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L'explosion, le 15 février 2013, d'une très grosse météorite au-dessus de la ville russe de Tcheliabinsk a surpris le monde entier et déclenché une prise de conscience auprès de l'opinion publique et des pouvoirs publics qu'un tel événement pouvait se reproduire n'importe où, n'importe quand.
De façon générale, la grande majorité des bolides et météoresmétéores se désintègre totalement en pénétrant dans l'atmosphèreatmosphère terrestre et finit en poussière sans même avoir atteint le sol. Mais parfois, il est possible qu'un objet céleste de quelques mètres puisse produire des météorites. En France, on estime qu'il en tombe une dizaine par an, or (en moyenne) seule une tous les 10 ans est trouvée. Étonnamment ce taux était cinq fois plus important au XIXe siècle. Cela peut être expliqué de diverses façons, mais il est clair que la très grande majorité des météorites tombant en France sont perdues à jamais !
Sur ce constat, les chercheurs François Colas (chercheur CNRS à l'Observatoire de Paris), Brigitte Zanda (enseignant-chercheur au Muséum national d'Histoire naturelleMuséum national d'Histoire naturelle) et Sylvain Bouley (enseignant-chercheur à l'université Paris-Sud), forts de leurs expertises complémentaires, œuvrent depuis 2013 à la mise en place du dispositif Fripon, acronyme pour Fireball Recovery Interplanetary Observation Network (en français : Réseau de recherche de bolides et de matière interplanétaire).
Bénéficiant d'un financement de 550.000 euros par l'Agence nationale de Recherche (ANR), ce dispositif de grande ampleur consiste en un déploiement sur tout le territoire français d'un détecteur qui comprendra à terme 100 caméras et 25 récepteurs radio. Les données des radars météométéo et des sismographes seront également utilisées pour repérer les bolides.
Comparaison des météorites découvertes en France aux XIXe et XXe siècles. © MNHN
Fripon, comment ça marche ?
Trois à neuf caméras sont implantées en moyenne par région, à des distances de 50 à 100 kilomètres. ToitsToits d'observatoires, d'universités, de muséums, d'associations de culture scientifique... les lieux d'implantation sont multiples et mobilisent à ce jour près de 150 acteurs.
Simples d'installation et d'utilisation, ces caméras sont dotées d'un objectif fisheye, permettant une vue très large à 360° de la voûte céleste, sur une seule image. Elles sont raccordées à des ordinateursordinateurs munis d'un logiciellogiciel développé spécialement pour analyser les images et détecter les événements lumineux. Lorsqu'une détection survient, une alerte est transmise au calculateur central situé à l'université Paris-Sud, qui recueille les données de tout le réseau en temps réel. Toute la chaîne de calcul est opérationnelle. Sur la base d'une observation, il est ainsi possible de déclencher une campagne de recherche de l'impact sur le terrain en 24 heures environ.
Avec plus d'une soixantaine de caméras installées à ce jour et actives en France, Fripon est aujourd'hui opérationnel (on peut d'ores et déjà obtenir les images en temps réel sur le site fripon.org). Son déploiement à l'étranger a déjà commencé. « Il permet de détecter en temps réel, les objets sous plusieurs angles et ainsi de calculer leurs trajectoires en 3D, leur vitesse et leur point d'impact éventuel avec une précision de l'ordre de quelques centaines de mètres », explique François Colas, responsable du projet Fripon à l'Observatoire de Paris, au sein de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE).
Implantation des 60 caméras actives fin mai 2016. Le réseau sera complété courant 2016. À noter qu’une caméra est aussi installée à l’Observatoire de Turin (la première du futur réseau italien). © Fripon
Des témoins inestimables de la formation du Système solaire
Cette surveillance à l'échelle nationale a de multiples enjeux : le but est de déterminer l'origine et le flux de matière extraterrestre sur Terre et de retrouver des météorites afin de mieux connaître le Système solaire.
La collecte de ce matériaumatériau brut en provenance de l'espace apporte des informations d'une valeur inestimable sur la composition du Système solaire à son origine, sur celle des planètes et leur évolution, notamment la Terre. « Notre planète est un agglomérat de météorites transformé par les processus géologiques. Ayant peu évolué depuis la formation du Système solaire, celles qui tombent à l'heure actuelle peuvent, à travers leur analyse, aider à comprendre la Terre primitive », déclare Brigitte Zanda, météoritologue au Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN).
« En pénétrant dans l'atmosphère, l'objet se désintègre en débris. La répartition des débris sur l'ellipse de chute occasionne en général une zone de recherche de plus 20 km2 », précise Sylvain Bouley, planétologue à l'Université Paris-Sud.
Dans les faits, le dispositif Fripon sera relayé sur le terrain par le réseau Vigie-Ciel, piloté par le Muséum national d'Histoire naturelle, qui sera lancé en 2017. Ce programme de science participative va permettre de réaliser des recherches sur le terrain, rapides et efficaces. Des battues seront organisées avec la participation de bénévoles chercheurs de météorites, formés grâce au projet Vigie-Ciel.