturne. © Y. Beletsky (LCO)/ESO, CC by 4.0

    La structure en spirale des galaxies a longtemps posé des problèmes aux astronomesastronomes, les bras devant s'enrouler très vite, et le disque galactique devenir homogène. La Voie lactée, notre Galaxie, dont nous voyons une partie dans le ciel nocturnenocturne, est elle aussi spirale.


    La mission Gaia, de l'ESA, a mesuré les positions et les vitesses d'un milliard d'étoiles dans la Voie lactée. Cela va permettre de reconstituer l'histoire de notre Galaxie, de mieux connaître sa structure mais aussi de partir à la chasse à la matière noire et aux exoplanètes. © ESA, Euronews

    Les phénomènes liés à la Voie lactée

    Au cœur de la Voie lactée, comme dans chaque galaxie, se tapit un trou noir supermassif, dont la masse est proportionnelle à celle du bulbe galactique, sa partie centrale. Les galaxies se rencontrent fréquemment, et peuvent interagir par ce qu'on appelle « les forces de maréeforces de marée ». Elles sont freinées par frictionfriction dynamique, ce qui peut les conduire à se rapprocher en spiralant vers leur centre commun, voire à fusionner.

    Rayon laser émis depuis un observatoire en direction du centre de la Voie lactée pour en étudier les détails. Le laser provoque la formation d'une « étoile artificielle » dans la mésosphère, à 90 km d'altitude. Cette source de lumière est utilisée comme référence pour compenser les turbulences atmosphériques. Le laser est réglé sur la fréquence d'excitation du sodium. Sa couleur jaune rappelle d'ailleurs celle des lampes à sodium utilisées dans l'éclairage urbain. Cette couche de sodium dans la mésosphère serait une trace laissée par les météorites qui la traversent. Cette méthode permet d'analyser les détails fins du ciel, tels que l'activité du trou noir se trouvant dans le centre galactique. Photo prise au grand-angle (180°) à la mi-août 2008, près du <em>Very Large Telescope</em>, sur le Cerro Paranal, au Chili. © ESO, Yuri Beletsky, CC by 3.0
    Rayon laser émis depuis un observatoire en direction du centre de la Voie lactée pour en étudier les détails. Le laser provoque la formation d'une « étoile artificielle » dans la mésosphère, à 90 km d'altitude. Cette source de lumière est utilisée comme référence pour compenser les turbulences atmosphériques. Le laser est réglé sur la fréquence d'excitation du sodium. Sa couleur jaune rappelle d'ailleurs celle des lampes à sodium utilisées dans l'éclairage urbain. Cette couche de sodium dans la mésosphère serait une trace laissée par les météorites qui la traversent. Cette méthode permet d'analyser les détails fins du ciel, tels que l'activité du trou noir se trouvant dans le centre galactique. Photo prise au grand-angle (180°) à la mi-août 2008, près du Very Large Telescope, sur le Cerro Paranal, au Chili. © ESO, Yuri Beletsky, CC by 3.0

    Dans ce dossier, vous pourrez découvrir des phénomènes fascinants autour de la Voie lactée, comme ce qui caractérise une galaxie spirale, des détails sur les trous noirstrous noirs ou encore la matière noire. Les interactions entre galaxies, qui peuvent aller jusqu'à la fusionfusion de plusieurs entités, seront elles aussi abordées. Bonne lecture.

    Voir aussi sur Futura :


    Formes et dimensions de la Voie lactée

    Notre Système solaireSystème solaire fait partie d'une galaxie spiralegalaxie spirale tout à fait typique, comme il en existe des milliards dans l'UniversUnivers observable. Comme nous nous trouvons à l'intérieur, nous ne pouvons malheureusement pas en avoir une vue synoptique claire, mais devons reconstruire sa structure possible, à partir d'un grand nombre d'observations, en particulier concernant la vitessevitesse de la matièrematière en rotation autour du centre.

    La galaxie Messier 83, photographiée ici, est très semblable à la Voie lactée. © <em>Nasa, ESA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA) Acknowledgement : William Blair (Johns Hopkins University) CCO</em>
    La galaxie Messier 83, photographiée ici, est très semblable à la Voie lactée. © Nasa, ESA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA) Acknowledgement : William Blair (Johns Hopkins University) CCO

    L'observation des galaxies extérieures nous aide beaucoup pour comprendre la nôtre. Il est ainsi possible de comparer la Voie lactée à Messier 83, dont l'image est reproduite ci-dessus.

    Une galaxie comme la Voie lactée se compose de plusieurs systèmes aux géométrie, cinématique, âge et populations stellaires différents, qui permettent de remonter à sa formation. Un exemple schématique est représenté dans la figure ci-après ; de l'intérieur vers l'extérieur :

    • un bulbe peu massif à géométrie sphéroïdale au centre ;
    • un disque mince dont la masse stellaire domine ;
    • un disque épais ;
    • un halo stellaire sphéroïdal très étendu.

    Dans la Voie lactée, le disque mince serait deux fois plus petit en rayon que le disque épais, mais presque aussi massif, selon les dernières estimations. En revanche, le bulbe serait presque négligeable en masse.

    Schéma des divers composants stellaires d’une galaxie spirale typique. © Françoise Combes
    Schéma des divers composants stellaires d’une galaxie spirale typique. © Françoise Combes

    La Voie lactée, une galaxie spirale barrée

    Il existe une barre stellaire dans notre Galaxie (comme dans M83, voir photo plus haut), ce qui n'est pas exceptionnel, puisque deux tiers des galaxies spirales sont barrées. Les étoilesétoiles qui entrent en résonancerésonance avec la barre peuvent être élevées perpendiculairement au plan, et former des pseudo-bulbes en forme de boîte ou de cacahuètecacahuète.

    Une image obtenue en infrarouge proche, qui permet de percer l'obscuration de la poussière, et ainsi voir jusqu'au centre de notre Galaxie (cf. ci-après), révèle la barre et son pseudo-bulbe. On peut voir, par l'effet de perspective, que le côté de la barre qui vient vers nous est plus épais que le côté symétrique qui s'éloigne.

    Image de la Voie lactée obtenue dans le proche infrarouge par le projet 2MASS. © www.ipac.caltech.edu
    Image de la Voie lactée obtenue dans le proche infrarouge par le projet 2MASS. © www.ipac.caltech.edu

    Le disque épais, qui possède les plus anciennes populations d'étoiles, s'est formé très rapidement au début de la genèse de la galaxie, il y a 9 à 12 milliards d'années. La fraction de gazgaz est alors bien plus élevée qu'aujourd'hui (de l'ordre de 30 à 50 %) ; ce gaz est instable gravitationnellement, ce qui le rend très turbulent, et les étoiles se forment très violemment. Les galaxies continuent à recevoir du gaz à partir des filaments de matière qui les relient à la toile cosmique. Ce flux de gaz renouvelle le milieu interstellaire de la galaxie, qui s'est consumé en étoiles. La fraction de gaz se maintient alors à un niveau très faible, entre 5 et 10 % comme actuellement. Le composant gazeux est bien plus stable, et reste confiné dans un disque mince.

    Le halo stellaire de la Voie lactée

    Le halo stellaire est essentiellement formé de petites galaxies compagnes, qui sont avalées par la Voie lactée. Grâce à de gros programmes d'observation des couleurscouleurs et magnitudemagnitude de millions d'étoiles dans notre Galaxie, il est possible d'identifier des courants stellaires, dont les propriétés physiquesphysiques se distinguent de l'ensemble.

    Ainsi, plusieurs courants ont été observés, en liaison avec des interactions de marée, entre la Voie lactée et de petites galaxies satellites. La naine du Sagittaire a été l'une des premières découvertes, puis celle du Grand ChienChien, l'anneau de la Licorne, etc.

    Résultats de la simulation des fusions entre petites galaxies satellites et galaxie principale centrale. La palette d’intensité bleue montre la densité d’étoiles dans le halo de la galaxie centrale. © D’après Bullock &amp; Johnston, <em>The Astrophysical Journal</em>, 2005
    Résultats de la simulation des fusions entre petites galaxies satellites et galaxie principale centrale. La palette d’intensité bleue montre la densité d’étoiles dans le halo de la galaxie centrale. © D’après Bullock & Johnston, The Astrophysical Journal, 2005

    Ces courants sont si nombreux que l'ensemble du halo stellaire aurait pu être formé uniquement des débris de petites galaxies avalées par la nôtre. La simulation figurée plus haut montre deux résultats finaux après l'interaction avec de petits satellites : les courants de marée forment des boucles et des filaments stellaires caractéristiques, tels des volutes et des panaches.


    Structure et composants de la galaxie spirale

    Comment font les galaxies spirales pour garder leurs bras bien ouverts ? Les astronomes se sont longtemps posé cette question. Les galaxies spirales sont pourtant très nombreuses : deux sur trois, les autres étant soit des galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques, de forme sphéroïdale, soit des naines irrégulières.

    NGC 1300, une galaxie spirale barrée. © <em>Nasa, ESA, and The Hubble Heritage Team STScI/AURA)</em>, DP
    NGC 1300, une galaxie spirale barrée. © Nasa, ESA, and The Hubble Heritage Team STScI/AURA), DP

    Les galaxies spirales sont aplaties en un disque mince, qui tourne autour de son axe central. Le problème est qu'elles ne tournent pas comme un disque solidesolide : le centre tourne plus vite que le bord. La matière met 20 millions d'années pour faire un tour à une distance de 3 000 années-lumièreannées-lumière du centre, là où démarre la spirale, alors qu'il faut un milliard d'années pour un tour à l'extrême bord, à 150 000 années-lumière. Pendant une révolution au bord, les étoiles du centre auront fait 50 tours.

    Imaginons des bras spiraux dessinés sur un disque : si le centre tourne plus vite, la structure spirale va s'enrouler, et les bras se fermer très vite. Pourtant, dans les exemples de structures spirales visibles sur les images ci-après, les bras sont très ouverts.

    Exemples de galaxies spirales photographiées en lumière infrarouge par le VLT (<em>Very Large Telescope</em>) de l’ESO (<em>European Southern Observatory</em>), au Chili : de gauche à droite, NGC 5427, NGC 4321 et NGC 1300. © ESO
    Exemples de galaxies spirales photographiées en lumière infrarouge par le VLT (Very Large Telescope) de l’ESO (European Southern Observatory), au Chili : de gauche à droite, NGC 5427, NGC 4321 et NGC 1300. © ESO

    Les bras spiraux, des ondes de densité

    La solution de ce problème a été proposée en 1964 par LinLin et Shu : les bras spiraux sont des ondes de densité, ce ne sont pas des bras matériels. Les étoiles et le gaz interstellaire rentrent et sortent des bras spiraux, pendant leur rotation autour du centre. Les ondes de densité spirales, de même que l'onde barrée, tournent à une vitesse plus faible, à vitesse angulaire constante comme un corps solide. Aussi, la spirale barréespirale barrée qu'elles dessinent dans le ciel ne se déforme-t-elle pas.

    Le gaz interstellaire, à chaque fois qu'il rentre dans l'onde spirale, subit une onde de choc, qui le comprime et le déstabilise : des nuagesnuages denses se multiplient et forment des étoiles. C'est pourquoi la plupart des étoiles jeunes et brillantes naissent dans les bras spiraux, qui sont plus bleus, et le siège d'un grand nombre de nébuleuses ionisées. Les étoiles jeunes et massives consument leur gaz en réactions nucléairesréactions nucléaires beaucoup plus rapidement que les étoiles moins lourdes. Elles sont déjà mortes une fois le bras spiral traversé, après 10 à 20 millions d'années, et n'illuminent donc pas l'interbras. Les étoiles à plus grande duréedurée de vie, comme le Soleil (huit milliards d'années), sont peu brillantes, d'où l'interbras relativement sombre.

    Les galaxies spirales ne sont jamais en équilibre, la matière dans le disque progresse en spirale vers le centre, perdant du moment angulairemoment angulaire, à cause précisément des couples de torsiontorsion de la spirale et de la barre. La concentration de masse vers le centre produit un bulbe de plus en plus massif, selon la séquence de Hubble représentée dans l'image ci-après.

    Représentation de la séquence de Hubble, ou « diapason de Hubble ». À gauche, les galaxies elliptiques plus ou moins aplaties, de E0 (sphère) à E7 (aplatissement maximum) [le chiffre est égal à 10 x (a - b)/a, où a et b sont les axes principaux]. À droite, les galaxies spirales sont divisées en deux branches, barrées (en bas) ou non, et le rapport bulbe/disque diminue de gauche à droite. Au centre, les galaxies lenticulaires S0, qui possèdent un disque, un bulbe massif, mais pas de gaz, et peu de spirales. © Françoise Combes
    Représentation de la séquence de Hubble, ou « diapason de Hubble ». À gauche, les galaxies elliptiques plus ou moins aplaties, de E0 (sphère) à E7 (aplatissement maximum) [le chiffre est égal à 10 x (a - b)/a, où a et b sont les axes principaux]. À droite, les galaxies spirales sont divisées en deux branches, barrées (en bas) ou non, et le rapport bulbe/disque diminue de gauche à droite. Au centre, les galaxies lenticulaires S0, qui possèdent un disque, un bulbe massif, mais pas de gaz, et peu de spirales. © Françoise Combes

    On pense que les galaxies ont une forme spirale au début de leur vie, car la fraction de gaz est très grande. Puis, les fusions de galaxies leur font perdre progressivement la rotation pour devenir elliptiques.

    Images en couleurs composites obtenues avec le télescope spatial Hubble de quatre galaxies à grumeaux formant des étoiles, à une époque de trois milliards d’années suivant le Big Bang. © G. Barro, Nasa, ESA
    Images en couleurs composites obtenues avec le télescope spatial Hubble de quatre galaxies à grumeaux formant des étoiles, à une époque de trois milliards d’années suivant le Big Bang. © G. Barro, Nasa, ESA

    Les galaxies ont-elles toujours été spirales ?

    Les galaxies ont-elles toujours été spirales ? Lorsqu'on observe les galaxies lointaines, plus jeunes qu'aujourd'hui puisqu'on remonte dans le temps, on en remarque de très nombreuses qui sont irrégulières, formant des grumeaux. Le taux d'interactions entre galaxies est plus grand aussi, ce qui les rend plus perturbées, mais pas seulement.

    Même les galaxies isolées sont plus irrégulières. Cela est probablement dû à la plus grande fraction de gaz. Si une galaxie spirale typique contient aujourd'hui 5 à 10 % de gaz, les galaxies autour de la moitié de l’âge de l’Univers en contenaient encore 50 % ! Celles-ci ont été rendues instables par rapport à la fragmentation gravitationnelle, ce qui explique la présence de grumeaux. Ces poches de gaz instable forment activement des étoiles, comme le montrent les images affichées plus haut.


    La Voie lactée et la matière noire

    Nous sommes désormais convaincus de ne connaître qu'une partie infime de l'Univers. Ainsi, les galaxies, notamment la Voie lactée, apparaissent baigner dans un halo de matière noirematière noire.

    Centaurus A, une galaxie lenticulaire. © <em>ESO/WFI (Optical) MPIfR/ESO/APEX/A.Weiss et al. (Submillimetre) ; NASA/CXC/CfA/R.Kraft et al. (X-ray)</em>, CC by 4.0
    Centaurus A, une galaxie lenticulaire. © ESO/WFI (Optical) MPIfR/ESO/APEX/A.Weiss et al. (Submillimetre) ; NASA/CXC/CfA/R.Kraft et al. (X-ray), CC by 4.0

    Déjà, en 1933, Fritz Zwicky remarquait que les galaxies à l'intérieur d'amas (comme les amas de VirgoVirgo, ComaComa, etc.) étaient agitées de grandes vitesses, beaucoup trop élevées pour que la masse visible de l'amas puisse les retenir par la gravitégravité. L'astrophysicienastrophysicien en concluait à l'existence de masse invisible, donc de matière noire.

    La masse manquante était néanmoins considérée comme faite de matière ordinaire, d'atomesatomes que nous connaissons bien, soit sous forme de gaz d'hydrogènehydrogène, soit sous forme d'objets condensés, comme des étoiles en fin de vie, ou des naines brunesnaines brunes, etc.

    Des galaxies dans un halo de matière noire

    Dans les années 1970, la mesure exacte de la rotation des étoiles et du gaz dans les galaxies spirales a mis en évidence l'existence de masse manquante au sein des galaxies, qui apparaissent ainsi baigner dans un halo de matière noire.

    En 1984, Blumenthal et ses collaborateurs sont allés plus loin : pour former les galaxies à partir des fluctuations primordiales infimes, la matière ordinaire ne suffit pas. Il est nécessaire de supposer l'existence de matière exotiqueexotique, faite de particules sans collision, qui n'interagissent directement ni avec la matière ordinaire, ni avec les photonsphotons, mais seulement par l'intermédiaire de la gravité. Ce sont les bases du modèle standardmodèle standard de matière noire froide ou CDM (cold dark matter).

    Courbe de rotation dans une galaxie spirale typique, ici la Voie lactée. La vitesse de la matière V (en km/s) est tracée en fonction de la distance au centre R (en kpc, le parsec valant environ trois années-lumière). Les points de mesure sont les symboles étoilés. La masse du bulbe (B) et celle du disque (D) peuvent expliquer la courbe de rotation, en trait fin continu. Mais il faut le halo de matière noire (H) pour reproduire le trait épais continu, qui est compatible avec les observations. La position du Soleil à 8 kpc est indiquée. © Françoise Combes
    Courbe de rotation dans une galaxie spirale typique, ici la Voie lactée. La vitesse de la matière V (en km/s) est tracée en fonction de la distance au centre R (en kpc, le parsec valant environ trois années-lumière). Les points de mesure sont les symboles étoilés. La masse du bulbe (B) et celle du disque (D) peuvent expliquer la courbe de rotation, en trait fin continu. Mais il faut le halo de matière noire (H) pour reproduire le trait épais continu, qui est compatible avec les observations. La position du Soleil à 8 kpc est indiquée. © Françoise Combes

    Aujourd'hui, après plusieurs satellites (Cobe, WMap, PlanckPlanck) qui ont étudié en détail les fluctuations et anisotropiesanisotropies du fond cosmologique micro-onde, nous savons que le modèle du Big Bang, où l'Univers en expansion était très chaud et dense, il y a 13,8 milliards d'années, est confirmé avec une très grande précision. L'ensemble de ces observations, avec les cartographies des lentilles gravitationnelleslentilles gravitationnelles (où les rayons lumineux de galaxies de fond sont déviés par la matière noire d'avant-plan), ainsi que l'étude des supernovaesupernovae de type Ia, qui se révèlent des calibreurs de distance hors pair (appelées « chandelles standardchandelles standard »), convergent sur un modèle d'Univers, dit de « concordance ».


    La matière noire est l'une des grandes énigmes de l'astrophysique. Si les particules qui la constituent existent bien, elles devraient nous permettre de comprendre l'origine des galaxies. Mais leur nature reste un mystère. Stefano Panebianco, ingénieur de recherche au CEA, nous explique cette question très ouverte. © Futura

    L'Univers est composé à 25 % de matière noire

    La courbure de l'univers est nulle, l'espace est « plat », selon notre intuition : la lumière se propage en ligne droite, et la somme des angles d'un triangle fait bien 180 degrés, comme il est enseigné à l'école. En revanche, le contenu de l’Univers est plus déroutant :

    • 5 % de matière ordinaire ;
    • 25 % de matière noire exotique ;
    • 70 % d'énergie noireénergie noire.

    Le secteur noir, complètement inconnu, correspond donc à 95 % du total, en outre nous n'avons pas identifié toute la matière ordinaire, dont seulement un dixième est visible. Nous ne savons pas si l’énergie noire est vraiment un cinquième élément (quintessence) ou seulement une constante de la loi de gravitation (« constante cosmologiqueconstante cosmologique »), compatible avec toutes les observations jusqu'à aujourd'hui.

    Diagramme affichant la répartition de matière contenue dans l’Univers. La plus grande partie nous est inconnue. © Françoise Combes
    Diagramme affichant la répartition de matière contenue dans l’Univers. La plus grande partie nous est inconnue. © Françoise Combes

    Composition de la matière noire

    De quoi est faite la matière noire ? Jusqu'à récemment, le meilleur candidat pour la constituer était le neutralinoneutralino, la particule massive la plus stable de la famille des particules supersymétriques, n'interagissant que très faiblement avec la matière ordinaire. Les espoirs de confirmer la théorie de supersymétriesupersymétrie, qui double le nombre de particules élémentairesparticules élémentaires, paraissent cependant s'étioler au fur et à mesure des expériences menées par le CernCern (au LHC, Large Hadron ColliderLarge Hadron Collider).

    D'autre part, si le modèle CDM reproduit bien les observations de l'Univers primordial et permet de former les structures, il rencontre des problèmes sérieux dans l'évolution et la dynamique des galaxies aujourd'hui. Les simulations de l'Univers par ordinateurordinateur se basant sur le modèle CDM forment des pics de densité de matière noire vers le centre des galaxies qui ne sont pas observés, et font apparaître des milliers de galaxies satellites autour d'une principale, comme la Voie lactée, où l'on n'observe qu'une douzaine de compagnons.

    Les efforts pour résoudre ces problèmes avec la physique de la matière (formation d'étoiles et de supernovae, énergie des trous noirs et noyaux actifs au centre des galaxies, pour éloigner la matière noire) se révèlent inopérants. Si bien que d'autres modèles sont étudiés aujourd'hui, comme celui de la matière noire tiède, qui pourrait être formée de neutrinos stérilesneutrinos stériles, de masse 1.000 fois inférieure à celle des neutralinos.

    Simulation du futur réseau de télescopes SKA (<em>Square Kilometre Array</em>). © www.skatelescope.org
    Simulation du futur réseau de télescopes SKA (Square Kilometre Array). © www.skatelescope.org

    D'autres pistes sont aussi étudiées, telles que celle de la gravité modifiée, qui n'était pas considérée sérieusement jusque-là. Le problème de la masse manquante pourrait très bien n'être dû qu'à l'adoption des lois de NewtonNewton et d'Einstein pour un domaine de gravité faible, où elles n'ont pas encore été vérifiées. Ce domaine est celui des galaxies, et seule l'astrophysiqueastrophysique pouvait nous mettre sur la voie. Il n'est pour autant pas facile de trouver la bonne loi, faisant intervenir des champs scalaires et vectoriels supplémentaires, et surtout d'expliquer pourquoi ils sont nécessaires dans l'Univers.

    Les perspectives de recherche s'ouvrent pour la prochaine décennie grâce aux nombreuses expériences qui se préparent dans le monde : le satellite européen EuclidEuclid, ainsi que les télescopestélescopes au sol optique (LSST, Large Synoptic Survey TelescopeLarge Synoptic Survey Telescope) et radio (le SKA, Square Kilometre Array), en sont les principaux outils.


    Le trou noir au cœur de la Voie lactée

    Chaque galaxie comporte en son centre un trou noir supermassiftrou noir supermassif, de masse comprise entre un million et un milliard de masses solaires. La masse du trou noir est proportionnelle à la masse du bulbe ou du composant sphéroïde d'étoiles ; c'est pourquoi les galaxies elliptiques ont les trous noirs les plus massifs. La Voie lactée est une galaxie spirale. Son trou noir est relativement léger.

    Image simulée d'un trou noir stellaire. © Alain R, CC by-sa 2.5
    Image simulée d'un trou noir stellaire. © Alain R, CC by-sa 2.5

    Les bulbes sont des composants stellaires qui tracent l'accumulation de masse acquise dans les fusions de galaxies, ou bien l'accrétionaccrétion de galaxies satellites englouties dans le passé, évènements qui s'accompagnent de l'alimentation du trou noir central, dont la masse croît en conséquence. C'est ainsi que l'on peut expliquer cette relation de proportionnalité.

    Graphique montrant la relation entre la masse du trou noir central et la masse du bulbe (ou sphéroïde stellaire) des galaxies. En gros, la masse du trou noir représente 0,3 % de la masse du bulbe. © K. Cordes, S. Brown (STScI)
    Graphique montrant la relation entre la masse du trou noir central et la masse du bulbe (ou sphéroïde stellaire) des galaxies. En gros, la masse du trou noir représente 0,3 % de la masse du bulbe. © K. Cordes, S. Brown (STScI)

    Sagittarius A*, le trou noir léger de la Voie lactée

    Notre Galaxie ne possède pas un bulbe massif, c'est pourquoi son trou noir est relativement léger : quatre millions de masses solaires. En revanche, il se trouve très proche de nous (à 24 000 années-lumière), et nous connaissons ses propriétés avec plus de précision.


    Le trou noir au centre de notre Galaxie est-il une menace pour notre planète ? Jean-Pierre Luminet nous en dit plus sur le sujet. © Futura

    Le proche infrarouge, qui s'affranchit de l'obscuration de la poussière, permet d'observer les étoiles qui orbitent autour du trou noir central, coïncidant avec une radiosource faible, Sagittarius A*Sagittarius A*. Ces étoiles se déplacent à des vitesses extrêmes, de l'ordre de 1 000 km/s, et elles orbitent à des distances de l'ordre de dix jours-lumière du trou noir. Leur période de rotationpériode de rotation est de l'ordre de dix ans, et il est possible de mesurer leur mouvementmouvement propre. À ces distances, le trou noir domine le potentiel gravitationnel, et les orbitesorbites sont exactement képlériennes. Ci-après sont représentées quelques-unes de ces orbites.

    Dans cet extrait d’une animation, préparée par le <em>Galactic Center Group</em>, de l’université de Californie à Los Angeles, les positions des diverses étoiles observées à différentes époques, entre 1995 et 2010, sont rassemblées pour reconstruire leurs orbites. La barre d'échelle à gauche vaut 0,1 seconde d'arc. © Andrea Ghez
    Dans cet extrait d’une animation, préparée par le Galactic Center Group, de l’université de Californie à Los Angeles, les positions des diverses étoiles observées à différentes époques, entre 1995 et 2010, sont rassemblées pour reconstruire leurs orbites. La barre d'échelle à gauche vaut 0,1 seconde d'arc. © Andrea Ghez

    L'horizon du trou noir de la voie lactée

    Les orbites des étoiles ne sont pas perturbées par le trou noir, car elles sont encore loin de l'horizon. Celui-ci est le rayon de non-retour, rayon à partir duquel la vitesse d'échappement devient supérieure à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière. À l'intérieur de l'horizon, plus rien ne peut sortir, et le trou est vraiment noir. L'horizon pour le trou noir de la Voie lactée est d'un dixième de la distance Terre-Soleil. La période de rotation à cette distance est de l'ordre de six minutes.

    Les observations de Sagittarius A* ont bien mis en évidence des sursautssursauts lumineux en rayons Xrayons X variant sur des échelles de temps de dix minutes. Sans doute ces phénomènes sont-ils émis par du gaz en rotation sur une des dernières orbites visibles autour du trou noir. L'examen de tous ces phénomènes va permettre d'étudier de plus près les champs de gravité intenses au voisinage de trous noirs, et de mieux comprendre la gravité elle-même.

    La galaxie elliptique NGC 5128, qui est aussi une puissante radiosource : Centaurus A. En blanc se trouve la galaxie optique (les étoiles, vues avec un télescope de l’ESO), et l’obscuration due à la poussière en noir ; en orange, l’émission de la poussière en ondes submillimétriques (télescope Apex, <em>Atacama Pathfinder Experiment</em>), en bleu l’émission des rayons X (satellite Chandra). © Chandra, Nasa
    La galaxie elliptique NGC 5128, qui est aussi une puissante radiosource : Centaurus A. En blanc se trouve la galaxie optique (les étoiles, vues avec un télescope de l’ESO), et l’obscuration due à la poussière en noir ; en orange, l’émission de la poussière en ondes submillimétriques (télescope Apex, Atacama Pathfinder Experiment), en bleu l’émission des rayons X (satellite Chandra). © Chandra, Nasa

    Un trou noir central non actif

    Curieusement, ce trou noir central n'est pas actif. Pourtant, il est entouré de gaz moléculaire qui pourrait un jour y tomber, et rayonner intensément. Le phénomène de noyau actif de galaxienoyau actif de galaxie est le plus lumineux de l'Univers. Ce rayonnement puissant est appelé « quasarquasar » : le noyau actif peut être 1 000 fois plus lumineux que la galaxie entière.

    Les quasars ont longtemps été les objets les plus lointains détectés dans l'Univers. Lorsqu'ils sont actifs, des phénomènes de rétroactionrétroaction éjectent la matière loin du trou noir, et modèrent ainsi sa croissance. On voit parfois des jets de plasma se déplaçant à vitesse relativiste, perpendiculairement au disque d'accrétiondisque d'accrétion. Ces jets peuvent entraîner du gaz et de la poussière très loin de la galaxie, comme dans le cas de Centaurus A.


    L'interaction entre galaxies

    Les galaxies sont des êtres sociaux, se trouvant la plupart du temps en groupes. Les interactions sont alors fréquentes, et il n'est pas rare que deux galaxies fusionnent pour en former une plus grosse. Ce sont les forces gravitationnellesforces gravitationnelles qui dominent dans les interactions entre galaxies, et notamment les dérivées de ces forces, qui sont les forces de marée.

    ARP 273 sont deux galaxies en interaction (UGC 1813, la plus petite, et UGC 1810, la plus grande). © <em>Nasa, ESA, and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA)</em>, DP
    ARP 273 sont deux galaxies en interaction (UGC 1813, la plus petite, et UGC 1810, la plus grande). © Nasa, ESA, and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA), DP

    Les forces produisent un étirement symétrique de chaque côté d'un disque galactique, qui, par rotation différentielle, s'enroule ensuite en forme de spirale. De tels exemples sont représentés dans les photos ci-après.

    Deux paires de galaxies en interaction. À gauche, ARP 273. À droite, de la matière est échangée entre les deux galaxies : du gaz et de la poussière sont capturés par la plus petite d’entre elles, dans une direction perpendiculaire à son disque. Photos du télescope spatial Hubble. © Nasa, ESA
    Deux paires de galaxies en interaction. À gauche, ARP 273. À droite, de la matière est échangée entre les deux galaxies : du gaz et de la poussière sont capturés par la plus petite d’entre elles, dans une direction perpendiculaire à son disque. Photos du télescope spatial Hubble. © Nasa, ESA

    Une grande variété de morphologiesmorphologies perturbées est créée dans les interactions, selon le rapport de masse des galaxies, leur paramètre d'impact, la géométrie relative de la rencontre, et la vitesse. Une panoplie en est représentée plus loin. Lorsque les galaxies renferment du gaz avant l'interaction, il est comprimé et forme des flambées de nouvelles étoiles, ce qui donne une couleur bleue, avec des grumeaux dus aux nébuleusesnébuleuses.

    Panoplie de galaxies en interaction, montrant la grande variété des impacts possibles en termes de géométrie, vitesse relative, rapport de masse des ensembles en collision. Photos du télescope spatial Hubble. © Nasa, ESA
    Panoplie de galaxies en interaction, montrant la grande variété des impacts possibles en termes de géométrie, vitesse relative, rapport de masse des ensembles en collision. Photos du télescope spatial Hubble. © Nasa, ESA

    Fusion : coalescence des galaxies

    Créer de telles déformations et étirer les bras de marée, cela demande beaucoup d'énergie, laquelle est prise sur l'énergie potentielleénergie potentielle et cinétique contenue dans le mouvement relatif des deux galaxies. Celles-ci sont freinées dans leurs orbites, et tombent l'une sur l'autre en « spiralant ».

    Après deux ou trois révolutions, les galaxies coalescent, et forment un résidu d'étoiles, qui relaxe en une forme sphéroïdale plus ou moins aplatie. C'est ainsi que se forment généralement les galaxies elliptiques. Si la fusion est récente, les queues de marée, ainsi que des débris sous forme de boucles, rides, ou volutes, sont encore visibles pendant un ou deux milliards d'années.

    L’amas de galaxies Abell 1689, photographié par le télescope spatial Hubble. Ces zones très denses de galaxies sont très rares dans le ciel. En regardant l’image de près, on peut distinguer de petits arcs qui semblent entourer la galaxie massive centrale. Ces arcs sont des galaxies d’arrière-plan, déformées par l’amas qui joue le rôle de lentille gravitationnelle. © Nasa, ESA
    L’amas de galaxies Abell 1689, photographié par le télescope spatial Hubble. Ces zones très denses de galaxies sont très rares dans le ciel. En regardant l’image de près, on peut distinguer de petits arcs qui semblent entourer la galaxie massive centrale. Ces arcs sont des galaxies d’arrière-plan, déformées par l’amas qui joue le rôle de lentille gravitationnelle. © Nasa, ESA

    Dans certaines régions du ciel à très haute densité, les galaxies sont si nombreuses qu'elles se rassemblent en amas denses. Un exemple est donné dans la photo plus haut avec l'amas Abell 1689. Les fusions ont été nombreuses, et les galaxies elliptiques dominent, contrairement à ce qui se passe dans le reste de l'Univers.


    Découvrez le livre La Voie lactée, de Françoise Combes et James Lequeux

    Pour appréhender encore plus d'aspects de notre Galaxie, découvrez le livre La Voie lactée, aux éditions EDP Sciences, un ouvrage de Françoise CombesFrançoise Combes et James Lequeux.

    M104, la galaxie du Sombrero. © <em>Nasa, ESA and The Hubble Heritage Team (STScI/AURA)</em>, DP
    M104, la galaxie du Sombrero. © Nasa, ESA and The Hubble Heritage Team (STScI/AURA), DP

    Notre connaissance de la Voie lactée a été profondément renouvelée depuis une dizaine d'années à la suite des résultats du satellite astrométrique HipparcosHipparcos et des grands relevés stellaires. Nombre de concepts que l'on croyait bien établis se sont effondrés, pour être remplacés par d'autres qui vont dans le sens d'une plus grande complexité encore : en particulier, la mise en évidence des migrations radiales des étoiles vient brouiller l'image simpliste que l'on avait du disque galactique.

    Sur certains sujets, d'énormes progrès ont été faits, par exemple la physique du centre de la Voie lactée, avec son trou noir massif, mais d'autres problèmes subsistent, comme la nature de la matière noire qui semble exister dans notre Galaxie.

    Image du site Futura Sciences

    Nos connaissances actuelles sur la Voie lactée

    Cet ouvrage fait le point des connaissances actuelles sur la Voie lactée, présentées d'une manière aussi simple et didactique que possible. Les notions de base sont toujours rappelées, ce qui rend son accès possible aux lecteurs n'ayant pas de formation approfondie en astronomie.

    Sa lecture servira à mieux comprendre les résultats des analyses du satellite Gaia, lancé en décembre 2013, qui doivent nous arriver dans quelques années (voir d'ailleurs à ce propos l'article Le satellite Gaia nous offre la carte d'un milliard d'étoiles de la Voie lactée).