au sommaire
PSR J0540-6919 est exceptionnel à plus d'un titre : c'est à la fois le premier pulsar gamma détecté dans une autre galaxie et celui qui émet le plus de rayons gamma (le rayonnement gamma observé par le Large Area Telescope de Fermi est un milliard de fois plus énergétique que la lumière visible). Il est aussi remarquablement jeune : environ mille ans, alors que la plupart des pulsars connus sont âgés d'au moins dix mille ans et jusqu'à des centaines de millions d'années.
Les pulsars, ce sont ces étoiles à neutrons qui « clignotent » tels des phares, vestiges de certaines étoiles massives après leur explosion en supernovasupernova. La rotation rapide de ces astresastres dotés d'un fort champ magnétiquechamp magnétique induit la création de rayonnements, par des mécanismes encore mal compris. Les faisceaux d'ondes radio, de lumière visible, de rayons Xrayons X ou encore de rayons gamma des pulsars sont repérés par les télescopestélescopes de manière périodique quand ils passent dans le champ de vue de l'instrument, à la faveur de la rotation de l'étoile. On connaît plus de 2.500 pulsars, débusqués principalement en ondes radio par des radiotélescopesradiotélescopes au sol. Certains pulsars émettent également des rayons gamma et le Large Area Telescope à bord du satellite Fermi de la NasaNasa en a découvert 160, dans notre galaxie ou dans des amas globulairesamas globulaires proches. Aujourd'hui, pour la première fois, cet instrument a permis de découvrir des signaux gamma provenant d'un pulsar appartenant à une autre galaxie : le Grand Nuage de Magellan, une galaxie nainegalaxie naine satellite de la Voie lactéeVoie lactée.
À gauche, intensité du rayonnement gamma dans une région de 10 degrés de côté comprenant le Grand Nuage de Magellan. Un agrandissement de la zone entourée de bleu est représenté dans la carte de droite, où l’on distingue deux sources d’émission gamma coïncidant avec des pulsars. © Fermi LAT collaboration
Un pulsar gamma 20 fois plus lumineux que celui du Crabe
Il a fallu pour cela cumuler les données acquises pendant 75 mois depuis la mise en service du satellite, en 2008. En effet, le signal venu d'une région située à quelque 163.000 années-lumièreannées-lumière est faible : il faut collecter suffisamment de photonsphotons pour le reconstituer, puis les classer par ordre d'arrivée pour déterminer si la luminositéluminosité varie. Une émissionémission gamma a ainsi été détectée en provenance de PSR J0540- 6919, un pulsar qui avait déjà été observé en ondes radio, en lumière visible et en rayons X. Et ce signal présente des pulsations toutes les 50 millisecondes, exactement la période de rotationpériode de rotation de l'étoile ! Cela prouve de manière incontestable que cet objet en est la source.
PSR J0540-6919 devient ainsi le premier pulsar gamma extragalactique connu. La détection d'un pulsar situé à une telle distance a aussi été rendue possible par son extraordinaire puissance : sa rotation rapide libère une puissance supérieure à 1031 wattswatts, soit presque 100.000 fois la luminosité du SoleilSoleil. Dans le domaine gamma, PSR J0540-6919 est le pulsar gamma le plus brillant connu à ce jour, 20 fois plus lumineux que le pulsar du Crabe, pourtant le plus lumineux en rayons gamma connu jusqu'alors. Les rayons gamma constituant l'essentiel du rayonnement des jeunes pulsars puissants, ces nouvelles observations devraient permettre d'en apprendre plus sur les mécanismes à l'œuvre dans leur magnétosphèremagnétosphère, à l'origine des rayonnements de haute énergieénergie.
Zoom sur PSR J0540-6919 (20 rotations par seconde), premier pulsar gamma détecté dans une autre galaxie, en l’occurrence près de la nébuleuse de la Tarentule dans le Grand Nuage de Magellan, à 163.000 années-lumière. © Nasa, GSFC
En attendant, ces observations posent une autre question... sur les rayons cosmiquesrayons cosmiques. PSR J0540-6919 est situé dans la nébuleuse de la Tarentule, une région du Grand Nuage de MagellanGrand Nuage de Magellan très riche en étoiles massives, et on pensait jusqu'ici que l'essentiel de son rayonnement gamma provenait des rayons cosmiques accélérés par l'explosion de ces étoiles massives, et non des pulsars. Une énigme de plus pour les scientifiques, qui devront comprendre pourquoi la contribution des rayons cosmiques est bien plus faible que prévu.
Cette découverte, associant deux chercheurs du Laboratoire de physiquephysique et chimiechimie de l'environnement et de l'espace (CNRS, université d'Orléans) et de l'Institut de recherche en astrophysiqueastrophysique et planétologie (CNRS, université Toulouse III - Paul Sabatier) avec un collègue américain de la Nasa au sein d'une collaboration internationale, a été réalisée grâce au satellite Fermi. Elle a fait l'objet d'une publication dans la revue Science le 13 novembre 2015.