L'étude des atmosphères des cadavres d'étoiles que sont les naines blanches avait déjà permis de découvrir des traces de cadavres de planètes rocheuses, mais c'est la première fois que l'on trouve une preuve convaincante des restes vaporisés dans ces atmosphères de la croûte d'une exoterre.
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Le prix Nobel de physique 2019 a récompensé les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz pour leur découverte de la première exoplanète autour d'une étoile sur la séquence principale. Depuis plus d'un quart de siècle, le nombre de détections de ces astres a été grandissant. De plus, contrairement à ce que l'on pouvait croire il y a encore 100 ans, lorsque l'on pensait le modèle cosmogonique de Kant-Laplace réfuté et le modèle de naissance des planètes lors de rares rencontres rapprochées entre les étoiles favorisé (voir le traité d’Harold Jeffreys sur ces questions), nous savons que la formation planétaire est aussi inévitable que la naissance des étoiles.
En bonus, les instruments désormais à la disposition de la noosphère non seulement nous montrent divers stades d'évolution des disques protoplanétaires où naissent des Jupiter chaudesJupiter chaudes, des superterressuperterres et même des exocomètes - nous permettant également de préciser nos modèles de la naissance du Système solaireSystème solaire -, mais ces yeuxyeux de l'Humanité nous montrent aussi le destin que peut attendre la Terre lorsque le SoleilSoleil aura atteint le stade de naine blanchenaine blanche après celui de géante rougegéante rouge.
Extrait du documentaire Du Big bang au Vivant (ECP Productions, 2010), Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges puis en naines blanches. © Jean-Pierre Luminet
Rappelons à ce sujet que la majorité des étoiles dans la Voie lactéeVoie lactée sont des naines, des rouges en particulier comme Proxima Centauri ou Trappist-1. Il y a aussi de nombreuses naines jaunesnaines jaunes comme notre Soleil. Elles partageront toutes un destin commun avec les étoiles de moins de huit massesmasses solaires, elles ne finiront pas en supernovaesupernovae SNSN II. Elles finiront toutefois par mourir en épuisant leur carburant nucléaire et elles se transformeront alors en naines blanches, une fois les réactions thermonucléaires de type proton-proton et CNO devenues impossibles.
Si les astronomesastronomes ont fait la découverte des naines blanches au XVIIIe siècle, ils n'ont commencé à se rendre compte à quel point ces astres étaient exotiquesexotiques qu'au tout début du XXe siècle avec la détermination de l'extraordinaire densité des naines blanches. Une valeur de l'ordre de la tonne par centimètre cube fut en effet déduite de l'observation d'étoiles comme SiriusSirius B.
La mécanique quantiquemécanique quantique jointe à la théorie de la relativité restreinterelativité restreinte explique cet état de la matièreétat de la matière dans une naine blanche. Ces mêmes lois de la physiquephysique vont la forcer à se cristalliser à force de se refroidir, donnant des sortes de diamantsdiamants de la taille de la Terre à partir de leur noyau très riche en carbonecarbone (un cristal de Wigner pour être précis). Certaines finiront parfois sous forme de supernovae SN Ia lorsqu'elles sont en couple dans un système binairesystème binaire.
Que deviendra la Terre lorsque le Soleil deviendra une géante rouge ?
La théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution stellaire, amplement vérifiée par les observations, nous dit que les couches supérieures du Soleil en phase géante rouge pourraient bien atteindre l'orbiteorbite de la Terre qui sera donc soumise à des températures élevées. Certainement aussi en raison de la modification du champ de gravitégravité du Soleil, puisqu'il se sera dilaté, on peut s'attendre à des modifications des orbites des corps célestes du Système solaire. D'importantes collisions pourraient alors se produire.
De fait, comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous, en analysant l'atmosphèreatmosphère de la naine blanche NLTT 43806, des astrophysiciensastrophysiciens y ont trouvé des traces d'anomalieanomalie chimique montrant que des matériaux planétaires, vraisemblablement issus d'une collision entre une exoterreexoterre et une exothéia, étaient tombés à la surface de la naine blanche.
D'autres cas de « contaminationcontamination » d'atmosphères de naines blanches trahissant des destructions d'exoplanètes ont été démontrés mais, jusqu'à présent, il s'agissait surtout de traces de cœur et de manteaumanteau rocheux d'exoplanètes défuntes. Malgré l'exemple de NLTT 43806, on avait pas encore de preuves convaincantes de l'existence de restes des roches constituant la croûte d'une exoterre.
Une vue d'artiste de la naissance et de la mort du Système solaire. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa
Cela vient de changer comme le prouve la publication d'un article dans Nature Astronomy dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv et qui est le fruit du travail d'une équipe internationale de chercheurs, menée par des membres de l'Université de Warwick.
Les chercheurs ont dépouillé des données spectrales concernant l'atmosphère de plusieurs naines blanches dans les catalogues d'observations menées avec le satellite Gaiasatellite Gaia de l'ESAESA et les instruments au sol du fameux Sloan DigitalDigital Sky Survey. Il est possible avec ces données de déterminer la présence et les abondances des éléments chimiqueséléments chimiques. En l'occurrence, les chercheurs ont trouvé dans plusieurs des atmosphères de ces naines blanches des anomalies concernant ces abondances, c'est-à-dire des contradictions entre les faits et les prédictions de la composition chimique des naines blanches basées sur la théorie de l'évolution stellaire.
Ces anomalies reposent en premier lieu sur la détection des raies spectralesraies spectrales du lithiumlithium et du potassiumpotassium et la comparaison des abondances de ces éléments avec celles déduites de la même manière des raies du sodiumsodium et du calciumcalcium. Un joli exercice qu'aurait sans doute apprécié à sa juste valeur le regretté Jean-Claude Pecker, grand spécialiste de l'étude des atmosphères stellaires.
Une chute continuelle de débris d'exoterre ?
Les astrochimistes ont constaté que le rapport des éléments correspondait à la composition chimique de la croûte de planètes rocheuses comme la Terre et Mars, si ces croûtes étaient vaporisées et mélangées dans les couches extérieures gazeuses de l'étoile pendant 2 millions d'années. C'est la première fois que l'on obtient une preuve convaincante de l'existence de ce matériaumatériau crustale car le lithium et le potassium sont présents en faible quantité comparativement aux roches du manteau ou du cœur de la Terre et aussi, on le pense, d'autres planètes telluriquesplanètes telluriques du Système solaire. Auparavant, on n'avait pas utilisé de mesures concernant des naines blanches suffisamment refroidies pour voir clairement ce signal dans les atmosphères.
Les quantités de lithium et de potassium déterminées dans plusieurs naines blanches sont équivalentes à celles contenues dans des astéroïdesastéroïdes du Système solaire dont la composition est proche de celle de la croûte terrestrecroûte terrestre, et qui aurait quelques dizaines de kilomètres de rayon.
Les chercheurs en tirent la conclusion que les quantités mesurées viennent non pas de l'accrétionaccrétion d'une planète rocheuse entière mais de petits corps célestes issus de la destruction d'une telle planète.
Dans le cas de l'une des naines blanches considérées, sa masse - plus de 70 % plus élevée que la moyenne - implique un champ de gravitationgravitation qui aurait dû faire sédimenter les noyaux de lithium et de potassium dans l'étoile et donc les faire disparaître de son atmosphère.
Il faut donc faire intervenir un apport continuel, ce qui suggère la présence d'un disque de débris proche, peut-être issus de la destruction d'une exoterre par les forces de maréeforces de marée de la naine blanche. De fait, la naine blanche en question rayonne plus dans l'infrarougeinfrarouge qu'elle ne le devrait, sauf à postuler un disque de poussières chauffées par le rayonnement de la naine blanche dont la surface dépasse la température de celle du Soleil et qui re-rayonnerait ensuite dans l'infrarouge.
Nous ne sommes qu'au début de ce genre d'études. Tout comme Gaia permet de faire de l'archéologie galactique, l'étude des atmosphères des naines blanches nous permet donc de faire de l'archéologie des planètes disparues.
Une collision d'exoplanètes a laissé des traces sur une naine blanche
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 21/08/2011
Située à seulement 50 années-lumièreannées-lumière de la Terre, la naine blanche NLTT 43806 présente une surface anormalement riche en aluminiumaluminium. Pour les astrophysiciens, l'hypothèse la plus probable est qu'il y aurait eu accrétion de matériaux éjectés par une collision entre une exoterre et une exothéia.
Le système Terre-Lune est une curiosité car, par certains aspects, on peut en parler comme d'une planète double. Les luneslunes en orbite autour des planètes ardentes chères à André Brahic sont en effet bien moins massives que Jupiter, SaturneSaturne ou NeptuneNeptune. La formation d'une telle planète double a représenté un véritable casse-tête pour les planétologues et même si l'on commence à y voir plus clair, il reste encore beaucoup de travail avant de vraiment comprendre d'où vient notre Lune.
L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'elle provient des restes d'une collision entre la Terre et une planète de la taille de Mars il y a plus de 4 milliards d'années. Baptisée ThéiaThéia, cette planète serait entrée en collision tangentiellement avec la Terre, arrachant une partie de sa croûte et de son manteau. Une grande partie des matériaux produits par cette collision aurait été éjectée dans l'espace mais une autre aurait fini par se refroidir et se condenser pour donner notre satellite et peut-être une autre petite lune qui aurait fini par entrer en collision avec la première. Cela expliquerait l'énigme de la face cachée de la Lune.
Lors des analyses spectroscopiques de la composition de la surface de la naine blanche NLTT 43806 à l'aide des instruments du télescopetélescope Keck I à Hawaï, les astrophysiciens ont fait une découverte qui les a laissés perplexes. Elle les a conduits à faire le rapprochement entre leurs observations et l'hypothétique collision entre la Terre et Théia.
En effet, la composition de surface de la naine blanche montrait une grande quantité d'aluminium, dans une proportion supérieure à celle du ferfer. Or cette proportion ne devrait pas être possible selon la théorie de la nucléosynthèsenucléosynthèse des éléments lourds dans les étoiles qui prédit que le fer doit être plus abondant que l'aluminium dans les nuages interstellairesnuages interstellaires où naissent les étoiles (d'un facteur 10 environ). Une prédiction toujours confirmée par les observations, même pour la composition de surface des naines blanches.
Une collision il y a moins de 50 millions d'années
Par contre, si l'on prend le cas de la Terre, on observe que l'aluminium est bien plus abondant que le fer dans la croûte. D'ailleurs, l'aluminium occupe le troisième rang pour sa composition, derrière l'oxygèneoxygène et le siliciumsilicium des silicatessilicates. Comme on le sait, le fer est très largement dominant dans le noyau.
Dans un article donné en lien ci-dessous, les chercheurs expliquent également avoir trouvé d'autres éléments sur NLTT 43806, présents en quantités anormalement élevées. Tout se passe comme s'il y avait eu un apport de matériaux sur la naine blanche dont la composition serait identique à un mélange constitué à 30 % de roches de la croûte de la Terre avec 70 % de roches du manteau.
Immédiatement, une hypothèse s'impose à l'esprit, faisant intervenir des exoplanètes.
Si une exoterre et une exothéia sont entrées en collision il y a peu, de façon similaire à ce qui s'est produit avec la Terre, une partie des matériaux éjectés serait en ce moment même en train de « pleuvoir » sur la surface de NLTT 43806. Selon les estimations, la collision se serait produite il y a 50 millions d'années tout au plus, sans quoi, les matériaux accrétés se seraient déjà enfoncés à l'intérieur de la naine blanche.
Pour Benjamin Zuckerman, astronome à l'université de Californie, Los Angeles, un test de cette théorie est possible. Il suffit de mesurer exactement la quantité de potassium et de manganèsemanganèse présente sur la naine blanche. On saura alors faire la différence avec une simple collision d'astéroïde avec NLTT 43806.