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Partir en quête d'autres formes de vie dans l'univers présuppose de savoir définir ce que l'on appelle la vie. Cela n'a rien d'évident même si l'on s'accorde en général pour dire que les caractéristiques principales qui, combinées ensemble, font un être vivant, sont l'existence de molécules géantes, l'existence d'une clôture, telle la membrane cellulairemembrane cellulaire, qui isole un milieu intérieur d'un milieu extérieur, lequel milieu intérieur est le siège d'un métabolismemétabolisme qui contient une mémoire moléculaire permettant de transmettre de l'information. En plus court, on demande donc d'un système vivant qu'il soit capable de se nourrir, de se reproduire et de contenir une information qu'il transmet de génération en génération tout en étant capable d'évoluer.
Nous ne connaissons pour le moment que des formes vivantes basées sur les molécules carbonées complexes, à base de lipideslipides, protéinesprotéines, glucidesglucides et surtout utilisant l'ADNADN et l'ARNARN, le tout baignant dans un milieu aqueuxaqueux. Pour autant que nous le sachions, l'eau liquide avec ses propriétés physico-chimiques étonnantes et son caractère de solvant presque universel est essentielle à l'apparition et au développement de la vie. Mais en cherchant des organismes vivants sur Mars, Europe, TitanTitan ou encore des exoterres qui ressembleraient étroitement à ceux que nous connaissons sur Terre, nous risquons d'être aussi ridicules que dans la fameuse histoire où un personnage cherche les clés qu'il a perdues la nuit sous un lampadaire avec pour prétexte que c'est le seul endroit où il a une chance de les retrouver.
Une vie sans eau liquide
Les exobiologistes sont bien conscients de ce problème depuis des décennies et ils tentent d'imaginer des formes de vie exotiqueexotique avec des spéculations faisant partie de ce que l'on pourrait appeler de la biologie théorique. Tout récemment, une équipe de chercheurs a ainsi annoncé avoir étudier la possibilité de l'existence d'une membrane cellulaire azotée qui permettrait à des cellules vivantes d'exister dans les lacs d'hydrocarbures à basse température existants sur Titan. Une autre équipe d'exobiologistes s'est quant à elle intéressée à l'existence de molécules pouvant jouer le rôle de l'ADN et de l'ARN dans ces lacs. Elle a exposé les résultats de ses travaux sur le sujet dans un article paru dans le journal Astrobiology.
Une vue d’artiste d’une hypothétique exolune autour d’une exosaturne réalisée avec le logiciel Celestia. © Wikipédia, DP
Steven Benner et ses collègues sont partis de la constatation que dans les lacs de Titan - très vraisemblablement composés en grande partie d'éthane et de méthane -, selon les observations de la sonde Cassini et les calculs théoriques, des molécules comme l'ARN et l'ADN ne pourraient pas effectuer efficacement la synthèse des protéines. Une des caractéristiques essentielles de ces molécules, qui permettrait leur existence en solution dans l'eau liquideliquide, est la présence d'une charge électrique négative qui se répète périodiquement le long des brins de l'ADN et de l'ARN. Cette solubilité est cruciale pour permettre l'activité de ces biomolécules porteuses de l'information du vivant et surtout qui rendent possible l'évolution darwinienne.
Des polyéthers dans les océans de « Titans tièdes »
Les chercheurs ont donc étudié d'autres macromoléculesmacromolécules organiques qui auraient des propriétés similaires. Aussi, les polyéthers se sont-ils imposés à leurs esprits. Il s'agit de polymèrespolymères dont le squelette macromoléculaire contient des motifs de répétition (tout comme l'ADN et l'ARN), et pourraient donc stocker des informations contenant le groupe étheréther. Rappelons que les éthers-oxydes, appelés aussi plus simplement éthers, sont des composés organiques de formule générale R-O-R', où R et R' sont des groupes alkyles. Ces derniers dérivent des alcanes par la perte d'un atomeatome d'hydrogènehydrogène.
Malheureusement, les polyéthers ne sont pas solubles dans le méthane et l'éthane à des températures d'environ 95 kelvinskelvins que l'on trouve sur Titan. Mais la bonne nouvelle est qu'ils le seraient dans des océans de propanepropane et d'octane, à des températures un peu plus élevées, donc sur des Titans tièdes (warm Titans, en anglais), selon les chercheurs.
De tels mondes n'existent pas dans le Système solaireSystème solaire, mais la diversité des systèmes d'exoplanètesexoplanètes découverts dans la Voie lactée incite à penser que des Titans tièdes, des exolunes autour de géantes, et même pourquoi pas des superterressuperterres couvertes de ces hydrocarbures, puissent exister. Si les exobiologistes ont raison, on pourrait finir par découvrir qu'il faudrait redéfinir la zone d'habitabilitézone d'habitabilité autour d'une étoileétoile relativement à la présence de liquides permettant à des analogues de l'ADN et de l'ARN d'exister. Après tout, Hamlet le disait déjà : « Il y a plus de choses sur la Terre et dans le ciel, Horatio, qu'il n'en est rêvé dans votre philosophie. »