Les satellites Planck et Herschel ont montré de nouvelles et énigmatiques galaxies lointaines, formant d’impressionnantes quantités d’étoiles, et qui semblent en train de se regrouper fortement. Il s'agit peut-être là des amorces des premiers amas, ou « proto-amas », encore jamais observés mais très recherchés. Ils pourraient en effet donner des clés pour mieux comprendre comment se sont formées les grandes structures dans l’univers.

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    La totalité du ciel observé par Planck à 545 GHz, avec en points noirs les candidats au titre de proto-amas identifiés, puis observés par Herschel. © Esa, Planck Collaboration, IAS, CNRS, univ. Paris-Sud

    La totalité du ciel observé par Planck à 545 GHz, avec en points noirs les candidats au titre de proto-amas identifiés, puis observés par Herschel. © Esa, Planck Collaboration, IAS, CNRS, univ. Paris-Sud

    Étudier les époques où la formation d’étoiles dans les galaxies était très intense est un bon moyen de connaître la dynamique et l'évolution des galaxies des grands amas ainsi que les gaz qu'ils contiennent. Par de telles études, il est possible d'apporter de nombreuses contraintes observationnelles. Ces amas très anciens sont aussi une source d'informations cosmologiques précieuses, par exemple sur le contenu baryonique de l'univers, l'agrégation de la masse à grande échelle et la formation des grandes structures mais aussi, pour les temps les plus reculés, l'identification d'éventuelles inhomogénéités primordiales (nommées aussi non-gaussianités primordiales, elles sont les fluctuations quantiques de l'univers naissant prédites par certains modèles cosmologiques). Pour toutes ces raisons, la quête d'amas de galaxies lointains ou de galaxies lointaines amplifiées par effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle est un sujet brûlant de la cosmologie observationnelle. À cette fin, le satellite Planck ,de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa), a le potentiel découvrir ces objets rares sur l'ensemble du ciel et le télescope spatialtélescope spatial Herschel (Esa) peut, quant à lui, parfaitement les examiner en détail.

    Planck a fourni la première image de la totalité du ciel dans les ondes submillimétriques avec la sensibilité requise pour identifier systématiquement les sources à grand redshift (décalage vers le rougedécalage vers le rouge cosmologique) les plus lumineuses. Ces sources peuvent être soit des galaxies gravitationnellement amplifiées, soit le cumul de l'émissionémission d'un ensemble de galaxies, également sièges d'intenses et rapides formations d'étoilesétoiles appelées flambées (plus de 500 fois le taux de formation de notre Galaxie). Dans cette étude, l'équipe internationale dirigée par des astrophysiciensastrophysiciens de l'institut d'AstrophysiqueAstrophysique spatiale, à Orsay (CNRS, université Paris-Sud) et de l'institut de recherche en Astrophysique et planétologie à Toulouse (CNRS, université Paul Sabatier) a découvert que la plupart des candidats PlanckPlanck à grand redshift sont de telles concentrations de galaxies.

    Tout autour de la zone du ciel observé par Planck : quelques images de Herschel, avec les contours de densité de galaxies. © Esa <em>and the Planck Collaboration</em>, H. Dole, D. Guéry, G. Hurier, IAS, université Paris-Sud, CNRS, Cnes

    Tout autour de la zone du ciel observé par Planck : quelques images de Herschel, avec les contours de densité de galaxies. © Esa and the Planck Collaboration, H. Dole, D. Guéry, G. Hurier, IAS, université Paris-Sud, CNRS, Cnes

    Des proto-amas de galaxies très recherchés

    Ces groupes de galaxiesgroupes de galaxies sont prédits par les modèles et devraient se trouver dans les halos de matière noirematière noire les plus massifs qui croissent et se contractent rapidement avec, en leur sein, du gaz et des galaxies. Ils constituent précisément les premiers amas tant recherchés (parfois appelés proto-amas) qui sont une étape intermédiaire, un chaînon manquantchaînon manquant, entre les inhomogénéités quantiques de l'univers primordial et les grandes structures qui forment l'univers contemporain. En effet, ce dernier n'est pas homogène, la matière se concentre dans de grandes structures et les chercheurs pensent que ces irrégularités sont la conséquence des fluctuations quantiques de la matière dans les premiers instants après le Big BangBig Bang.

    Peu d'informations sont disponibles sur ces groupes de galaxies et, avec cette étude, les scientifiques de Planck ont commencé une recherche dédiée et systématique dans les données de la collaboration. Beaucoup de candidats ont d'ailleurs été découverts. Ils ont ensuite fait appel à Herschel qui a observé plus de 200 de ces objets. La résolutionrésolution angulaire du télescope spatial et sa haute sensibilité ont alors permis de dévoiler la nature des candidats à grand redshift identifiés par le satellite. En plus de galaxies gravitationnellement amplifiées, les chercheurs ont pu identifier et caractériser des concentrations de galaxies rouges (haut redshift) potentiellement en train de constituer des amas. Certaines d'entre elles montrent en effet des signes concourants et non équivoques d'agrégation en amas.

    Deux candidats d’amas de galaxies à grand <em>redshift</em> débusqués avec Herschel-Spire. Ces images composites en trois couleurs représentent en bleu l’image à 250 microns de longueur d’onde, en vert 350 microns et en rouge 500 microns. Les contours jaunes représentent l’excès de densité de galaxies, mettant en évidence d’impressionnantes surdensités de galaxies. Le contour blanc représente la zone de détection dans Planck. © Esa <em>and the Planck Collaboration</em>, H. Dole, D. Guéry, G. Hurier, IAS, université Paris-Sud, CNRS, Cnes

    Deux candidats d’amas de galaxies à grand redshift débusqués avec Herschel-Spire. Ces images composites en trois couleurs représentent en bleu l’image à 250 microns de longueur d’onde, en vert 350 microns et en rouge 500 microns. Les contours jaunes représentent l’excès de densité de galaxies, mettant en évidence d’impressionnantes surdensités de galaxies. Le contour blanc représente la zone de détection dans Planck. © Esa and the Planck Collaboration, H. Dole, D. Guéry, G. Hurier, IAS, université Paris-Sud, CNRS, Cnes

    Flambée de formations d’étoiles

    Les chercheurs ont été surpris tantôt par le flux élevé de certaines galaxies, tantôt par la forte concentration angulaire d'autres spécimens. La découverte de tant de galaxies à flambée de formation stellaire si concentrées dans de petites régions du ciel est frappante. Nous pourrions être là témoins d'un épisode mystérieux et manquant dans notre compréhension de la formation des grandes structures cosmologiques : la phase où des galaxies ont formé intensément des étoiles à grand redshift en même temps qu'elles se regroupaient en amas, précurseurs des grands amas actuels.

    En résumé, les astrophysiciens ont découvert que la plupart des candidats Planck à grand redshift sont des concentrations de galaxies formant intensément des étoiles. Plus important encore, de nombreux indices montrent qu'elles pourraient être des amas en train de se former. Cette importante découverte révèle les grandes structures dans leur phase de formation jamais observée auparavant avec autant de détails et sur un si large échantillon. En outre, quelques joyaux sont également détectés dans le reste des données : des galaxies ultras brillantes à haut redshift, amplifiées par effet de lentille gravitationnelle, permettant une étude physiquephysique aussi détaillée de la composition du gaz et de la dynamique que dans les galaxies proches.

    Les premiers résultats signés par la collaboration Planck ont été publiés en ligne le 31 mars 2015 dans un article de la revue Astronomy & Astrophysics. Ce travail a fait l'objet d'un soutien du Cnes, du CNRS, de la région Île-de-France et de l'ANR.