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Sous réserve d'aboutissement positif des dernières analyses de sauvegardesauvegarde, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne s'apprête à donner son feu vert à une série d'expériences inédites qui seront réalisées lors de la rentrée destructive de l'ATV-5 Georges-Lemaître. L'idée « est de préparer au mieux la désorbitation de la Station spatiale internationale et de comprendre comment elle va se désintégrer dans l'atmosphèreatmosphère terrestre », explique Massimo Cislaghi, responsable de la mission ATV-5. Un retour d'expérience qui sera également utile à toutes futures missions de rentrée.
En effet, dans le courant de la décennie 2020, « très vraisemblablement à partir de 2024 », la décision sera prise de désorbiter l'ISS... ce qui ne sera pas une mince affaire. La masse de la Station dépasse les 400 tonnes et avec son envergure de 109 m, elle est aussi vaste qu'un terrain de football. « Personne ne sait exactement comment vont se comporter les modules lors de leur désintégration dans l'atmosphère. »
Pour la désorbiter, il va falloir la freiner pour la faire rentrer dans l'atmosphère terrestre. « C'est déjà un premier challenge car ses propres moteurs ne seront pas suffisants. » Il sera nécessaire d'utiliser par exemple des cargos russes Progress en complément de la motorisation de la Station, « probablement deux pour accumuler autant d'énergie que possible et [plusieurs études sont en cours pour] voir comment coordonner ces deux types de propulsion distincts qui ne pousseront pas selon le même axe ».
L'ATV-5 Georges-Lemaître vu de dessus, avec son mécanisme d'amarrage à l'ISS (photo de gauche) et de dessous, avec une partie des moteurs qui l'équipent (photo de droite). © Esa, S. Corvaja
Vu la masse de la Station, et malgré les cargos Progress, l'énergie produite ne sera vraisemblablement pas suffisante pour un freinage brusque et puissant. La Station sera freinée de façon très douce, ce qui veut dire que le « différentiel entre l'attraction gravitationnelle de la Terre et la force centrifugeforce centrifuge ne sera pas très important, de sorte que la rentrée se fera sur une pente plus ou moins douce et non pas raide comme c'est le cas avec les quatre premiers ATV par exemple ». Résultat, les débris qui atteindront l'océan tomberont sur une surface plus étendue que d'habitude. Reste à savoir quel sera leur comportement quand ils traverseront l'atmosphère entre 120 et 90 kilomètres d'altitude, « une couche atmosphérique difficile à modéliser mathématiquement ».
Donc, pour permettre à la NasaNasa de prévoir et valider les « modèles mathématiques qui seront utilisés pour simuler autant que faire se peut la rentrée de l'ISS », les partenaires du programme ont demandé à l'Agence spatiale européenne de modifier la trajectoire de rentrée atmosphérique de l'ATV-5 de façon à la « rendre la plus similaire possible à celle attendue de la Station ». Bien que très importante, la masse de l'ATV-5 (13 à 14 tonnes prévues pour son retour) est trente fois plus faible que celle de l'ISS. Mais « il y a plusieurs raisons de penser que, dès sa rentrée, on pourra obtenir des informations très importantes sur la façon dont se comportera l'ISS ». Ainsi, sa forme cylindrique s'apparente à celle des grands modules de l'ISS. Et ses panneaux solaires sont dans une configuration similaire à celle qui se trouve sur les modules du segment russe de l'ISS. « Le choix de l'ATV n'est donc pas anodin. »
Une rentrée à haut risque mais sous contrôle
Les quatre ATV précédents ont tous effectué une rentrée atmosphérique très raide pour minimiser la surface d'impact au sol sur laquelle tombent les débris non détruits. Environ 10 % de la masse de l'ATV résiste en effet à la traversée. Pour l'ATV-5, « l'idée est de le freiner doucement pour simuler la rentrée de l'ISS mais pas trop tout de même afin que les débris non détruits ne tombent sur l'Amérique du Sud ou la Nouvelle-Zélande ». Concrètement, sa vitessevitesse de rentrée, avant le début de la fragmentation, sera d'environ 7,5 kilomètres par seconde avec un angle de rentrée d'environ 0,6 degré. Quant à la longueur maximum de la zone d'impact au sol, elle est difficile à définir car très dépendante des hypothèses de calcul. « Toutefois on s'attend à ce qu'elle s'étire sur 4.000 à 4.500 km. »
La rentrée de l'ATV-5 est prévue le 27 février avec un backup possible le lendemain. Cette date a été choisie pour « que la valeur scientifique de la rentrée atteigne son maximum et que les conditions d'illumination soient particulièrement favorables ». Autres contraintes : les manœuvres de désorbitation doivent se dérouler à des endroits précis au-dessus de la Terre et la partie finale de la rentrée, notamment pendant la traversée de la couche située entre 120 et 90 km, doit se dérouler de nuit et si possible en absence de LuneLune pour optimiser le contrastecontraste.
Pour des raisons pratiques, l'ATV-5 se séparera de la station le 14 février afin de laisser sa place à un cargo Progress attendu le 17 février. D'ici au 27 février, il se « positionnera à l'avant de la Station, à quelques milliers de kilomètres et à la même altitude ».
La procédure de désorbitation de l'ATV-5 sera standard. À partir d'une orbiteorbite elliptique avec un périgéepérigée d'altitude entre 220 et 225 km, on effectuera « une semi-rotation pour mettre l'engin dans le sens contraire de la marche suivie de deux allumages de ses moteurs ». Seule différence, « l'ampleur du dernier boost de désorbitation (freinage), environ 47 m/s, sera plus courte que d'habitude ». Cela amènera l'ATV sur une pente avec un « périgée à vide égal à 75 km [périgée théorique, qui serait réel s'il n'y avait pas d'atmosphère, NDLRNDLR], qui est celui estimé de l'ISS pour sa rentrée future », contre un périgée à vide égal à 0 km pour les ATV précédents. La zone théorique d'impact des fragments résiduels d'ATV-5 sera donc plus étendue qu'avant.
La rentrée destructive de l'ATV-4 Albert Einstein, vue depuis la Station spatiale en novembre 2013. © Nasa
En conséquence, la position de l'ATV-5 a été calculée afin « d'éviter tout risque de chute accidentelle de débris sur des zones habitées ou des eaux territoriales ». Ainsi, si la duréedurée de ce second boost devait être plus courte ou plus longue que prévue, la pente de rentrée serait différente. Mais dans les deux cas, « un boost moins long doit éviter d'impacter les côtes d'Amérique du Sud et l'île de Pâques et, dans le cas d'un allumage plus long, le but est d'éviter la Nouvelle-Zélande et des îles, certes inhabitées, mais dont certaines sont des réserves naturelles ».
Une destruction enregistrée en direct
Deux instruments, un de l'Esa et un autre de la Nasa, seront installés à l'intérieur de l'ATV-5 par l'équipage de l'ISS, quelques jours avant son départ. Ils seront utilisés pour acquérir des « mesures de température et de vibrationsvibrations acoustiques, et des images de la rentrée, en particulier lors de la fragmentation de l'ATV-5 ». Les données seront relayées au sol via la constellationconstellation de satellites IridiumIridium de façon à les « récupérer avant que les instruments soient eux-mêmes détruits pendant la rentrée ». À l'origine, trois instruments étaient prévus. Mais celui fourni par la Jaxa a été perdu lors de l'explosion du lanceurlanceur Antares qui transportait le cargo Cygnus.
L'équipage à bord de la Station sera également mis à contribution et « enregistrera un certain nombre de paramètres, visuels et non ». L'ISS sera positionnée au-dessus de l'ATV-5 lorsqu'il traversera cette couche de 120 à 90 km. Enfin, un DC-8 de la Nasa sera de la partie. Affrété par l'Esa, il embarquera une série d'instruments gérés par un pool scientifique européen qui partagera les données avec la Nasa. Lors de la première rentrée atmosphérique d'un ATV, l'Esa avait déjà utilisé cet avion pour s'assurer que les « rentrées futures des ATV suivants se dérouleraient bien ».
Des observations depuis le sol de la trajectoire de rentrée de l'ATV-5, et de la fragmentation des débris seront également réalisées par des universités et des institutions australiennes, néo-zélandaises et britanniques.
En conclusion, en comptabilisant les données acquises à bord de l'ATV, de l'ISS, du DC-8 de la Nasa et depuis le sol, on s'attend à une « quantité énorme de données en tout genre à utiliser pour valider les modèles mathématiques qui s'appliqueront à la rentrée de la Station spatiale internationale ».