Elles se développent très loin de nous dans les nœuds des filaments de matière noire : les jeunes galaxies « monstrueuses », futures géantes elliptiques, affichent un taux de formation d’étoiles cent à mille fois supérieur à celui, actuel, de notre Voie lactée. C'est ce que montrent les observations combinées de trois instruments, en radio et dans le visible.

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    En s'intéressant à la genèse de galaxies géantes et « monstrueuses » durant la tendre enfance de l'univers, une équipe de chercheurs japonais est tombée sur un nid de plusieurs candidats représentatifs. De gros bébés, riches en poussière, au sein desquels le taux de formation d'étoiles est des centaines voire des milliers de fois supérieur à celui constaté à présent dans notre paisible galaxie spirale, la Voie lactée. Ces futures galaxies géantes elliptiques ont été débusquées à quelque 11,5 milliards d'années-lumière de la Terre. Les membres les plus connus de cette catégorie visible aujourd'hui dans l'univers local sont Maffei 1, pour la plus proche, et, bien sûr, Messier 87 (M87M87), qualifié de super-poids lourd avec ses quelque 4.000 milliards de massesmasses solaires !

    Les astrophysiciensastrophysiciens ont identifié cet essaim de jeunes galaxies dans un petit échantillon du ciel nommé SSA22 au sein de la constellationconstellation du Verseau, étudié dans un premier temps dans les longueurs d'ondelongueurs d'onde submillimétriques avec le radiotélescoperadiotélescope de 10 mètres ASTE de la NAOJ (National Astronomical Observatory of Japan). Afin de mieux cerner ces structures, très actives mais obscurcies par des déluges de poussière, l'équipe a bénéficié du réseau de télescopestélescopes Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) de l'Eso, qui a décuplé leur acuité visuelleacuité visuelle. Comparé à ASTE, cet ensemble est en effet 10 fois plus sensible et d'une résolutionrésolution 60 fois supérieure.

    À gauche : une protogalaxie géante observée avec le radiotélescope ASTE de 10 m, au sein de la région SSA22. Au centre : la même région imagée dans les mêmes longueurs d’onde submillimétriques, mais cette fois avec Alma, 10 fois plus sensible et d’une résolution 60 fois supérieure. À droite : le même champ observé dans le visible avec le télescope Subaru. Les protogalaxies « monstrueuses » candidates, obscurcies par la poussière, sont très difficiles à distinguer. © Alma, Eso, NAOJ, NRAO, NAOJ, H. Umehata, <em>The University of Tokyo</em>

    À gauche : une protogalaxie géante observée avec le radiotélescope ASTE de 10 m, au sein de la région SSA22. Au centre : la même région imagée dans les mêmes longueurs d’onde submillimétriques, mais cette fois avec Alma, 10 fois plus sensible et d’une résolution 60 fois supérieure. À droite : le même champ observé dans le visible avec le télescope Subaru. Les protogalaxies « monstrueuses » candidates, obscurcies par la poussière, sont très difficiles à distinguer. © Alma, Eso, NAOJ, NRAO, NAOJ, H. Umehata, The University of Tokyo

    Les fondations d’un « grand mur » de galaxies

    En recoupant leurs observations dans le domaine radio avec celles ciblant la même région dans le visible avec le télescope de 8 mètres Subaru (sur le Mauna Kea, à Hawaï), les chercheurs purent localiser l'amas galactique. L'étude des émissionsémissions Lyman-alpha (Ly-α) autour de cette structure avaient suggéré auparavant l'existence d'un important réseau de filaments de matière noirematière noire. Long de quelque 150 millions d'années-lumière, il est vu par l'équipe comme un précurseur de superstructures de plusieurs centaines de millions d'années-lumière, massivement peuplées de galaxies, nommées « grand murmur », comme celui de CfA2, découvert en 1989 dans la Couronne boréale (en anglais, ComaComa Wall), très impressionnant.

    Comme le prédisent les théories actuelles, ces filaments qui concentrent de la matière noire favoriseraient l'émergenceémergence de grosses galaxies, lesquelles sont le théâtre d'une fiévreuse formation stellaire à l'instar de celles que l'équipe de Hideki Umehata, postdoc à la Japan Society for the Promotion of Science, Yoichi Tamura et Kotaro Kohno, deux collègues de l'université de Tokyo, a épinglé. Bien entendu, ces observations permettent aux astrophysiciens de vérifier cette hypothèse quant à la formation et l'évolution de semblables galaxies. Et, effectivement, nous retrouvons ces progénitures à la croisée de ces sombres filaments.

    Cela marque une étape importante dans la compréhension des relations entre l'énigmatique matière noire et la distribution de ces galaxies. Dans le préambule de l'article publié le 4 décembre dans The Astrophysical Journal Letters (disponible sur Arxiv), les auteurs écrivent : « nos résultats suggèrent que la vigoureuse activité de formation d'étoiles et la croissance de trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs se produisent simultanément dans ces régions très denses, ce qui pourrait correspondre à la phase historique la plus active de la population massive de galaxies trouvées au centre des amas dans l'univers présent ».

    Désormais, l'équipe souhaite pénétrer plus profondément ces réseaux afin de remonter jusqu'aux prémices de la formation de ces grandes structures qui emplissent l'univers observable.