Deux des lunes de Jupiter, Ganymède et Callisto, ont presque la même taille. Elles devraient donc avoir eu des évolutions similaires et présenter des structures voisines. Or ce n'est pas du tout le cas. Selon deux chercheurs du Southwest Research Institute, la solution de cette énigme réside dans le Grand bombardement tardif.

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    L'Année mondiale de l’astronomie, qui vient de se terminer, a été l'occasion de célébrer la découvertes des lunes de JupiterJupiter par GaliléeGalilée il y a presque 400 ans. Ces mondes galiléens sont mieux connus depuis une trentaine d'années grâce aux missions Voyager et GalileoGalileo qui ont montré l'étonnante diversité du Système solaire et les beautés de Io, Europe, GanymèdeGanymède et CallistoCallisto.

    Seulement voilà, cette diversité pose problème... D'après les idées actuelles sur la formation des planètes et des sources d'énergies qui les animent, deux lunes de Jupiter comme Callisto et Ganymède qui ont presque la même taille devraient avoir connu des évolutions semblables. Elle devraient aujourd'hui présenter des structures similaires, notamment parce qu'elles ont dû disposer initialement de la même quantité d'énergie sous forme de chaleur d'accrétion et de stock en éléments radioactifs.

    Or les images de leurs surfaces montrent clairement qu'il ne s'agit pas de corps jumeaux. De plus, les informations sur l'intérieur de ces planètes que l'on peut déduire indirectementent grâce aux lois de la mécanique céleste, ainsi que les mesures de leurs champs magnétiqueschamps magnétiques, brossent aussi des portraits quelque peu différents de l'intérieur de ces deux satellites.

    Cliquer pour agrandir. Une comparaison des aspects et des tailles des lunes dans le Système solaire. Crédit : Nasa

    Cliquer pour agrandir. Une comparaison des aspects et des tailles des lunes dans le Système solaire. Crédit : Nasa

    Ganymède est composée principalement de roches silicatées et de glace d'eau. C'est un corps complètement différencié avec un noyau liquideliquide riche en ferfer. On pense qu'un océan d'eau salée existe à près de 200 kilomètres sous la surface, pris en sandwich entre des couches de glace.

    Sa surface est composée de deux principaux types de terrains. Les zones sombres et saturées de cratères d'impact, couvrant environ un tiers du satellite, sont datées de quatre milliards d'années. Les régions plus claires, coupées par de vastes rainures et de longues crêtes, sont légèrement moins cratérisées. Plus grosse lune du Système solaire, Ganymède est aussi le seul satellite connu à posséder une magnétosphèremagnétosphère, probablement créée par convectionconvection dans le noyau de fer liquide. Enfin on y a détecté une mince atmosphèreatmosphère d'oxygèneoxygène.


    Cliquer pour agrandir. Une image de Ganymède. Crédit : Nasa

    Callisto est située plus loin de Jupiter que Ganymède (elle occupe le rang suivant par rapport à la planète géanteplanète géante). Cette lune est composée en parties à peu près égales de roches et de glaces, avec une densité moyenne d'environ 1,83 g/cm3. Elle a peut-être un noyau rocheux et des océans d'eau liquide à une profondeur supérieure à 100 km. En revanche, la surface de Callisto est couverte de cratères et donc extrêmement ancienne. On n'y distingue pas de signatures de processus internes, comme de la tectonique des plaquestectonique des plaques ou du volcanismevolcanisme.

    Comment expliquer une évolution et une structure si différentes pour des corps célestes aussi proches en taille et en localisation autour de Jupiter ?

    Pour Amy C. Barr et Robin M. Canup du Southwest Research Institute Planetary Science Directorate, la réponse provient de la prise en compte de la migration des planètes géantes et du Grand bombardement tardifGrand bombardement tardif (Late Heavy Bombardment, ou LHB), en anglais) qui l'a accompagnée il y a 3,8 milliards d'années environ.


    Cliquer pour agrandir. Une image de Callisto. Crédit : Nasa

    Comme ils l'expliquent dans un article publié récemment dans Nature Geoscience, les simulations numériquessimulations numériques conduites en prenant en compte la brutale remontée du taux de bombardement météoritique et cométaire à cette époque rendent compte des divergences entre les deux sœurs, qui devaient probablement être initialement jumelles.

    Du fait de la présence plus proche de Jupiter, l'énergie et le flux de petit corps célestes tombant sur Ganymède ont été plus importants. Davantage de chaleur y a donc été apportée, faisant fondre l'intérieur de la planète et couler vers son centre les éléments rocheux qu'elle contenait. Sa croûtecroûte a aussi fondu partiellement, ce qui explique qu'elle a été rajeunie et montre des structures tectoniques différentes de celles de Callisto, dominées par les impacts.

    Si les chercheurs ont raison, les surfaces de ces planètes sont donc de bons enregistreurs des événements qui se sont produits dans le Système solaire il y a presque 4 milliards d'années. Voilà des raisons supplémentaires pour préparer de nouvelles missions vers les lunes de Jupiter.