Très intéressée par les toutes premières étapes de la naissance des étoiles, une équipe d’astrophysiciens a réalisé la plus grande et ambitieuse campagne de sondage des nuages moléculaires les plus denses de la Voie lactée. Plus de 6.000 régions ont été cartographiées grâce aux observations menées dans les longueurs d’onde radio, avec le télescope submillimétrique de l’observatoire radio de l’Arizona.

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    Plus gros que toutes les planètes qui gravitent autour de lui, notre Soleil est une étoile ordinaire de la galaxie. Une parmi des dizaines de milliards. À l'œilœil nu et dans d'excellentes conditions (c'est-à-dire des sites préservés de toute pollution lumineuse), vous ne pourrez jamais, hélas, compter plus de 3.000 étoiles. Ce qui est, bien sûr, très loin de la réalité.

    Pour s'en convaincre, il suffit de parcourir des photographiesphotographies de ce que nous nommons la Voie lactée. Vue ainsi de l'intérieur, par la tranche, notre galaxie dévoile ses reliefs bigarrés et ponctués de nuagesnuages obscurs. On pense à des trouées dans la frondaison de lumière. On imagine des vides, et pourtant c'est le contraire : le milieu déborde de matière. Bien qu'elle soit opaque et discrète, les astronomesastronomes savent la faire parler en observant dans les longueurs d'onde infrarougeinfrarouge et radio. Et que murmure-t-elle ?

    Illustration de notre galaxie la Voie lactée. © Nick Risinger

    Illustration de notre galaxie la Voie lactée. © Nick Risinger

    Au cœur des ténèbres de notre galaxie

    Aussi obscurs et froids qu'ils paraissent, ces nuages constitués de poussières et de gazgaz rayonnent. Pourvu que la température soit légèrement supérieure au zéro absoluzéro absolu et il devient possible de discerner ce qui se trame dans les grandes longueurs d’onde comme le rayonnement radio (environ un million de fois plus grandes que celles du rayonnement visible).

    Animée par la volonté de comprendre les différentes étapes de la naissance des étoiles, une équipe d'astrophysiciensastrophysiciens, menée par le professeur Yancy Shirley de l'observatoire Steward à l'université de l'Arizona, a procédé au plus important sondage jamais réalisé de ces régions très denses, enfermées dans le plan de la galaxie. Pas moins de 6.000 nuages ont ainsi été catalogués grâce à cette campagne d'observation réalisée avec le télescope submillimétrique (SMT) de l'observatoire radio de l’Arizona (Aro) doté d'un nouveau récepteur. De quoi dresser une ambitieuse carte de la distribution de ces régions en apparence quelconques.

    À l'arrière-plan, une illustration de notre galaxie comme si nous la survolions. Un calque avec les positions de plusieurs nuages sombres cartographiés par l'équipe du professeur Shirley apparaît au premier plan. La plupart des futurs amas d'étoiles en bourgeonnement se situent dans le plan de la galaxie. © Illustration, R. Hurt ; données astrophysiques, Nasa, JPL-Caltech, SSC

    À l'arrière-plan, une illustration de notre galaxie comme si nous la survolions. Un calque avec les positions de plusieurs nuages sombres cartographiés par l'équipe du professeur Shirley apparaît au premier plan. La plupart des futurs amas d'étoiles en bourgeonnement se situent dans le plan de la galaxie. © Illustration, R. Hurt ; données astrophysiques, Nasa, JPL-Caltech, SSC

    Dans les coulisses de la création stellaire

    Nichés dans ces ténèbres denses et froides, des embryonsembryons de matière réchauffent tout doucement leur environnement. Peu à peu, des agrégats se distinguent, tissant lentement les coconscocons. « Pour la première fois, nous avons vu la phase la plus précoce de la formation d'une étoile », raconte le professeur Shirley, rappelant au passage le manque de recherche dans ce domaine depuis 30 à 40 ans. « Toutes les célèbres et grandes régions de formation stellaire dans notre galaxie ont été étudiées dans les moindres détails, a-t-il ajouté, mais nous savons encore très peu de choses sur ce qui se passe avant que les protoétoilesprotoétoiles ne se forment. »

    Dans son article publié dans The Astrophysical Journal, le chercheur estime que le taux moyen de formation d'étoiles dans notre galaxie était beaucoup plus élevé autrefois. Il serait à présent descendu à une massemasse solaire par an, au regard de cette cartographie des nuages en gestationgestation. Pour évaluer à peu près le temps que met une étoile pour éclore, l'auteur explique qu'ils espèrent être en mesure de le calculer en comparant le nombre de sources qui sont dans une phase primitive à celui dans une phase plus tardive. « Le ratio entre les deux indique combien de temps dure chaque étape. Dans notre sondage, il semble qu'il y a moins de régions qui n'ont pas encore commencé à former des étoiles, que de zones l'ayant déjà fait, ce qui montre que la phase primitive doit être plus courte. Si cette phase avait duré plus longtemps, il devrait y avoir beaucoup plus de cas. »

    Cette étude du paysage galactique nous immisce dans les recoins les plus intimes de la Voie lactéeVoie lactée, à la recherche des premières briques de matière, aussi froide soit-elle. Pas à pas, les astronomes identifient le lent processus de la création stellaire.