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Prédites par la théorie de la relativité générale d'Albert EinsteinEinstein, les ondes gravitationnelles forment le rayonnement le plus pénétrant de l'univers. Rien ne peut les arrêter puisqu'elles constituent des vibrations du tissu même de l'espace-temps. Elles n'ont jamais été observées directement, les astronomesastronomes n'ayant que des preuves indirectes de leur existence.
Deux grands instruments tente de les repérer sur Terre : Ligo et Virgo (construits respectivement 2002 et 2007). Le passage d'une telle onde se manifesterait par des modifications de la longueur de la trajectoire de deux faisceaux laser dans des tubes à vide constituant un gigantesque interféromètreinterféromètre. Mais depuis leur entrée en service, aucune onde n'a été détectée. Pour se donner le plus de chances de les observer, les astronomes doivent s'affranchir du bruit de fond terrestre constitué des ondes sismiquesondes sismiques ainsi que des variations du champ gravitationnel.
De forme cylindrique et doté d’un panneau solaire hexagonal, le satellite Lisa Pathfinder est large de 2,3 m, haut d’un mètre et pèse environ 500 kg (1,9 tonne avec le module propulsif). © Esa
eLisa, un instrument spatial d'un million de kilomètres
C'est pourquoi l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa) a en projet la mission eLisa qui consiste à réaliser un interféromètre avec trois satellites formant un triangle équilatéral d'un million de kilomètres de côté et échangeant entre eux des faisceaux laser. « L'idée est de mesurer d'infimes variations relatives de la longueur des faisceaux laser causées par le passage d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles. » Pour l'instant, « il nous faut encore démontrer que l'on peut le faire », nous explique Damien Texier, responsable de la mission en opération à l'Esa.
Ce projet ambitieux se heurte à des difficultés techniques considérables. Le plus ardu sera de « conserver sur des trajectoires géodésiques des massesmasses étalons protégées de toute influence externe et de mesurer précisément, par interférométrieinterférométrie, la distance relative entre ces masses ». De plus, certaines technologies et certains instruments ne « peuvent pas être vérifiés au sol étant donné que la gravitégravité et l'environnement de la Terre influencent les résultats des tests ». D'où la nécessité de réaliser un démonstrateurdémonstrateur pour minimiser les risques de la mission eLisa.
Pour effectuer cette démonstration, le site britannique de Stevenage, d'Airbus Defence & Space, à la tête d'un consortium de 40 sociétés et instituts de recherche de 14 pays européens, a donc construit un satellite avec un niveau de propreté magnétique et gravitationnel très élevé.
Au cœur du satellite Lisa Pathfinder se trouve le système de laser qui permettra de mesurer les infimes mouvements des deux masses étalons. © Airbus Defence and Space
Lisa Pathfinder sera lancé sur une orbiteorbite basse et utilisera son module de propulsion pour rejoindre son orbite définitive, située au point de Lagrange 1, à 1,5 million de kilomètres de la Terre. La duréedurée de vie de l'appareil sera très courte, environ 180 jours, « mais il est conçu pour fonctionner 18 mois ». Cela peut paraître très court pour un satellite mais Lisa Pathfinder n'est pas conçu pour faire de la science. D'ailleurs, il « serait impossible de détecter le passage d'une onde gravitationnelle entre les deux masses séparées de seulement 38 centimètres ». Les contrôleurs au sol et l'équipe scientifique de la mission vont réaliser une série de « mesures qui permettra de déterminer les performances du système et validera ainsi les concepts de la mission eLisa ».
Des technologies très pointues à tester
La conception de Lisa Pathfinder s'inspire en effet d'eLisa. L'idée est de réduire à seulement 38 centimètres l'espacement entre les deux masses au lieu du million de kilomètres de la mission eLisa. Lisa Pathfinder embarque donc un ensemble de tests d'environ 150 kgkg qui contient un interféromètre laser capable de mesurer les variations de distances entre deux masses étalons, en or-platineplatine de haute précision, pesant chacune 1,96 kg.
Une fois placées en orbite autour du premier point de Lagrange, « les deux masses étalons seront libérées par un mécanisme de déverrouillage puis maintenues en position grâce à un faible champ électrostatiqueélectrostatique qui peut être contrôlé avec une grande précision ». Une fois enclenché le mode scientifique de la mission, le champ électrostatique entourant l'une des deux masses sera désactivé. Le satellite obéira dès lors à un système de contrôle d'attitude et de compensation de traînée afin de suivre précisément la masse étalon. L'interféromètre laser et les capteurscapteurs électrostatiques enregistreront le déplacement des masses étalons dans le satellite afin d'éviter que leurs positions ne soient perturbées. L'interféromètre peut mesurer la position relative et l'orientation des deux masses étalons avec une précision inférieure à 0,01 nanomètrenanomètre, soit moins d'un millionième de l'épaisseur d'un cheveu humain.
Le démonstrateur Lisa Pathfinder à la sortie d'une série de tests chez IABG (Allemagne). À gauche, le conteneur climatisé dans lequel il voyagera jusqu'à son site de lancement de Kourou, en Guyane. © Esa, S. Corvaja
L'objectif de la mission est de déterminer tout ce qui contribue à fausser la mesure de distance. « Il est primordial de s'assurer que les déplacements des masses ne soient pas dus au reste du système. » Ce déplacement sera mesuré avec une précision de l'ordre du picomètre par interférométrie laser hétérodyne.
Quant au système de propulsion du module scientifique, « il aura été le point dur du développement du satellite et est en grande partie responsable du retard du programme ». À l'origine, l'idée était d'adapter le principe du moteur électrique de Smart-1. Malheureusement, des complications pendant le développement ont contraint l'équipe à changer de technologie et utiliser le principe de propulsion du satellite Gaiasatellite Gaia. « Cette technologie est une évolution du système de propulsion à gazgaz froid développé et embarqué sur la mission Gaia. Elle a remplacé la technologie Field Emission Electric Propulsion (FEEP) de Smart-1 qui lui permit de rejoindre la LuneLune en 2004, explique Didier Morancais, responsable des ventes Science et Exploration. Elle offre des niveaux de performances jamais atteints et un contrôle et un pointage très précis du satellite sans perturbation mécanique. ». Le système est capable de poussées très faibles (de l'ordre du micronewton) « de façon à corriger les effets des perturbations du vent solairevent solaire afin de suivre une de ses masses inertielles sur une géodésique ».
Les trois satellites du projet eLisa seront lancés en 2034, si la démonstration de Lisa Pathfinder réussit. © Esa
Le projet eLisa en 2034
Si cette démonstration réussit, elle ouvrira donc la voie à eLisa (evolved Laser Interferometer Space AntennaLaser Interferometer Space Antenna). L'architecture de ce projet à plus d'un milliard d'euros n'est pas complètement définie. Elle s'inspirera d'études réalisées dans le cadre de la mission NGO (New Gravitational-wave Observatory), quand la NasaNasa participait au projet avant qu'elle ne se retire en 2011. Par exemple, il reste à déterminer si les trois satellites seront tous reliés par un faisceau laser. « L'Esa n'a pas décidé si les mesures porteront sur deux ou trois faisceaux. »
Les astronomes attendent beaucoup de cette mission car elle a le potentiel de nous révéler des informations inédites sur des domaines méconnus comme l'intérieur des étoiles à neutronsétoiles à neutrons, la physiquephysique des trous noirstrous noirs (notamment quand ils entrent en collision), voire la création de l'univers observable au moment du Big BangBig Bang. De plus, quels phénomènes physiques totalement inattendus ne manqueront pas de détecter eLisa ? Réponse en 2034, date à laquelle le projet devrait être lancé.