Les supernovae sont des objets fascinants. Les astronomes continuent d’en apprendre toujours plus sur les secrets qu’elles cachent. Aujourd’hui justement, ils nous apprennent qu’elles ne fabriquent peut-être pas autant d’éléments lourds qu’on le pensait. Mais qu’au contraire, elles sont étonnamment efficaces à produire du carbone.
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La réaction triple alpha. C'est par ce nom que les physiciensphysiciens désignent une réaction de fusion nucléaire qui rapproche trois atomes d'hélium pour former un atome de carbone. « C'est la plus importante de toutes les réactions. Elle définit en quelque sorte notre existence », commente Hendrick Schatz, chercheur à l'université de l'État du Michigan (MSU, États-Unis), dans un communiqué. Celui-ci annonce aujourd'hui que cette réaction particulière se produit, au cœur des supernovaesupernovae, à un rythme bien plus élevé que les chercheurs le pensaient.
Ce que les astronomesastronomes appellent ici particules alpha, ce sont des noyaux d'atomes d'hélium. Chacun composé de deux protons et deux neutrons. Lorsque les étoilesétoiles fusionnent trois particules alpha, il en résulte une particule comptant six protons et six neutrons. La forme de carbonecarbone la plus courante dans l'UniversUnivers. Et peut-être la plus importante au regard de la vie sur Terre.
L'ennui, c'est que la réaction triple alpha est, reconnaissons-le, une réaction peu probable. Mais les chercheurs de l'université de l'État du Michigan viennent justement de découvrir que les régions les plus internes des supernovae peuvent présenter un excès de protons qui va permettre à la réaction triple alpha de se produire plus facilement. Et de former des atomes de carbone dix fois plus rapidement que le pensaient les physiciens par le passé.
Une histoire à réécrire
En conséquence, la capacité des supernovae à fabriquer des éléments plus lourds doit être freinée. Une conséquence déconcertante parce que les astronomes pensaient que certains isotopesisotopes de ruthéniumruthénium et de molybdènemolybdène -- des atomes qui contiennent plus de 100 protons et neutrons --, étonnamment abondants sur Terre, nous venaient du cœur de supernovae riches en protons. « D'après nos théories, ils ne peuvent pas être fabriqués ailleurs. On dirait que nous allons devoir trouver une autre explication », convient Luke Roberts, physicien à la MSU.
Les chercheurs ont déjà émis d'autres idées. Mais aucune n'a jamais semblé complètement satisfaisante aux physiciens nucléaires. Et surtout, aucune n'intègre encore les derniers résultats obtenus à l'université de l'État du Michigan. Un intéressant casse-tête à résoudre, donc...
Sam Austin, professeur émérite à la MSU confie sa déception de voir des théories de longue date sur la création des éléments remise en question. Toutefois, « le progrès vient quand il y a une contradiction. Et nous aimons le progrès, même lorsqu'il détruit notre théorie préférée », conclut Hendrick Schatz.
La naissance des éléments chimiques dans les supernovae mieux comprise
Comment sont nés les éléments chimiqueséléments chimiques ? Les astrophysiciensastrophysiciens nucléaires répondent lentement mais sûrement à cette question depuis des décennies. Certains éléments lourds naîtraient ainsi lors de l'explosion de supernovae suivant un processus appelé processus R. Celui-ci fait intervenir des réactions basées sur des flux intenses de neutrons. Des chercheurs de l'institut de Recherche scientifique japonais, le RIKEN, ont réussi à mesurer avec précision les temps de demi-vietemps de demi-vie (quelques millisecondes seulement) de certains noyaux produits par ces réactions. Un grand pas en avant dans la compréhension de l'origine des éléments chimiques.
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru 28/05/2015
Les progrès de l'astrophysiqueastrophysique nucléaire ont été fulgurants après la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que comprendre les réactions nucléairesréactions nucléaires à l'intérieur des étoiles était un bon moyen d'aider à la conception et à la fabrication des armes thermonucléaires. Toutefois, ces travaux ont également eu une retombée bien plus pacifique puisqu'ils ont participé à la compréhension de l'origine des éléments chimiques grâce à la théorie de la nucléosynthèse stellaire.
En opposition à Gamow, qui pensait qu'ils avaient tous été synthétisés au début de l'univers dans le cadre de la théorie du Big Bang, Margaret Burbidge, Geoffrey Burbidge, William Fowler, et Fred Hoyle ont ainsi démontré que les éléments chimiques prenaient en fait naissance au cœur des étoiles. Ils ont présenté leur recherche dans un article légendaire publié en 1957 et appelé B2FH, un nom formé avec les initiales des auteurs. Lors d'un colloque en 2007, Geoffrey Burbidge a d'ailleurs rappelé ses souvenirs à ce sujet. Ses propos peuvent être lus sur arXiv.
Neutrons et radioactivité bêta, des clés de la nucléosynthèse
En 1956, en se basant sur l'analyse des météoritesmétéorites les plus primitives du Système solaireSystème solaire, les chondriteschondrites, Hans Suess et le prix Nobel de chimiechimie Harold Urey avaient déterminé les abondances de bien des éléments présents dans l'univers. Ils avaient pour cela supposé que la composition chimique du matériaumatériau de la nébuleusenébuleuse primitive à l'origine du Système solaire était représentative de celle de la matièrematière dans la Voie lactée.
Ces abondances avaient conduit les auteurs de B2FH à développer un scénario pour expliquer l'existence des éléments plus lourds que le ferfer. En effet, les réactions nucléaires classiques ne permettent pas de synthétiser des éléments plus lourds que Fe. Il était en revanche possible d'imaginer que des flux de neutrons puissent conduire à ces types d'éléments grâce à l'addition de neutrons dans les noyaux. Selon le scénario, ces neutrons capturés se désintègrent par radioactivitéradioactivité bêtabêta en donnant des protons ou bien conduisent à la formation d'isotopes riches en neutrons.
Ce scénario a été théorisé, établissant que ces processus pouvaient se produire dans certaines étoiles de façon relativement lente au cours de plusieurs milliers d'années : on parle alors de processus S (avec S pour slow, lent en anglais).
Cependant, à l'occasion de l'explosion des supernovae dont le cœur s'effondre gravitationnellement comme c'est le cas des SNSN II (ce n'est pas le cas des SN Ia qui font intervenir des naines blanches), il est bien possible qu'un autre processus dit R pour rapide (R-process en anglais) opère. Le processus durerait environ une seconde avec des températures très élevées et un flux de neutrons particulièrement intense.
Les réactions de production de noyaux lourds spécifiques au processus R n'ont pas encore été toutes complètement étudiées. Pourtant, une équipe internationale de physicien ayant utilisé le Radioactive Isotope Beam Factory du célèbre institut de Recherche scientifique japonais, le RIKEN, vient de publier dans Physical Review Letters une contribution importante en direction de la solution finale à ce problème.
Des intermédiaires de réaction instables
Les chercheurs ont ainsi pu mesurer avec précision les temps de demi-vie d'environ 110 noyaux dont 40 d'entre eux n'avaient encore jamais été déterminés. Bien que ne durant que quelques millisecondes, l'existence de ces noyaux influe de façon notable sur la cosmochimie dans les galaxiesgalaxies. Dans le cas présent, ces noyaux servent d'intermédiaires dans des réactions complexes faisant intervenir des centaines d'isotopes (dont beaucoup sont radioactifs). Ils n'ont pas été produits par addition directe de neutrons mais résultent de collisions de faisceaux de noyaux d'uraniumuranium avec ceux d'une cible fixe en bérylliumbéryllium.
Selon le physicien Giuseppe Lorusso qui a dirigé l'équipe de chercheurs : « Les nouvelles données expérimentales nous rapprochent de la résolutionrésolution de l'énigme de la nucléosynthèsenucléosynthèse. Leur utilisation supprime certains désaccords entre les calculs et les observations en ce qui concerne les abondances des éléments produites par le processus R, montrant que les modèles rendent probablement bien compte de la physiquephysique de ce processus ». Mais les chercheurs ont également eu leur lot de surprises : « Nous avons découvert qu'après avoir réduit les incertitudes expérimentales, des différences entre les abondances des noyaux d'étainétain, d'antimoineantimoine, d'iodeiode et de césiumcésium dans les plus vieilles étoiles nées au début de l'histoire de l'univers pouvaient indiquer des différences dans les conditions d'occurrence du processus R ».