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Le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko alias Tchouri a été photographié par la caméra de navigation (NavCam) de Rosetta, le 15 juin 2015, à 208 kilomètres de distance. En modifiant la luminosité de l’image, les jets de gaz qui constituent sa chevelure sont plus faciles à distinguer. © Esa, Rosetta, NavCam, CC by-sa IGO 3.0
Quoi de plus exaltant pour les scientifiques en quête de nos origines que de suivre une comète au fil de sa révolution autour du Soleil ? Avec Rosetta, les chercheurs bénéficient en effet d'une exceptionnelle fenêtrefenêtre ouverte sur l'un de ces astres qui conserve, depuis plus de 4,5 milliards d'années, des fragments de la mémoire du Système solaire primitif. Et cette formidable aventure est loin d'être finie, car l'Esa a annoncé, le 23 juin 2015, que cette grande mission autour du noyau de 67P/Churyumov-Gerasimenko était prolongée de neuf mois. Aussi, si la sonde spatiale ne pâtit pas trop des effusionseffusions de poussières en cette période proche du périhélie, le 13 août prochain, il sera peut-être envisagé, à terme, qu'elle descende en spirale tranquillement jusqu'à la surface du noyau pour enfin s'y poser ou s'y échouer à l'horizon de septembre 2016.
« La prolongation permettra de suivre la décroissance de l'activité du noyau sur une plus longue période et les instruments auront ainsi de multiples occasions de faire des comparaisons avant-après le passage au périhélie qui nous en apprendront encore plus sur l'évolution de l'activité d'un noyau cométaire dans le voisinage du Soleil », explique le Cnes dans son communiqué.
Abondance de l’eau autour du noyau de 67P/Churyumov-Gerasimenko cartographié grâce aux données collectées par le petit spectromètre Miro de Rosetta. Les régions colorées en rouge, orange et blanc affichent la densité la plus élevée tandis que celles teintées de vert, bleu et noir présentent les concentrations les plus faibles. La partie noire, la moins abondante, est la région du pôle sud de la comète. © Esa, Rosetta, Miro
L’eau est abondante autour de Tchouri
Distante actuellement de quelque 206 millions de kilomètres du Soleil (1,3 unité astronomiqueunité astronomique), Tchouri affiche une activité de plus en plus importante qui la coiffe d'une grande chevelure ébouriffée de gazgaz, son atmosphèreatmosphère ou comacoma. Longtemps, les astronomesastronomes ont dû se contenter d'étudier ces phénomènes caractéristiques des comètes depuis la Terre, mais grâce à Rosetta, qui escorte ce noyau depuis août 2014, les données n'ont jamais été aussi nombreuses et précises.
Cela fait maintenant un an que les premières détections de vapeur d'eau ont été effectuées avec l'instrument Miro (Microwave Instrument for RosettaRosetta OrbiterOrbiter), alors que la sonde spatiale était encore à 350.000 kilomètres de la comète (en juin 2014, environ 580 millions de kilomètres, soit 3,9 unités astronomiques, séparaient Tchouri du Soleil). Un an après donc, l'équipe scientifique en charge de l'instrument vient de rendre publique la première carte de la répartition de l'eau sur et autour du noyau. Une observation datant du 7 septembre 2014 de ce corps bilobé de quelque quatre kilomètres de long, en rotation de 12,5 heures avec ce petit spectromètrespectromètre capable de mesurer directement l'émissionémission de l'eau dans la coma et aussi l'absorptionabsorption de celle émise du noyau à travers la chevelure, a permis de situer son abondance.
Les 201 spectresspectres collectés à 58 km de distance couvrent l'environnement de la comète. Les scientifiques rapportent que les signatures de l'eau les plus fortes proviennent du côté éclairé (jour) de Tchouri, à la fois à sa surface et dans son atmosphère. Puis l'abondance décline à mesure que l'on se rapproche du terminateurterminateur. Enfin, c'est dans la partie nocturnenocturne et les régions les plus froides, proches du pôle sud, que les plus faibles émissions ont été enregistrées.
« Nos observations montrent que la distribution d'eau dans la coma est très hétérogène, commente Nicolas Biver, chercheur du CNRS à l'observatoire de Paris-Meudon, qui a dirigé cette étude à paraître dans Astronomy & Astrophysics. Nous avons trouvé la plus forte densité de l'eau juste au-dessus du cou, à proximité du pôle nord de l'axe de rotation de la comète : dans cette région étroite, la densité de la colonne d'eau est de deux ordres de grandeurordres de grandeur plus élevés que partout ailleurs dans la chevelure. »
Plusieurs plaques de glace ont été identifiées par contraste avec la surface sur ces images en fausses couleurs réalisées avec la caméra Osiris, les 5 et 16 septembre 2014. Elles se situent dans les régions d'Anuket, d'Imhotep et de Khepry-Imhotep. © Esa, Rosetta, MPS pour Osiris, MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA
Sous la poussière sombre, de la glace
Riche en glace, les comètes sont paradoxalement très sombres à leur surface, comme en témoignent les images originales de Rosetta. Cependant, une récente étude qui vient de paraître dans Astronomy & Astrophysics dévoile 120 régions différentes mesurant de quelques mètres à quelques dizaines de mètres et qui sont environ dix fois plus brillantes que la moyenne. Elles ont pu être identifiées avec la caméra Osiris. La plupart ont été remarquées dans des champs de débris au pied de falaises, probablement produits par des effondrementseffondrements dus à l'érosion.
Sur les images en fausses couleurscouleurs, elles apparaissent plutôt bleues, à la différence de l'arrière-plan, teinté de rouge. L'hypothèse de « la glace d'eau est l'explication la plus plausible », selon Antoine Pommerol (université de Bern) qui a signé cette étude. « Au moment de nos observations [septembre 2014, NDLRNDLR], la comète était assez éloignée du Soleil, si bien que la vitessevitesse à laquelle la glace d'eau se sublimait aurait été inférieure à 1 mm par heure avec cette incidenceincidence de l'énergieénergie solaire, précise-t-il. Par contrastecontraste, si c'était de la glace de dioxyde de carbonedioxyde de carbone ou de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone qui était exposée, cela se serait sublimé rapidement lorsque la zone était éclairée par la même quantité de lumièrelumière solaire. C'est pourquoi nous ne pensons pas voir ce type de glace stable à la surface à ce moment-là. »
L'équipe a testé plusieurs recettes en laboratoire avec comme ingrédients de la glace mêlées à différents minérauxminéraux et des ensoleillements variables. Elle est arrivée à la conclusion qu'en quelques heures seulement, la sublimationsublimation laissait derrière elle de très fines couches de poussières.
« La surface sombre relativement homogène du noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, ponctuée de points brillants de seulement quelques mètres, peut être expliquée par la présence d'un fin manteaumanteau de poussière composé de minéraux réfractairesréfractaires et de la matière organique, avec des points lumineux correspondant à des zones où cette couche a été enlevée, révélant ainsi un sous-sol riche en glace d'eau », explique Holger Sierks, responsable d'Osiris au Max PlanckMax Planck Institute for Solar System Research.
Avec le périhélie qui approche, les chercheurs vont pouvoir comparer les images prises à différents moments de l'orbiteorbite de Tchouri, distinguer les régions les plus touchées par des changements et en comprendre le dynamisme afin de mieux décrire le processus. « On peut s'attendre à voir de nouvelles régions de glace exposées au soleil, et peut-être de plus grandes dimensions », s'enthousiasme Matt Taylor, de l'équipe scientifique de Rosetta, dans le communiqué de l'Esa.