au sommaire
Notre connaissance des astéroïdes vient de faire un bond grâce aux travaux de Benoît Carry de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE, observatoire de Paris, CNRS, université Pierre et Marie CurieMarie Curie, université de Lille 1) et de Francesca DeMeo du Department of Earth, Atmospheric and Planetary Sciences au célèbre MIT. Les deux astronomesastronomes ont bénéficié d'une retombée inattendue du Sloan DigitalDigital Sky Survey (SDSS). Mené depuis l'an 2000 en utilisant un télescope optique de 2,5 mètres de diamètre situé à l'observatoire d'ApacheApache Point, aux États-Unis, le SDSS a surtout pour but de dresser une carte en 3D des galaxies et des quasars autour de la Voie lactée et de mesurer leurs décalages spectraux. Ces observations permettent, en cosmologie, de tester des modèles d'universunivers comportant de la matière noirematière noire et de l'énergie noire, notamment avec le BaryonBaryon Oscillation Spectroscopic Survey (Boss).
Mais comme DeMeo et Carry viennent de le montrer dans un article publié dans la revue Nature, les données collectées avec SDSS concernent aussi la cosmogonie car elles fournissent des clés pour comprendre la formation du Système solaireSystème solaire. En effet, parmi les spectresspectres mesurés sur plus de 100.000 clichés des étoilesétoiles et des galaxies du ciel boréal, certaines appartiennent aux astéroïdesastéroïdes de la ceinture principale, entre Mars et JupiterJupiter.
Une ceinture d'astéroïdes à l'histoire complexe
Cette ceinture d’astéroïdes est composée de millions, voire de milliards, de blocs rocheux, des débris laissés par la formation du Système solaire, ainsi que de poussières. On a pensé un temps qu'il pouvait s'agir des restes d'une petite planètepetite planète détruite par une collision. Cette hypothèse a commencé à être abandonnée lorsqu'on s'est rendu compte que la massemasse totale des corps présents était de l'ordre d'environ un millième de celle de la Terre. Aujourd'hui, on comprend que les perturbations gravitationnelles, notamment des résonancesrésonances avec Jupiter, ne favorisaient pas la formation de planètes par accrétionaccrétion dans cette région du Système solaire. Elle contient toutefois une planète naineplanète naine, Cérès.
Les premiers modèles de formation du Système solaire nourris des données collectées par la conquête spatiale prédisaient un gradientgradient chimique reflétant un gradient thermique dans la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes. Les corps les plus proches du SoleilSoleil devaient s'être formés dans un environnement plus chaud et moins riche en éléments et composés légers et volatils, comme l'eau, que les corps les plus lointains. On en déduisait aussi que plus on s'éloignait du Soleil, plus on devait trouver des corps considérés comme primitifs, peu différenciés et ressemblant par leur composition aux chondrites carbonées, les fameuses météoritesmétéorites que l'on trouve sur Terre. Ces corps étaient donc représentatifs d'environnements de formation considérés comme froids.
Les données du Sloan Digital Sky Survey sont venues complètement chambouler ce schéma en permettant de déterminer la composition chimique de surface de 100.000 astéroïdes de taille supérieure à cinq kilomètres ainsi que leur répartition en fonction de cette composition dans la ceinture. Si les astéroïdes dont le diamètre est supérieur à 50 km se répartissent bien selon les prédictions des modèles cosmogoniques antérieurs aux années 2000, ce n'est plus le cas pour les plus petits, en particulier ceux dont la taille est comprise entre 5 et 20 km.
Migrations répétées de Jupiter
La ceinture d'astéroïdes nous apparaît maintenant comme très diversifiée, avec à proximité de Mars des objets que l'on s'attendrait plutôt à trouver au-delà de l'orbiteorbite de Jupiter par exemple. La nouvelle carte de répartition des astéroïdes dans la ceinture principale en fonction de leur taille et de leur composition chimique semble accréditer le fameux modèle de Nicemodèle de Nice. Celui-ci suppose qu'au début de l'histoire du Système solaire, il y a environ 3,9 milliards d'années, les planètes géantesplanètes géantes, en particulier Jupiter et SaturneSaturne, auraient migré en s'éloignant du Soleil, ce qui aurait causé un grand chamboulement dans les orbites des astéroïdes et des comètescomètes.
On pense aussi que cette nouvelle vision de la ceinture d'astéroïdes donne du poids à ce qu'on appelle le Grand Tack, qui suppose l'existence de deux migrations planétaires. La première aurait rapproché Jupiter du Soleil avant celle du modèle de Nice voilà environ 4,5 milliards d'années, repoussant les astéroïdes vers les régions internes du Système solaire jusqu'à ce que Jupiter occupe la position actuelle de Mars. L'influence de Saturne, qui avait aussi migré, aurait ensuite fait à nouveau s'éloigner Jupiter.
Il semble que l'on s'approche d'une image très dynamique de l'évolution primitive du Système solaire, avec des migrations planétaires importantes rappelant celles que l'on déduit des nombreuses observations de Jupiter chaudes dans la Voie lactée. Toutefois, il reste encore des zones d'ombres, car la nouvelle cartographie de la ceinture d'astéroïdes pose aussi des défis que même les modèles de Nice et du Grand Tack ne sont pas encore en mesure de résoudre.