au sommaire
Sur cette image, les galaxies en jaune, dont NGC 1277 indiquée par la croix, font partie d'un amas galactique dans la constellation de Persée à environ 250 millions d'années-lumière de la Voie lactée. © David W. Hogg, Michael Blanton, SDSS Collaboration
- Découvrez notre dossier sur les trous noirs
Arthur Eddington et Albert EinsteinEinstein pensaient que l'effondrementeffondrement gravitationnel d'une étoile devait nécessairement s'arrêter avant d'atteindre une singularité de l'espace-temps, avec une densité de matière infinie. Einstein lui-même pensait avoir démontré qu'un amas globulaire ne pouvait pas s'effondrer en devenant plus petit qu'une sphère dont le rayon est donné par la fameuse formule de Schwarzschild, fonction de la masse totale de l'objet s'étant effondré gravitationnellement.
En langage moderne, Einstein et Eddington pensaient que des trous noirs ne pouvaient pas se former. Ces solutions des équationséquations de la relativité généralerelativité générale ne devaient être que de simples curiosités mathématiques, sans existence physiquephysique dans l'universunivers observable. Chandrasekhar et Oppenheimer étaient d'un avis différent et l'histoire finira par leur donner raison.
Les trous noirs figurent parmi les objets les plus opaques de l'univers. En revanche, ils font partie des plus attractifs, et c'est par leur pouvoir d'attraction démesuré que nous pouvons les détecter. Les trous noirs géants sont les ogres les plus monstrueux du zoo cosmique, mais ils ne sont pas des armes de destruction massive. Les jets de matière qu'ils expulsent auraient contribué à allumer les premières étoiles et à former les premières galaxies. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, Youtube
Un trou noir supermassif dans la galaxie NGC 1277
Aujourd'hui, on observe des trous noirstrous noirs partout, notamment sous forme de quasarsquasars. On sait même qu'il y en a un au centre de la Voie lactée et qu'il s'apprête à dévorer un nuagenuage de gazgaz. C'est un exemple de trou noir supermassiftrou noir supermassif. On ne sait pas exactement comment les trous noirs se forment, bien qu'on ait de bonnes raisons de penser qu'ils grossissent à l'occasion de collisions galactiques comme celle qui devrait se produire dans quelques milliards d'années entre la galaxiegalaxie d'Andromède et la Voie lactéeVoie lactée.
Cette image en fausses couleurs a été prise par le télescope Hubble. Elle montre la galaxie lenticulaire NGC 1277 dans l'amas de Persée. © Nasa, Esa, Andrew C. Fabian, Remco C.-E. van den Bosch (MPIA)
La découverte d'un trou noir supermassif de 17±3 milliards de masses solaires dans la galaxie lenticulairegalaxie lenticulaire NGCNGC 1277 vient justement de jeter un pavé dans la mare des théories de la formation de ces trous noirs.
Une galaxie ou un trou noir géant entouré d'étoiles ?
Une telle masse n'est peut-être pas un record, car un autre trou noir supermassif précédemment détecté affiche une masse comprise entre 6 et 37 milliards de masses solaires. Mais même s'il ne s'agissait pas du trou noir le plus massif connu au centre d'une galaxie, celui de NGC 1277 se démarque de tous les autres lorsque l'on compare sa masse à celle de la galaxie qui l'abrite.
D'ordinaire, ces trous noirs sont environ 1.000 fois moins massifs que leurs galaxies. Pour l'expliquer, on soupçonne depuis longtemps un lien entre la croissance d'un trou noir galactique et celle de sa galaxie hôte. C'est d'ailleurs dans l'espoir de mieux comprendre ce lien que les astrophysiciensastrophysiciens auteurs d'un article déposé sur arxiv au sujet de ce trou noir ont fait sa découverte. Or, dans le cas de celui au centre de NGC 1277, sa masse vaut 14 % de celle de sa galaxie.
Une seconde dans cette animation représente 22 millions d'années de temps simulé, et la taille horizontale de l'image correspond à 41 millions d'années-lumière (36 secondes d'arc). On voit des orbites d'étoiles calculées à partir du modèle de distribution des masses déduit des observations. Proches du trou noir central, les étoiles se déplacent rapidement (étoile rouge) alors que dans le halo de matière noire (étoile bleu) les mouvements sont plus lents. © Nasa, Esa, Andrew C. Fabian, Remco C. E. van den Bosch (MPIA)
Elle a été évaluée en mesurant les vitessesvitesses de certaines étoiles en orbiteorbite autour du trou noir. Plus celui-ci est massif, plus une étoile tourne vite autour de lui et plus les décalages spectraux vers le bleu et vers le rouge par effet Doppler-Fizeaueffet Doppler-Fizeau sont importants, selon que l'étoile s'approche ou s'éloigne de nous. On comprend encore plus à quel point cette masse est atypique lorsque l'on sait que notre propre galaxie, pourtant 4 fois plus grande que NGC 1277, ne possède qu'un trou noir de quelques millions de masses solaires alors que l'on est ici en présence d'un objet dépassant les 10 milliards de masses solaires.
Avec NGC 1277, les astrophysiciens sont devant une énigme qui ébranle les fondations de la théorie de l'évolution des galaxies.
Des trous noirs géants qui réguleraient la croissance des galaxies
Le rapport de 1 pour 1.000 observé dans plusieurs dizaines de galaxies entre la masse de leur trou noir central et leur propre masse est généralement expliqué par le fait que lorsqu'un trou noir se met à absorber trop de gaz par accrétionaccrétion, le rayonnement produit finit par être suffisamment intense pour contrecarrer la chute du gaz vers l'horizon des événementshorizon des événements. Le trou noir soufflant au loin le gaz qui l'alimente, il cesse bientôt de rayonner.
Lorsque du gaz frais tombe dans une galaxie, quelle qu'en soit la raison, cela provoque une flambée de jeunes étoiles et un accroissement de la masse du trou noir supermassif. Ce processus continuerait jusqu'à l'inhibitioninhibition de la croissance de toute la galaxie selon le mécanisme précédent. Cela maintiendrait un rapport universel entre masse du trou noir central et masse de la galaxie.
NGC 1277, une anomalie galactique
On ne voit donc pas très bien comment NGC 1277, qui est pourtant moins massive que la Voie lactée avec seulement 120 milliards de masses solaires, peut contenir un trou noir central de 17 milliards de masses solaires. L'énigme est d'autant plus troublante que l'étude des étoiles formant NGC 1277 montre qu'elles ont plus de 8 milliards d'années en majorité. Ni fusionsfusions galactiques, ni filaments de matière froide n'ont visiblement fait évoluer cette galaxie depuis cette époque.
Bien sûr, la croissance des galaxies reposant sur des phénomènes non linéaires, on est peut-être en présence de l'équivalent des vagues scélérates, ce qui veut dire que cette anomalieanomalie, qui serait rare, ne nécessite pas que l'on modifie la théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution des galaxies. Mais il pourrait aussi s'agir de la pointe émergée d'un iceberg. Seulement 70 galaxies environ ont permis de déterminer le fameux rapport de 1 pour 1.000 de façon relativement solidesolide. Selon les astrophysiciens, 5 autres galaxies semblent avoir elles aussi des trous noirs centraux anormalement massifs.