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Il n'est probablement pas exagéré de dire que la théorie classique des trous noirs, c'est-à-dire dans le cadre unique des équations de la relativité générale, a pris sa forme définitive vers la fin des années 1970. Cela ne veut pas dire que toutes les implications de la théorie des trous noirs dans le cadre de l'astrophysique ou de la cosmologie ont été déterminées, bien au contraire.
Mais les principaux théorèmes spécifiant, dans le cadre de la théorie d'EinsteinEinstein, ce que sont les trous noirs et quelles sont leurs propriétés ont vraisemblablement été tous découverts. On sait ainsi que tous les trous noirs sont exactement définis par trois paramètres : la masse, le moment cinétiquemoment cinétique et éventuellement des charges électriques et magnétiques.
Les trous noirs sont parmi les objets les plus opaques de l'univers. Heureusement, ils sont aussi parmi les plus attractifs, et c'est par leur pouvoir d'attraction démesuré que nous pouvons les détecter. Les trous noirs géants sont les ogres les plus monstrueux du zoo cosmique, mais ils ne sont pas des armes de destruction massive. Les jets de matière qu'ils éjectent auraient contribué à allumer les premières étoiles et à former les premières galaxies. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTube
Les trous noirs en rotation et la solution de Kerr
On n'a pas encore découvert de monopôles magnétiques et l'on sait que des trous noirs chargés perdent leur charge très rapidement. C'est pourquoi tous les phénomènes astrophysiques faisant intervenir des trous noirs reposent sur l'utilisation d'une famille de solutions des équations d'Einstein découverte dans les années 1960 par Roy Kerr. Les charges électriques et magnétiques sont posées égales à zéro dans cette solution. Elle décrit un trou noir en rotation lorsque le moment cinétique n'est pas nul, et le fameux trou noir de Schwarzschild lorsque l'astreastre compact n'est pas en rotation.
Désormais, on sait qu'il y a des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs au cœur de presque toutes les galaxiesgalaxies. Ils sont vraisemblablement en rotation et donc décrits par une solution de Kerr. Ces trous noirs permettent d'expliquer l'extraordinaire rayonnement des quasarsquasars et blazars. On croit savoir que la masse de ces trous noirs géants est proportionnelle à celle de leur galaxie hôte, ce qui suggère un lien évolutif.
D'année en année, d'Integral à Nustar, la résolution des observations dans le domaine des rayons X a augmenté. C'est ce que l'on voit avec les cercles surimposés à une image de NGC 1365 prise dans le domaine des ultraviolets. © Nasa
Des modèles départagés par un spectre de rayons X
Puisque la solution de Kerr est complètement déterminée par une masse et un moment cinétique, peser ces trous noirs et estimer précisément leur vitesse de rotationvitesse de rotation permet de faire reposer sur un socle ferme tous les calculs astrophysiques, et même cosmologiques, concernant les relations entre l'évolution des galaxies et celle des trous noirs supermassifs.
On a tenté de le faire à plusieurs reprises, mais les mesures obtenues laissaient quelque peu à désirer. Toutefois, un article récemment publié dans Nature par un groupe d'astrophysiciensastrophysiciens rapporte la première mesure précise et solidesolide de la vitesse de rotation d'un trou noir supermassif. Il s'agit de celui se trouvant au cœur d'une galaxie bien connue, NGC 1365. C'est une galaxie spirale barréegalaxie spirale barrée située à environ 55,8 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée, dans la constellationconstellation du Fourneau. Pour réussir cet exploit, les chercheurs se sont basés sur des observations dans le domaine des rayons Xrayons X faites avec les instruments de Nustar et XMM-Newton.
Sur ces schémas, on voit différentes hypothèses concernant la valeur de la vitesse de rotation d'un trou noir de Kerr et son sens par rapport à celui de la matière dans le disque d'accrétion qui l’entoure. Selon ces caractéristiques, on prédit un spectre d'émission en rayons X donné. Différents spectres sont visibles à droite, avec en ordonnée la luminosité et en abscisse l'énergie (donc la fréquence). Au centre, on voit le cas d'un trou noir sans rotation. En haut, un trou noir en rotation dans le sens contraire de son disque (retrograde rotation) et en bas, dans le même sens (prograde rotation). La distance minimale pour une orbite stable est plus faible dans ce dernier cas, ce qui veut dire que le disque d'accrétion est proche de l'horizon du trou noir si la vitesse de rotation de celui-ci est grande. © Nasa
La méthode repose sur la forme du spectrespectre des émissionsémissions en rayons X des atomesatomes de ferfer dans le disque d'accrétiondisque d'accrétion entourant un trou noir de Kerrtrou noir de Kerr. Ce spectre peut être déformé par deux choses, le passage du rayonnement X à travers le disque de matièrematière et les effets relativistes du trou noir en rotation sur la matière proche de son horizon. Jusqu'à maintenant, il était difficile de savoir avec certitude si les observations le concernant étaient mieux décrites par le premier effet ou par le second.
Dans la seconde hypothèse, on pouvait s'en servir pour déterminer la vitesse de rotation du trou noir. En effet, plus celle-ci est rapide, plus la matière pouvait rester relativement stable près de son horizon, dans un disque d'accrétion. Cela avait, là aussi, des répercussions mesurables sur la forme du spectre des émissions X des atomes de fer.
Sur ces deux schémas, on a illustré le fait que le spectre en rayons X des émissions des atomes de fer dans le disque d'accrétion autour d'un trou noir était différent selon que l'on considère qu'il est déformé principalement par des effets relativistes (en haut) ou par l'absorption de la matière présente dans le disque. On sait maintenant que la première hypothèse était la bonne. © Nasa
Une clé de l'histoire des galaxies
En combinant les observations de Nustar et XMM-NewtonXMM-Newton sur différentes parties du spectre des émissions X, il a finalement été possible de départager les différents scénarios. Il est apparu que le trou noir supermassif de NGCNGC 1365 était presque un trou noir de Kerr extrême, comme on le pensait dans le cas d'autres trous noirs en rotation. C'est-à-dire que des vitesses associées à sa rotation sur lui-même étaient proches de celle de la lumière.
Il s'agit d'une information importante, car la valeur de cette vitesse de rotation renseigne sur l'histoire de la formation d'un trou noir de Kerr. Si sa croissance est due à l'engloutissement aléatoire de portions de matière venant de directions différentes, cela ne devrait pas conduire une augmentation de son moment cinétique. Sa vitesse de rotation devrait donc être faible. S'il se confirme que ce n'est pas le cas, comme on le soupçonne, avec bien d'autres trous noirs supermassifs, on a probablement ouvert une nouvelle fenêtrefenêtre sur l'histoire des galaxies. Il se pourrait aussi que l'étude de ces trous noirs presque extrêmes apporte des renseignements sur la théorie des supercordes.