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Le modèle qui explique la formation de la Lune à partir d'un impact entre la Terre et une petite planète de la taille de Mars baptisée Théia a remporté certains succès mais il n'est pas sans conduire à des énigmes, qu'elles soient cosmochimiques ou en rapport avec la mécanique céleste. Il en est une qui intrigue les astronomesastronomes depuis presque 40 ans.
Après cet impact qui a dû se produire moins de 100 millions d'années après le début de la formation de la Terre, un disque d'accrétion s'est formé, d'où a émergé notre Lune en environ un millier d'années. Ce disque devait avoir un rayon inférieur à 10 fois celui de la Terre mais les forces de marée entre les deux corps célestes ont depuis conduit notre satellite à s'éloigner (sa distance actuelle est de 60 rayons terrestres). En agissant sur le disque de matièrematière qui allait former la Lune, ces mêmes forces auraient dû lui imposer rapidement une inclinaison faible, environ 1° tout au plus, par rapport au plan de l'équateuréquateur de notre planète. Une fois formée, la Lune aurait dû conserver cette inclinaison. Or, elle est actuellement d'environ 5°.
Le problème se complique encore lorsque la question est prise par l'autre bout. En remontant dans le passé à partir de la situation actuelle, les équationséquations de la mécanique céleste, toujours à cause des forces de marée, aboutissent à une inclinaison initiale de l'orbiteorbite de la Lune de 10°, donc 10 fois plus importante que ce que prévoit le modèle de l'impact avec Théia.
Une conséquence spectaculaire de ce problème est la rareté des éclipses de Soleil. Du fait de cette inclinaison et de la précessionprécession de l'axe perpendiculaire au plan orbital de la Lune autour de l'axe perpendiculaire au plan de l'écliptiqueplan de l'écliptique (celui de l'orbite de la Terre autour du SoleilSoleil), il ne s'écoule en moyenne que 1,5 an entre deux éclipseséclipses. D'après la théorie standard de l'origine de la Lune, avec une inclinaison de 1°, nous devrions admirer une éclipse de Soleiléclipse de Soleil tous les mois.
Le mathématicien et astronome Alessandro Morbidelli. Il a fait de multiples contributions à la compréhension de la structure et de l'évolution du Système solaire. © Université Nice Sophia Antipolis
Les planétésimaux ont raréfié les éclipses et accumulé l'or
Les astronomes ont bien sûr cherché à résoudre cette énigme. La dernière tentative en date a fait l'objet d'un article publié dans Nature. Elle vient de deux chercheurs de l'observatoire de la Côte d'Azur à Nice, Kaveh Pahlevan, post-doctorant du programme Poincaré, et Alessandro Morbidelli, Directeur de recherche au CNRS, ce dernier (photo ci-dessus) est célèbre pour avoir proposé avec des collègues le fameux modèle de Nice expliquant bon nombre de caractéristiques du Système solaireSystème solaire à partir de migrations planétaires au début de son histoire, il y a des milliards d'années.
Pahlevan et Morbidelli ont étudié l'effet des rencontres entre le tout jeune système Terre-Lune et des planétésimaux, ces petits corps à l'origine de la formation des planètes du Système solaire. Il devait encore en exister un certain nombre environ 50 millions d'années après le début de la formation des planètes. Bien qu'ils aient été peu massifs, l'accumulation de leurs passages près du système Terre-Lune a pu le perturber suffisamment pour modifier l'inclinaison orbitaleorbitale de la Lune. La période la plus efficace pour cela a duré une dizaine de millions d'années après la formation de notre satellite, d'après les simulations numériquessimulations numériques conduites par les deux chercheurs.
Ce modèle est d'autant plus convaincant qu'il est certain que des planétésimaux devaient en effet exister non loin du système Terre-Lune à cette époque et que certains ont dû entrer en collision avec la Terre, terminant le processus d'accrétion qui l'a formée. La preuve de ces impacts vient de la présence en quantités anormales de métauxmétaux comme le platine et l'or dans le manteaumanteau et la croûte terrestrecroûte terrestre. En effet, la différenciation de notre planète s'est produite avant sa collision avec Théia et a conduit à la naissance de son noyau riche en ferfer et en nickelnickel. Or, les lois de la géochimie indiquent que platineplatine et or auraient dû accompagner le fer dans sa migration vers le centre de la Terre. Les métaux précieux que nous exploitons actuellement viennent donc d'un apport ultérieur à cette différenciation, grâce à des petits corps célestes qui ont ajouté environ 1 % de sa massemasse à la Terre après la naissance de la Lune.