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L'objet le plus froid connu au-delà de notre Système solaire n'est pas très loin : 7,2 années-lumière. Son nom est Wise 0855 (ou W0855) et c'est une naine brune. Un astre au statut ambigu : ni tout à fait une étoile -- il n'a pas engrangé suffisamment de gaz dans la nébuleusenébuleuse où il est né pour que, grâce aux réactions thermonucléaires, il brille comme un soleilsoleil --, ni tout à fait une planète -- il est cinq fois plus massif que notre JupiterJupiter.
Bien qu'elle soit la quatrième étoile la plus proche du Soleil, Wise 0855 est totalement invisible à l'œilœil nu. Elle est d'ailleurs une lueur si faible et pâle qu'elle ne fut découverte qu'en 2014, dans l'infrarougeinfrarouge, avec le satellite Wise (Wide-field Infrared Survey Explorer). Réputé très difficile à observer, l'astre ne manque cependant pas d'intérêt. « Wise 0855 est notre première occasion d'étudier un objet extrasolaireextrasolaire de massemasse planétaire qui est presque aussi froid que nos géantes gazeusesgéantes gazeuses » témoigne son codécouvreur Andrew Skemer, qui a constitué une équipe il y a quelques mois pour tenter de connaître la composition et la dynamique de son épaisse atmosphèreatmosphère.
Ce n'est toutefois pas évident depuis le sol terrestre, rappelle le professeur d'astronomie et d'astrophysiqueastrophysique à l'université de Californie à Santa Cruz, « Wise 0855 est cinq fois plus faible que tout autre objet détecté depuis le sol à cette longueur d'ondelongueur d'onde ». D'ailleurs, « tout le monde dans l'équipe a cru que nous étions en train de rêver en imaginant que nous pourrions obtenir un spectrespectre de cette naine brune à cause de son éclat thermique si faible ». En fait, beaucoup pensaient qu'il faudrait attendre le lancement du télescope spatialtélescope spatial James Webb, en 2018, pour espérer pouvoir disséquer la pâle lueur de cette étoile.
Les chercheurs ont relevé le défi et sont parvenus à leurs fins -- dans une fenêtrefenêtre étroite autour de 5 micronsmicrons -- en poussant à ses limites le télescope de 8 mètres de diamètre Gemini North, installé sur le Mauna Kea à Hawaï, équipé du spectrographespectrographe dans le proche infrarouge GNIRS (Gemini Near-InfraRed Spectrograph). « Le résultat est spectaculaire » s'enthousiasme Jacqueline Faherty, de l'institut Carnegie, co-auteure de l'étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters (disponible sur arXiv).
Découverte en 2014 par Kevin Luhman et son équipe, Wise 0855 est la naine brune la plus froide connue. Des indices suggéraient déjà la présence de nuages d’eau. À présent, les chercheurs qui ont étudié son spectre en sont convaincus. © Robert Hurt, JPL, Janella Williams, université de Pennsylvanie
Cette naine brune ressemble à Jupiter
Après 13 nuits et 14 heures d'observations cumulées, la naine brune a livré quelques-uns de ses secrets. Ce corps aussi froid que le pôle Nord possède de l'eau. Sous forme de glace ou bien de nuagesnuages ? Pour les chercheurs, tout indique que la seconde option est la bonne. « Notre spectre montre que Wise 0855 est dominée par la vapeur d'eau et les nuages, avec une apparence globale qui est étonnamment similaire à Jupiter. »
Avec les différents modèles atmosphériques disponibles pour un tel astre à une température de -23 °C, les chercheurs ont pu consulter un large choix de spectres, selon différentes hypothèses, par exemple, avec nuages de vapeur d'eau et sans. Celui, en haute résolutionrésolution, qu'ils ont patiemment collecté à Gemini North suggère la présence de ces nuages. C'est une première.
C'est un point commun avec notre géante Jupiter (autour de laquelle gravite désormais la sonde Juno). Leurs spectres respectifs sont « étonnamment similaires » quant aux caractéristiques d'absorptionabsorption de l'eau. À la différence toutefois, souligne l'équipe, que leur teneur en phosphine (PH3) n'est pas la même. En effet, l'absence d'une signature forte de ce gaz dans celui de Wise 0855 laisse entendre que son atmosphère est moins turbulente que celle de Jupiter. Créée à l'intérieur plus chaud de la géante, cette moléculemolécule réagit avec d'autres éléments dans les parties externes, plus froides. « Le spectre nous permet d'enquêter sur les propriétés dynamiques et chimiques qui ont longtemps été étudiées dans l'atmosphère de Jupiter, précise l'auteur principal, mais cette fois c'est pour un monde extrasolaire. »