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Le dernier article publié dans Nature par des planétologues étudiant Mercure grâce aux données de MessengerMessenger aurait sans aucun doute attiré l'attention d'Haroun Tazieff, s'il était encore parmi nous. On va fêter l'année prochaine le centenaire du célèbre volcanologuevolcanologue, quelques années après celui du commandant Cousteau (les deux hommes se connaissaient depuis une campagne en mer Rougemer Rouge).
Les images et les mesures de la sonde Messenger montrent en effet qu'il y a environ quatre milliards d'années, le volcanisme a joué un rôle important dans l'établissement de la topographie et de la géologie de Mercure. Il semble bien que les immenses plaines dévoilées par la sonde Mariner 10Mariner 10 lors des survolssurvols de 1974 et 1975 ne soient pas formées par des dépôts d'éjectas issus d'impacts géants, mais par des empilements de coulées de lavelave. C'est pour le moins la conclusion à laquelle ont été conduits les chercheurs, en étudiant le taux de cratérisation des plaines les plus jeunes.
La Lune pour calculer l'âge des surfaces planétaires
Rappelons que le programme Apollo a permis de ramener sur Terre des centaines de kilogrammes de roches lunaires. Les cosmochimistes ont pu les dater et donc déterminer l'âge des terrains où elles ont été récoltées. Les missions en orbites lunaires qui ont précédé LROLRO et Kaguya ont aidé à cartographier avec précision la surface de la Lune et d'établir des statistiques concernant les cratères lunaires. On sait qu'ils proviennent des impacts de petits corps célestes de tailles très différentes. En rapprochant ces cartes des datations des terrains, il a été possible de dresser une courbe reliant le taux de cratérisation d'une région lunaire à son âge. Ce faisant, les planétologues ont disposé d'un étalon pour la datation d'une région sur d'autres planètes rocheuses ou lunes dans le Système solaire. Le principe est simple : plus la région est cratérisée, plus elle est ancienne car elle correspond à une période où le bombardement météoritique était encore intense.
Deux cartes déduites des observations de la surface de Mercure par Messenger. La carte de gauche montre l'albédo (rapport de l’énergie solaire réfléchie par la surface à l’énergie solaire incidente) de la surface de Mercure. La carte de droite montre la densité de cratères dont le diamètre est supérieur à 25 km. Les terrains les plus fortement cratérisés sont en rouge et la ligne blanche entoure les plus anciens, datés d'il y a environ 4,1 milliards d'années. © Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory
Des traces du Grand Bombardement Tardif sur Mercure
Les échantillons lunaires recelaient une surprise. On s'attendait à ce que ce taux de cratérisation décroisse de manière monotone. Or, son évolution montre une brusque remontée temporaire, qui a été attribuée à ce qu'on appelle le Grand Bombardement Tardif (ou Late Heavy BombardmentLate Heavy Bombardment, LHB en anglais). S'étendant approximativement de 4,1 à 3,9 milliards d'années, cette période de l'histoire du Système solaire se caractérise par une notable augmentation des impacts météoritiques ou cométaires sur les planètes telluriquesplanètes telluriques. On l'explique assez bien par des migrations planétaires qui se seraient produites à cette époque, en utilisant le fameux modèle de Nicemodèle de Nice (modèle mathématique et numériquenumérique de la formation et de l'évolution du jeune Système solaire).
Une fois le taux de cratérisation de Mercure mieux connu grâce aux observations de Messenger, il est devenu possible de dater les fameuses plaines repérées par Mariner 10. Tout indique qu'un remodelage global de Mercure a eu lieu il y a environ quatre milliards d'années et que les terrains plus anciens ne sont pas visibles. La meilleure explication de ce phénomène fait intervenir de gigantesques épanchements volcaniques causés par les impacts de corps célestes associés au LHB. Cette conclusion est d'ailleurs renforcée par le fait que les plaines les plus vastes et les plus jeunes, très probablement d'origine volcanique, ont des âges compris entre 3,8 et 3,6 milliards d'années, c'est-à-dire juste après la fin du LHB.
Lentement mais sûrement, l'histoire de Mercure se dévoile et elle apparaît comme parfaitement compatible avec celle que l'on a déduite des autres corps célestes du Système solaire.