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Depuis la découverte de l'existence de la planète NeptuneNeptune en 1846, bien des spécialistes de la mécanique céleste ont tenté d'utiliser les méthodes de Gauss et Lagrange pour tenter de découvrir de nouvelles planètes dans le Système solaire.
Tout comme Urbain Le VerrierUrbain Le Verrier et John Couch Adams, ils se sont basés sur les perturbations gravitationnelles des corps célestes les uns sur les autres. Des irrégularités des mouvements d'Uranus avaient en effet trahi la présence de Neptune. D'autres irrégularités semblaient indiquer celles de nouveaux corps célestes à découvrir et, pendant une partie du XXe siècle, alors que PlutonPluton était encore la neuvième planète du Système solaire, les spécialistes ont cherché activement la fameuse Planète X, ainsi nommée par Percival Lowell
Un premier coup d'arrêt à ces recherches a été donné pendant les années 1990, quand les analyses des mouvements de la sonde Voyager 2 ont montré que les irrégularités constatées dans l'orbite d'UranusUranus étaient dues à une légère surestimation de la masse de Neptune. C'est toutefois à cette période que les premiers objets de la ceinture de Kuiper (Kuiper Belt Object en anglais, ou KBO) ont été découverts. Ils font partie des objets transneptuniens (TNO d'après le nom anglais TTransneptunian Object), c'est-à-dire des corps célestes du Système solaire dont l'orbite est entièrement, ou pour la majeure partie, au-delà de celle de la planète Neptune (certains font donc partie du nuage d'Oortnuage d'Oort).
Dans le cas des orbites elliptiques du Système solaire, il faut six paramètres pour définir la position d'un objet à un instant donné. Il y a notamment le demi-grand axe a et l'excentricité e qui définissent l'ellipse dans un plan (P1). Les trois suivants, longitude du nœud ascendant Ω, inclinaison i et argument du périastre (P) ω, définissent l'orientation du plan de l'orbite dans l'espace par rapport au plan de l'écliptique (P2), celui de la Terre autour du Soleil. © Brandir, ArtMechanic, Wikipédia, CC BY-SA 3.0
Des arguments du périastre anormaux pour des TNO
En mars 2014 les astronomesastronomes Scott Sheppard et Chad Trujillo ont annoncé la découverte d'un TNO particulièrement lointain baptisé pour le moment du nom de 2012 VP113. Les paramètres de son orbite sont similaires à ceux d'un autre TNO bien connu, SednaSedna, ainsi qu'à ceux de KBO plus proches bien qu'ayant presque tous des demi-grands axesdemi-grands axes longs d'au moins 150 unités astronomiquesunités astronomiques (UA) et des périastrespériastres situés à au moins 30 UA.
En termes techniques, ils possèdent tous un argument du périastre ω proche de 0 (voir le schéma ci-dessus). Il s'agit de l'angle entre le rayon vecteur joignant le périastre de l'orbite elliptique du corps et sa ligne des nœudsnœuds, c'est-à-dire l'intersection du plan de cette orbite avec celui de la Terre. Au moment où l'astreastre est au plus près du SoleilSoleil, sur son périastre donc, il se trouve par conséquent dans le plan de l'écliptiqueplan de l'écliptique.
Déjà en 2014, Trujillo et Sheppard avaient fait remarquer que ce groupement des objets transneptuniens extrêmes, ou ETNO, autour de la valeur 0 de l'argument du périastre était anormal. On aurait dû observer une répartition aléatoire. Ils en avaient déduit que ce groupement pouvait résulter, via le fameux mécanisme de Kozai, de l'influence gravitationnelle de deux superterressuperterres situées à environ 250 UA du Soleil. Il s'agissait évidemment d'une affirmation révolutionnaire et problématique à plus d'un titre.
Après Pluton, la sonde New horizons devrait se diriger vers un objet transneptunien. Sa trajectoire pourrait nous révéler l'existence de corps célestes beaucoup plus massifs, des superterres. © Johns Hopkins University APL/Southwest Research Institute
Des planètes deux à dix fois plus massives que la Terre
Rappelons que les superterres possèdent des masses comprises entre 2 et 10 fois celle de la Terre. Les hypothèses actuelles sur la formation du Système solaire rendent difficiles à comprendre l'existence d'astres aussi massifs à une telle distance du Soleil. Il est vrai cependant que de récentes observations, notamment avec Alma, ont permis de découvrir que certains disques protoplanétairesdisques protoplanétaires autour de jeunes étoilesétoiles devaient permettre malgré tout la naissance de planètes à plus de 100 UA de leur étoile hôte.
Toutefois, les observations de la mission Wise ont conduit récemment aussi à affirmer qu'il n'existait pas de Planète X. Comment concilier ces observations avec celles concernant les ETNO ? Tout simplement en n'oubliant pas que Wise a en fait exclu la présence de géantes gazeusesgéantes gazeuses au moins aussi massives que JupiterJupiter et SaturneSaturne sur des orbites circulaires dont les rayons sont inférieurs à quelques milliers d'unités astronomiques. L'existence des superterres envisagées par Trujillo et Sheppard est en fait parfaitement autorisée par les données de la mission Wise.
Toutefois, peu d'ETNO sont encore connus (13) et il se peut que ce groupement autour de la valeur nulle de l'argument du périastre soit dû à un biais observationnel, à savoir le fait que ces astres seraient naturellement les premiers à être détectés en raison de leur proximité relative au Soleil. Pour tenter d'en avoir le cœur net, C. de la Fuente Marcos, R. de la Fuente Marcos et S. J. Aarseth, des astronomes des l'université Complutense de Madrid (Espagne) et de l'université de Cambridge (Grande-Bretagne), ont conduit des simulations numériquessimulations numériques.
Comme ils l'expliquent dans deux articles disponibles sur arxiv, ils sont arrivés à la conclusion que la meilleure façon d'expliquer les caractéristiques des ETNO est de supposer qu'il existe deux superterres, dont l'une est à 200 UA et l'autre à 250 UA, exhibant un phénomène de résonancerésonance gravitationnelle. En l'occurrence, la première bouclerait trois orbites lorsque la seconde en bouclerait deux.
Les perturbations gravitationnelles qu'elles exerceraient avec le mécanisme de Kozai (un mécanisme différent de celui conduisant à cette résonance) serait donc bien à l'origine des paramètres orbitaux étonnants des ETNO. Mais les chercheurs restent prudents. Lorsqu'un nombre bien plus grand d'ETNO seront connus, cette anomalieanomalie pourrait disparaître. En attendant, les caractéristiques de la trajectoire de la sonde New Horizons pourraient bien finir par traduire la présence de ces superterres...