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Quand les quasars ont été découverts, ils ont remis en cause le modèle cosmologique standard, plus exactement celui qui, vers la fin des années 1960, a été remplacé par le modèle du Big Bang. On a de bonnes raisons de penser aujourd'hui que ces objets déroutants pour les astrophysiciensastrophysiciens de l'époque sont en fait des trous noirs supermassifs. Il n'est pas exclu que certains d'entre eux soient en fait des trous de ver mais il s'agit d'hypothèses encore très spéculatives.
Pendant quelque temps, on s'est demandé si les quasars n'allaient pas entraîner une nouvelle révolution en physique. En effet, certains jets de matière produits par ces objets, qui ont été observés dans le domaine radio dès la fin des années 1960 et au cours des années 1970, semblaient se déplacer plus vite que la lumièrelumière. Fallait-il remettre en cause la théorie de la relativité restreinterelativité restreinte ?
En fait, comme l'avait montré dès 1966 le grand astrophysicien et cosmologiste britannique Martin Rees, la théorie d'EinsteinEinstein prévoyait elle-même qu'un jet de particules se déplaçant presque à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière et presque en direction d'un observateur pouvait avoir une composante de vitesse transversale semblant dépasser la vitesse de la lumière. Une telle vitesse superluminique était donc en fait une illusion d’optique. Il était et il reste toutefois difficile de vraiment comprendre par quels processus physiques un trou noir supermassif peut accélérer des particules presque à la vitesse de la lumière.
Ce time-lapse réunit des images prises dans le visible par Hubble depuis environ 20 ans d'un des jets de matière émis par le trou noir supermassif au cœur de la galaxie elliptique NGC 3862. On voit dans ce jet des « nœuds » de matière qui entrent en collision. © Nasa, Esa, YouTube
On connaît plusieurs galaxiesgalaxies émettant des jets « transluminique » observés dans le domaine radio mais un bien moins grand nombre dans le domaine visible. Le télescopetélescope HubbleHubble a cependant permis de débusquer et d'étudier quelques-uns d'entre eux comme celui associé à une galaxie elliptiquegalaxie elliptique située dans l'amas de galaxiesamas de galaxies Abell 1367. Elle porteporte le numéro 3862 dans le New General CatalogueNew General Catalogue of Nebulae and ClustersClusters of Stars ou NGC (en français « Nouveau catalogue général de nébuleusesnébuleuses et d'amas d'étoilesétoiles »), l'un des catalogues astronomiques les plus connus. Il contient 7.840 objets du ciel profond (principalement des galaxies, mais pas seulement) recensés par John Dreyer jusqu'en 1888. Ce catalogue est une révision et un élargissement du General Catalogue de William Herschel.
Des particules à 98 % de la vitesse de la lumière
La galaxie NGC 3862, c'est son nom, est au sixième rang des galaxies les plus brillantes. Elle se trouve à environ 260 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Terre et Hubble a pu observer par période l'un de ses jets dans le visible depuis 1992. Remarquablement, une équipe d'astronomesastronomes à mis bout à bout les photos prises par Hubble de ce jet depuis presque 20 ans et en a tiré une sorte de petit film qui montre des modifications dans la structure de ce jet qui s'étend sur plusieurs centaines de milliers d'années-lumière.
La galaxie active NGC 3862 est une source radio 3C 264 située dans la constellation du Lion. Il est possible de l'observer dans le visible avec le télescope Hubble et d'y déceler un jet de plasma comme le montre l'image de gauche. Les images zoomées (à droite) permettent de voir que, de 1994 à 2014, un paquet de matière (entouré de pointillés verts) rattrape un autre paquet (pointillés bleus) avant d'enter en collision avec lui. La croix indique la localisation de la source de ce jet : un trou noir supermassif. © Nasa, Esa
Comme les chercheurs l'expliquent dans un article paru dans Nature, le jet qui semble se mouvoir à plusieurs fois la vitesse de la lumière se déplace en fait à 98 % de cette vitesse limite imposée par la structure de l'espace-tempsespace-temps. Comme dans le cas d'autres jets observés dans le domaine radio ou dans le domaine des rayons Xrayons X mais qui, pour des raisons inconnues ne le sont pas dans le visible, des concentrations de matière sont présentes. L'éjection de particules par les trous noirs de Kerr supermassifs en rotation n'est donc pas continue mais semble se produire de façon quelque peu sporadique, à la manière des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques.
NGC 3862 offre aujourd'hui un spectacle nouveau : la collision entre deux paquetspaquets de matière dont l'un était visiblement plus rapide que l'autre et a d'ailleurs fini par le rattraper. Il se produit alors ce que l'on appelle une onde de choc, une brusque discontinuité dans les pressionspressions et les densités de ces nuagesnuages de particules ultrarelativistes. Il semble que ces chocs contribuent à accélérer les particules dans les jets des quasars. Ce genre de phénomène avait été prédit depuis longtemps mais le voir en action pour la première fois ouvre la possibilité d'effectuer des tests sur les modèles possibles de génération de ces jets. Plus généralement, combinés à d'autres observations futures de jets similaires, ces observations vont permettre de mieux comprendre la dynamique des galaxies et leur évolution au cours de l'histoire de l'universunivers observable.