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Alors qu'une première hypothèse circule pour expliquer l'échec du Proton, la Russie a officiellement suspendu le lanceur Proton de tout vol. L'interruption concerne l'agence spatiale russe Roscosmos, mais également ILS, la société qui commercialise le Proton sur le marché international. Un coup dur pour ILS, qui prévoyait d'ici à la fin de l'année le lancement de quatre satellites, dont celui de SES (Astra 2E) dès le 20 juillet. Devaient suivre le satellite de radio nord-américain SiriusSirius FM-6 en août, le satellite de communication russe Express AM5 fin octobre et le satellite de télévision Türksat 4A fin novembre.
L'enquête risque d'être longue, et la suspension du lanceur pourrait durer plusieurs mois. On pourrait penser que le lanceur Proton cloué au sol mettrait ArianespaceArianespace dans une situation idéale. L'entreprise européenne raflerait alors de nouveaux contrats de lancement, car un satellite au sol coûte très cher et ne rapporte rien. Néanmoins, la situation n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
Une des hypothèses à l’étude pour expliquer la perte du Proton qui a explosé début juillet serait un décollage en avance sur le compte à rebours initial. Le système de contrôle du lanceur aurait interprété le tir comme une situation anormale, et fait dévier dans l’urgence le lanceur pour qu’il s’écrase loin du pas de tir. Le lanceur Proton n’a pas de système de destruction en vol. En revanche, il embarque un programme qui, en théorie, doit le faire s’écraser dans une zone inhabitée. © S. Corvaja, Esa
L’absence du Proton, une situation complexe pour Arianespace
Avec Arianespace, ILS est la seule société capable de lancer des satellites de plus de six tonnes. Ils se partagent donc le lancement des satellites en orbite géostationnaire, avec un net avantage pour le lanceur européen. En 2012, Arianespace a lancé 12 des 22 satellites dits GTO, soit 55 %. Les dix autres satellites ayant été lancés par le Proton d'ILS (7) et le Zenit 3 de Sea Launch (3), aujourd'hui sur la touche. Rappelons que si les lanceurs américains Atlas V et Delta IV sont également capables de lancer des satellites aussi lourds en géostationnaire, ils ne sont pas sur le marché. D'une part parce qu'ils sont trop chers, et surtout qu'ils préfèrent se disputer le marché militaire et celui des lancements de satellites institutionnels américains. Quant à SpaceXSpaceX, très en retard sur son calendrier de lancement, il n'est pas vu comme un recours dans ce contexte.
Pour répondre aux besoins des clients d'ILS, en plein doute, Arianespace est la seule roue de secours du secteur. Cependant, la société européenne doit jongler avec un agenda difficile à mettre au point, qui dépend de l'arrivée en Guyane des satellites à lancer. C'est le cœur du problème. À ce jour, elle ne sait toujours pas si elle réalisera cinq ou six vols d'Ariane 5 en 2013. À cela s'ajoute la contrainte du lancement double, ce qui signifie que si elle récupère un ou deux satellites d'ILS, elle doit également trouver d'autres satellites compatibles en masse et en profil de mission. Pas simple, et pas sûr que cela soit possible.
Enfin, Arianespace doit jongler avec le calendrier de lancement des deux autres lanceurs tirés depuis le Centre spatial guyanaisCentre spatial guyanais (Vega et SoyouzSoyouz), ce qui restreint les créneaux de lancement, car entre deux tirs, quel que soit le lanceur, trois semaines sont nécessaires. Une situation dont il a été question au Salon du Bourget. Le Cnes, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne et Arianespace ont annoncé vouloir réduire ce délai à deux semaines. Arianespace a confirmé pouvoir augmenter sa cadence de lancement de deux Ariane 5Ariane 5.