au sommaire
Le mécanisme de Brout-Englert-Higgs qui dote certaines des particules du modèle standard de masse à l'aide du champ du même nom s'est révélé être un grand succès théorique et expérimental, notamment parce qu'il a permis de prédire l'existence du boson de Brout-Englert-Higgs (BEH), découvert par la suite au LHC. Mais il rend le modèle standard problématique quand on cherche à le plonger dans des théories plus larges comme les Théories de Grande UnificationThéories de Grande Unification (ou GUT en anglais), et surtout des théories de gravitation quantiquegravitation quantique. Les corrections quantiques apportées par ces théories au-delà du modèle standard ont fortement tendance à modifier les caractéristiques du boson BEH de sorte que plusieurs effets à basses énergies du modèle standard devraient en fait se produire à des énergies très élevées, de l'ordre de celles des GUT ou de la gravitation quantique, c'est-à-dire en particulier celle, énorme, de la masse de PlanckPlanck : 1016 TeV.
Pour expliquer ce désaccord avec l'expérience, les chercheurs avaient été conduits à introduire des théories supersymétriques ou mieux, des dimensions spatiales supplémentaires conduisant à faire considérablement baisser la masse de Planck. On s'attendait donc à voir une pléthore de nouvelles particules lors du premier run du LHC avec des collisions à des énergies de quelques TeV, voire des minitrous noirs.
Une matière noire issue de la physique de l'échelle de Planck
Il n'en a rien été. Pire, la masse du boson de BEH s'est révélée être suffisamment faible pour que les corrections quantiques potentielles introduites par une physiquephysique au-delà du modèle électrofaible soient négligeables dans des expériences menées. Dans ce cas, aucune nouvelle particule ne pourrait apparaître dans des accélérateurs restant en dessous des énergies comprises entre 1012 TeV (celle des GUT) et la masse de Planck. Autant dire jamais car des accélérateurs suffisamment puissants seraient de la taille de la Voie lactéeVoie lactée.
Cette dernière éventualité est particulièrement désagréable pour ceux qui pensaient découvrir les particules de matière noire avec le LHC ou ses successeurs. Un article déposé sur arXiv par un groupe de théoriciens explore les conséquences de l'hypothèse qui veut que ces particules soient bien plus massives que celles généralement considérées, par exemple des Wimp. Les nouvelles particules de matière noirematière noire, que les chercheurs ont baptisées PIDM, pour Planckian interacting dark matter, c'est-à-dire de la matière noire planckienne, résulteraient d'une nouvelle physique émergeant entre 1012 et 1016 TeV. Elles posséderaient donc des masses proches ou égales à l'échelle de Planck.
Moisey Alexandrovich Markov (1908-1994) était un physicien théoricien russe marquant dont les travaux portaient aussi sur la physique des particules élémentaires et ses relations avec l'astrophysique. Il est le premier à avoir suggéré d'étudier les neutrinos cosmiques avec des détecteurs installés sous l'eau. © Institute for Nuclear Research of the Russian Academy of Sciences
Une prédiction testable dans le rayonnement fossile
Cette idée fait penser aux maximons et aux friedmons, des objets postulés dans les années 1960 et 1970 par Moisey Alexandrovich Markov et Valeri Frolov. Les maximons sont censés être les plus petits trous noirstrous noirs neutres possibles et ils auraient donc la masse de Planck. Ils pourraient représenter le stade terminal de l'évaporation des trous noirs par effet Hawking mais cette hypothèse n'est pas sans soulever des problèmes. Quant aux friedmons, ce sont des trous noirs chargés, dits extrêmes, les plus petits qui puissent rester stables. En effet, de tels trous noirs ne peuvent s'évaporer par effet Hawking et ne peuvent pas non plus se décharger électriquement si leur charge est inférieure à 137 fois la charge électrique élémentaire. De tels trous noirs chargés ne semblent toutefois pas pouvoir être de la matière noire puisqu'ils émettent de la lumièrelumière.
On peut toutefois penser que des objets similaires aux maximons et aux friedmons dans le cadre des théories de gravitation quantique, par exemple avec la supergravité, pourraient constituer de la PIDM. Ce ne serait en tout cas pas des minitrous noirs produits par les fluctuations de densité primordiales mais bien des particules créées à haute température, comme les quarksquarks et les leptonsleptons. Un bon candidat serait un graviton massif de Kaluza-Klein.
Mais pour qu'il en soit ainsi, il faudrait qu'il soit produit après l'hypothétique phase d’inflation introduite en cosmologiecosmologie pour résoudre certaines énigmes du Big BangBig Bang. Elle aurait dû se produire à des énergies plus élevées que celles généralement considérées et elle aurait conduit à une production conséquente d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles détectables sous forme de modes Bmodes B dans le rayonnement fossilerayonnement fossile. Surtout, selon les chercheurs, la PIDM ne peut expliquer la matière noire que si ces ondes ont été d'une intensité suffisamment forte pour être détectables par les expériences de nouvelle génération en cours de développement.
Si les modes B ne sont pas détectés dans un avenir proche, il faudra abandonner l'hypothèse de la PIDM.