Les quasars émettent des jets de particules qui sont constitués (au moins) d'un gaz d'électrons. Cela permet d'établir une température de brillance. Celle du quasar 3C 273 a été mesurée avec le radiotélescope RadioAstron. Surprise : elle dépasse la limite qui semble autorisée par les lois de la physique ! Les astrophysiciens doivent revoir leur copie…

Il y a quelques années, la Russie mettait en orbite l'équivalent de Hubble dans le domaine de la radioastronomie, le satellite Spektr R, encore appelé RadioAstron. Avec ses dix mètres de diamètre, on pourrait croire qu'il s'agit d'un petit radiotélescope car il en existe des bien plus grands au sol. Ce serait une erreur car, en joignant ses forces avec des instruments sur Terre, notamment les radiotélescopes d'Arecibo, d'Effelsberg et de Green Bank, il permet de réaliser virtuellement une antenne de plusieurs centaines de milliers de kilomètres de diamètre.

Pour obtenir un tel résultat miraculeux, il faut recourir à la technique dite de synthèse d'ouverture, la même que celle utilisée avec le Very Large Array (VLA) (en français, le « Très Grand Réseau »), un radiotélescope formé de 27 antennes paraboliques, situé dans la plaine de San Augustin, au Nouveau-Mexique (États-Unis). Dans ce cas précis, on peut alors obtenir l'équivalent d'un instrument de 36 kilomètres de diamètre.

Les astrophysiciens ont combiné tous ces radiotélescopes pour en créer un de 171.000 kilomètres et ont tourné son regard en direction d'une source radio mythique, le célèbre quasar 3C 273. Il est situé dans la constellation de la Vierge, à environ 2,4 milliards d'années-lumière. Par comparaison, si Andromède était à 50 cm de la Voie lactée, la galaxie hébergeant le trou noir supermassif à l'origine de 3C 273 serait située à 450 mètres environ. Toutefois, grâce à la résolution spectaculaire que permettent d'atteindre RadioAstron et ses grands frères, les astrophysiciens disposent maintenant d'images de cet objet avec des pixels dont la taille est d'environ 2,7 mois-lumière.

Une vue d'artiste du Hubble russe en radioastronomie, RadioAstron (ou Spektr R), le radiotélescope spatial développé par le centre spatial Astro, rattaché à l'institut de physique Lebedev. Son miroir est fait de 27 pétales de fibres de carbone. Destiné à faire de la synthèse d’ouverture en radioastronomie, cet instrument pourrait révéler, entre autres, que certains quasars sont en réalité des trous de ver connectant notre univers à un autre. © Tigovik, Wikipédia, CC by-sa 3.0

Une vue d'artiste du Hubble russe en radioastronomie, RadioAstron (ou Spektr R), le radiotélescope spatial développé par le centre spatial Astro, rattaché à l'institut de physique Lebedev. Son miroir est fait de 27 pétales de fibres de carbone. Destiné à faire de la synthèse d’ouverture en radioastronomie, cet instrument pourrait révéler, entre autres, que certains quasars sont en réalité des trous de ver connectant notre univers à un autre. © Tigovik, Wikipédia, CC by-sa 3.0

Des jets de gaz un million de fois plus chauds que le Soleil

Comme l'expliquent des chercheurs dans un article disponible sur arXiv, ils sont tombés sur une surprise défiant pour le moment les explications théoriques. Les jets de particules relativistes produits par les quasars sont censés être composés d'un gaz d'électrons dont la température est très élevée.

Ces particules chargées émettent des rayonnements gamma et X avec lesquels elles entrent également en interaction. En théorie, ces rayonnements peuvent ralentir les électrons et, donc, faire baisser la température du gaz. Il devrait ainsi exister une valeur limite d'environ 100 milliards de kelvins, soit une température au moins 10.000 fois plus élevée que celle régnant au cœur du Soleil (la température du Soleil est d'environ 15 millions de kelvins).

De façon étonnante, les mesures effectuées indiquent une température dépassant les... 10.000 milliards de kelvins ! Il semble qu'il y ait quelque chose que l'on ne comprenne pas très bien dans la physique des trous noirs de Kerr en rotation entourés d'un disque d'accrétion et qui produisent les jets relativistes des quasars. Peut-être que le film français de science-fiction Le Grand Tout n'était-il pas très loin de la vérité en invoquant une physique inconnue dans les jets de matière des trous noirs (voir la vidéo ci-dessus).

En bonus, les observations concernant 3C 273 ont atteint une telle résolution que l'on voit maintenant l'effet de dégradation des images induit par le plasma interstellaire dans la Voie lactée. Cet effet est comparable à celui que l'on peut observer à travers l'air chaud qui s'élève juste au-dessus d'une bougie. C'est la première fois qu'on l'observe ; il devrait nous donner de précieux renseignements non seulement sur le monde des trous noirs supermassifs mais aussi sur ce qui se passe dans notre galaxie.