Johann-Dietrich Wörner, le nouveau directeur de l’Agence spatiale européenne (Esa) a relancé le vieux rêve de la colonisation de la Lune en annonçant souhaiter une station lunaire permanente comme successeur de l’ISS, idéalement installée sur la face cachée de notre satellite. Une région que vise également la Chine qui pourrait bien y récupérer des échantillons pour les retourner sur Terre. Deux paris audacieux, que l’on soit européen ou chinois, qui techniquement sont possibles. Mais verront-ils le jour ? Petite revue de l’état d’avancement de la mission chinoise de retour d’échantillons.

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    Une des conséquences du changement politique survenu en Chine -- qui a vu le remplacement de l'équipe dirigeante composée du président Hu Jintao et du Premier ministre Wen Jiabao, par le vice-président Xi Jinping, nouveau numéro un chinois, et par Li Keqiang nommé chef du gouvernement -- est que la communication autour du programme spatial se fait plus discrète qu'auparavant.

    À l'exception des exploits lunaires, « les annonces majeures se font rares », nous confie Philippe Coué, le spécialiste français de la Chine spatiale que nous avons rencontré lors du dernier Salon du Bourget, en juin 2015. Cela pourrait s'expliquer par le retard pris dans le développement des nouveaux lanceurs CZ-5 et CZ-7. Il semblerait que les ingénieurs « rencontrent des difficultés dans la mise au point de la motorisation de ces deux lanceurs. À cela s'ajoute une difficulté inattendue dans le soudage d'éléments de 5 mètres de diamètre du lanceur CZ-7 ». Ces retards ont des répercussions sur d'autres programmes dont ceux liés à l'exploration robotiquerobotique de la Lune et de Mars.

    Le pari du retour d’échantillons lunaires

    Cela étant, malgré ce ralentissement, la Chine avance et « prépare les étapes suivantes de son programme lunaire qui doit l'amener à retourner sur Terre des échantillons lunaires d'ici la fin de cette décennie, voire le début de la prochaine ». Depuis la première mission, Chang'e 1 en octobre 2007, tout le programme est bâti autour de cet objectif de sorte que « chaque mission apporte son lot de compétences nécessaires à ce retour d'échantillons ». Dernière en date : Chang'e 5Chang'e 5, en octobre 2014, a effectué un joli aller-retour autour de la Lune et testé une capsule de rentrée atmosphérique. La sonde est toujours en orbite et utilisée pour réaliser des «  manœuvres préparatoires et se familiariser avec la complexité et la contrainte du pilotage d'une mission de retour d’échantillons ».

    Pour ramener les 2 kgkg prévus, les Chinois ont déjà fait la démonstration de leur capacité à poser et déployer un rover lunaire. Il leur reste juste à « démontrer qu'ils sont capables de redécoller de la Lune puis retrouver l'orbiteur resté en altitude avant d'amorcer le trajet retour ». La manœuvre du rendez-vous spatial a déjà été testée avec Tiangong 1 et des véhicules ShenzhouShenzhou.

    L'idée que ces échantillons soient récupérés sur la face cachée de notre satellite naturel fait son chemin. Techniquement, il n'y a pas d'obstacle « sauf qu'il lui manque un lanceur suffisamment puissant ». Ce qui nous fait penser que la Chine pourrait le réaliser, c'est qu'elle envisage de « lancer un satellite relais autour d'un point de Lagrange, derrière la Lune ». C'est très pratique pour relayer les communications, notamment d'une sonde qui irait se poser sur la face cachée de la Lune. Certes, souligne Philippe Couet, « ce serait une réelle performance et d'un très grand intérêt scientifique, mais sachons raison gardée ».

    Yutu, le <em>« Lapin de jade »</em>, photographié depuis l’atterrisseur Chang'e 3 (décembre 2013). © CNSA

    Yutu, le « Lapin de jade », photographié depuis l’atterrisseur Chang'e 3 (décembre 2013). © CNSA

    Les autres projets spatiaux

    Enfin, on signalera que jusqu'à Chang'e 4, toutes les missions lunaires étaient doublées. Cependant, la Chine apprend vite et « il lui apparait moins nécessaire de rééditer des exploits précédents ». Chang'e 3 qui s'est posé sur la Lune avec le rover « Lapin de Jade » a bien fonctionné malgré des pannes du rover et ne sera pas réédité. Chang'e 4Chang'e 4 sera donc une mission réalisée dans le cadre d'un partenariat public-privé avant la fin de cette décennie. « La chine fournira la plateforme et si elle se dit ouverte à une coopération internationale, celle-ci ne pourra se faire qu'avec une dominante chinoise. » Elle sera lancée par un lanceur Long March 3 et pourrait se diriger sur la face cachée de la Lune.

    Concernant le domaine des vols habitésvols habités, la Chine n'est pas encline à faire de coopérations directes avec d'autres puissances spatiales. Quant à la planète Mars, malgré l'échec de la mission russe Phobos-GruntPhobos-Grunt qui embarquait le petit orbiteur chinois Yinghuo-1, elle ambitionne une mission importante qui prévoit le lancement d'un rover en 2018.