Des astronomes ont découvert des amas stellaires cachés par les poussières du centre de la Voie lactée et enveloppés de nuages moléculaires. Ces amas seraient des lieux de naissance de trous noirs intermédiaires, destinés à être engloutis un jour par le trou noir supermassif central.

On sait qu'un trou noir galactique supermassif, observé sous la source intense d'ondes radio Sagittarius A*, est au centre de la Voie lactée. On pense même qu'il dévore, tous les jours, des astéroïdes mais, attention, un nuage de gaz fonce en direction de son horizon des événements. Le spectacle de son agonie passionnera certainement les lauréats du prix Crafoord 2012 dans les années à venir. 

Différentes théories ont été proposées pour expliquer la genèse de ce trou noir central avec ses millions de masses solaires. Certaines font intervenir la formation de trous noirs intermédiaires. Un groupe d'astronomes japonais vient de publier un article sur arxiv qui apporte de nouveaux éléments de scénarios de la formation de tels trous noirs, supposés contenir de quelques centaines à quelques milliers de masses solaires.

Il s'agit d'observations faites notamment avec l'Atacama Submillimeter Telescope Experiment (Aste), une antenne-télescope millimétrique de 10 m de diamètre installée dans le désert d'Atacama, au Chili. Elle a servi de prototype pour la construction de l'Atacama Large Millimeter Array (Alma).


Les trous noirs, par définition, n'émettent pas de lumière. Mais la matière qu'ils avalent oui, et parfois copieusement, ce qui permet de les détecter dans le domaine des rayons X et même gamma. Notre Voie lactée, comme la majorité des galaxies, possède un trou noir supermassif central. Mais il est bien trop loin pour nous inquiéter. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTube

Aste est un radiotélescope qui permet d'étudier les émissions dans le domaine radiomillimétrique des molécules de monoxyde de carbone CO. Ces molécules sont des traceurs de la présence et de l'état des nuages moléculaires géants composés de dihydrogène. Puisque l'hydrogène, sous forme atomique, est très minoritaire dans ces nuages, on ne peut pas les détecter à grande distance avec la fameuse raie à 21 cm. Mais les molécules de H2, entrant en collision avec les molécules de CO, leur transfèrent de l'énergie qu'elles émettent, par la suite, sous forme d'ondes radio détectables au loin dans la Voie lactée. Surtout, ces ondes peuvent traverser les nuages de poussière qui cachent bon nombre d'étoiles présentes vers le centre de la Galaxie.

Des amas stellaires cachés où naîtraient des trous noirs massifs

Les chercheurs ont repéré de cette manière 4 nuages moléculaires géants denses avec plus de 10.000 molécules par centimètre cube. D'une température de 50 kelvins environ, ces nuages sont considérés comme tièdes par comparaison avec ceux, encore plus froids, que l'on observe habituellement. L'un de ces nuages contient Sagittarius A* mais les autres sont en mouvement rapide autour du centre de la Voie lactée.

Sur cette vue d'artiste, on a représenté un nuage moléculaire « tiède » en expansion du fait des explosions à répétition de supernovae dans l'amas d'étoiles qu'il enveloppe. On pense que de tels amas sont probablement le lieu de formation de certains trous noirs intermédiaires. © Keio University

Sur cette vue d'artiste, on a représenté un nuage moléculaire « tiède » en expansion du fait des explosions à répétition de supernovae dans l'amas d'étoiles qu'il enveloppe. On pense que de tels amas sont probablement le lieu de formation de certains trous noirs intermédiaires. © Keio University

Alors que le nuage enveloppant le trou noir central de la Voie lactée est simplement en rotation, avec un disque de gaz interne probable de 25 années-lumière de rayon, les trois autres nuages moléculaires détectés sont différents. Ils sont, eux, en expansion.

Les structures et les signatures détectées à plusieurs longueurs d'onde dans ces nuages semblent impliquer que l'énergie responsable de leur dilatation provient des explosions d'environ 200 supernovae. Selon les chercheurs, l'ensemble des observations est cohérent avec l'hypothèse d'amas stellaires âgés de 60.000 ans et contenant environ l'équivalent de 100.000 masses solaires.

La découverte est intéressante. Des raisons théoriques nous laissent penser que de tels amas denses sont le lieu de la formation naturelle des trous noirs de masses intermédiaires. En leur centre, des collisions et des fusions d'étoiles se produiraient fréquemment avec l'apparition de trous noirs stellaires qui grossiraient facilement. Si c'est bien le cas, une production, plus ou moins continue de trous noirs intermédiaires finissant par rejoindre le centre de la Voie lactée, aurait lieu depuis des milliards d'années. C'est peut-être de cette façon que le trou noir central supermassif est apparu et a évolué au cours du temps. L'avenir, et d'autres observations de telles graines de trou noir géant, nous le diront probablement.