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Avec RosettaRosetta et Philae, l'Esa avait l'ambition de mieux comprendre l'origine de l'eau sur Terre et donc aussi l'origine de la vie. Deux exobiologistes britanniques bien connus, Max Wallis de l'université de Cardiff et Chandra Wickramasinghe, laissent entendre que non seulement des micro-organismesmicro-organismes pourraient être présents à la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko mais que Rosetta a fourni des informations indirectes qui permettent de le penser, à défaut de pouvoir le prouver.
En fait, l'idée que des formes de vie pourraient exister sur une comète est un vieux cheval de bataille de Wickramasinghe, qu'il soutient depuis des décennies. Ancien étudiant du grand cosmologiste et astrophysicienastrophysicien Fred Hoyle, dont on fête cette année le centenaire de la naissance, il est comme lui adepte de la panspermie. L'élève et le maître ont soutenu la thèse que la vie était bien trop complexe pour être née sur Terre il y a plus de 3 milliards d'années, par exemple dans la soupe primitive d'Alexander Oparin, rendue célèbre par les expériences de Miller. Une longue évolution l'aurait précédée ailleurs dans l'espace. Il existerait donc selon eux des colonies de micro-organismes provenant d'autres systèmes planétaires à l'état dormantdormant dans les glaces des comètes. C'est lors de bombardements de planètes accueillantes comme la Terre que ces micro-organismes y apporteraient la vie.
Il y a plus de 30 ans, avant les résultats de Kepler, Wickramasinghe pensait déjà qu'il y avait des milliards de systèmes planétaires capables d'abriter la vie, comme il l'expliquait avec Fred Hoyle dans cette vidéo en 1977. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK » © Chandra Wickramasinghe
Des comètes riches en matière organique
Cette théorie est hautement controversée, mais n'oublions pas que Hoyle (décédé en 2001) et Wickramasinghe partageaient une certaine propension à suivre des idées à contre-courant des consensus de la communauté scientifique et qu'à plusieurs reprises, la réalité leur a donné raison. Wickramasinghe, par exemple, avait affirmé il y a des décennies que la matière organique devait être abondante dans les nuagesnuages de poussières et de molécules interstellaires, mais aussi les comètes.
Récemment, ChandraChandra Wickramasinghe a rappelé ces faits d'armes. « Au moment de la première mission spatiale à destination d'une comète (celle de Halley) en 1986 [la mission GiottoGiotto de l'Esa, NDLRNDLR], le point de vue qui prévalait était que les comètes étaient des boules de neige dépourvues de composés organiques [complexes NDLR]. Plusieurs semaines avant la rencontre avec Giotto, le 13 mars 1986, Fred Hoyle et moi-même avions fait la prédiction dans une publication que la surface de la comète apparaîtrait comme plus sombre que le charboncharbon. Dans la nuit du 13 mars, il s'est avéré que notre prédiction a été étonnamment vérifiée lorsque, à la consternation de tous, la comète est apparue si sombre que sa surface était difficilement visible pour les instruments dont on attendait qu'ils prennent en photo un champ de neige. La comète de Halley était bien plus sombre que le charbon le plus noir. L'importance du contenu des comètes en matière organique ne cesse de se confirmer depuis lors. »
Avant 1986 – et la rencontre avec la comète de Halley –, on pensait que les comètes étaient composées de CO2 (dioxyde de carbone) ou de CH4 (méthane). Des missions d’exploration spatiale des comètes furent alors lancées, notamment pour déterminer laquelle de ces deux molécules étaient prédominante. Résultat : aucune des deux ! Les observations suggèrent que les comètes contiennent des composés organiques beaucoup plus évolués, possiblement des acides aminés. Cette découverte remet en cause nos connaissances et justifient une nouvelle mission d’exploration cométaire : la mission Rosetta. © 2015 ARTE G.E.I.E
Une vie qui peut prospérer dans des environnements relativement froids
Alors, faut-il prendre au sérieux les récentes déclarations de Wallis et Wickramasinghe laissant entendre que Rosetta et Philae ont apporté des indications de l'existence de formes de vie sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko ? Pour le savoir, on peut déjà se tourner vers un article des deux chercheurs publié dans le Journal of Astrobiology & Outreach où ils explorent cette question
L'article commence par citer un extrait d'un essai de prospective d'un ami de longue date de Wickramasinghe, le regretté Arthur C. Clarke : « 2061 - Le retour de la comète de Halley et le premier atterrissage d'êtres humains sur son noyau. La découverte sensationnelle à la fois de formes de vie dormantes et actives justifie l'hypothèse centenaire de Hoyle et Wickramasinghe que la vie est omniprésente à travers l'espace ». Mais les deux chercheurs rappellent aussitôt que Philae n'embarque pas d'expériences du type de celles dont disposaient en 1976 les sondes Viking de la NasaNasa pour chercher la vie sur Mars.
Wickramasinghe et ses collègues énumèrent ensuite une série d'arguments pour étayer leur hypothèse. Les observations de Rosetta pourraient permettre de penser que la comète 67P est propice au développement de certaines formes de vie semblables à certains extrêmophilesextrêmophiles que l'on connaît sur Terre et qui prospèrent dans des environnements froids.
La substance de ces arguments se trouve dans un communiqué de la Royal Astronomical Society (RAS) qui rappelle que la surface de 67P est visiblement riche en matériaux organiques complexes formant une croûtecroûte noire recouvrant de la glace. Les images prises par Rosetta montrent des structures qui font penser à des sortes de lacs gelés. Combinées ensemble, ces données pourraient s'interpréter comme les traces laissées par un réveil périodique de formes de vie proliférant temporairement, analogues des alguesalgues, des diatoméesdiatomées ou des champignonschampignons terrestres, laissant des débris organiques quand la température s'élève à mesure que la comète s'approche du SoleilSoleil. Max Willis précise d'ailleurs que selon lui : « Rosetta a déjà montré que la comète ne devait pas être considérée comme un corps très froid et inactif mais qu'elle était le siège de phénomènes géologiques et pourrait se révéler plus hospitalière aux micro-organismes que l'ArctiqueArctique et l'AntarctiqueAntarctique ».
La comète 67P/Churyumov–Gerasimenko vue le 21 Juin 2015 par Rosetta à une distance de 177 km. © Esa/Rosetta/Navcam – CC BY-SA IGO 3.0
Des virus venus de l'espace via la poussière cométaire ?
En supposant que lui et Wickramasinghe aient raison, on peut penser que l'activité de ces formes de vie va augmenter dans les semaines et les mois à venir et que des gazgaz et des molécules qui pourraient être des biosignatures claires seront peut-être observables par les instruments de Rosetta et Philae. Mais on est en droit d'en douter et, pour le moment, rien n'indique que les molécules organiques de 67P soient au moins en partie biogéniques.
En 2013, Wickramasinghe avait défrayé la chronique en affirmant avoir mis en évidence des diatomées dans une météoritemétéorite trouvée au Sri Lanka. Mais comme l'expliquait l'astronomeastronome Phil Plait, en citant notamment le biologiste Patrick Kociolek, tout indique qu'il s'agissait en fait d'une contaminationcontamination récente par des organismes bien terrestres. Selon Phil Plait : « Wickramasinghe est un fervent partisan de la panspermie. Tant et si bien qu'il attribue tout à la vie dans l'espace. Il a dit que la grippegrippe venait de l'espace. Il a dit que le SRASSRAS venait de l'espace. La liste d'affirmations similaires est longue. Wickramasinghe a tendance à sauter sur n'importe quelle occasion pour suggérer, avec peu ou pas de preuves, que la vie est venue de l'espace ».