Selon une étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters, les satellites Rhéa et Dioné possèdent des structures géologiques encore jamais vues ailleurs dans le Système solaire. Ces structures, qui n'existent pas sur la Terre, sont étonnamment rectilignes sur des centaines de kilomètres. Plus troublant encore, certaines d'entre elles sont parallèles ! Les explications d'Emily Martin et Alex Patthoff, les deux auteurs de l'étude.

Dioné, petit satellite de Saturne était connu des astronomes pour ses fines stries brillantes observées la première fois par les missions Voyager des années 1980 et pour son réseau de canyons enchevêtrés aux parois lumineuses. Les astronomes pensent également que Dioné est composé d'un noyau rocheux recouvert d'une épaisse couche de glace d'eau à la surface et qu'il y a probablement une couche d'eau liquide entre cette glace et ce noyau rocheux, à l'image des océans présents sous la surface glacée de la lune de Saturne, Encelade, et de la lune de Jupiter, Europa.

Aujourd'hui, selon une étude réalisée par Emily Martin, du Centre d'études terrestres et planétaires du Musée national de l'air et de l'espace et Alex Patthoff du Planetary Science Institute, on lui découvre de bien énigmatiques lignes parallèles. Les deux chercheurs les ont découvertes et étudiées à partir d'images acquises par la sonde Cassini de la Nasa, révélant également des caractéristiques similaires sur Rhéa, une autre lune de Saturne.

Les longues lignes blanches (<em>linear virgae</em>) découvertes sur les satellites de Saturne : Dioné (image à gauche) et Rhéa (à droite). © Nasa, Emily Martin &amp; Alex Patthoff

Les longues lignes blanches (linear virgae) découvertes sur les satellites de Saturne : Dioné (image à gauche) et Rhéa (à droite). © Nasa, Emily Martin & Alex Patthoff

Ces structures linéaires sont généralement longues de 10 à 100 kilomètres et larges d'environ cinq kilomètres, certaines sont étonnamment parallèles sur des centaines de kilomètres. Plus claires que les terrains environnants, elles semblent recouvrir d'autres dispositifs géologiques de Dioné et ne semblent pas affectées par la topographie de surface ; ce qui laisse à penser qu'elles comptent parmi les structures géologiques les plus jeunes de ce satellite de Saturne.

Pas de structures similaires connues dans tout le Système solaire

Pour expliquer leur formation, les deux astronomes excluent la possibilité d'une origine propre à Dioné. Ils semblent convaincus que ces structures doivent leur formation à des matières et substances provenant des comètes, des anneaux de Saturne ou d'autres lunes de la planète géante, dont Hélène et Pollux, qui évoluent sur la même orbite que Dioné. 

Cette découverte, qui peut paraître anecdotique, est néanmoins très « intéressante car elle met en évidence un processus par lequel un matériau qui n'est pas propre à Dioné est appliqué sur sa surface. À cela s'ajoute que c'est la première fois qu'un processus de ce type est découvert », nous explique Emily Martin, coauteur de l'étude. « Nous ne voyons aucune caractéristique similaire sur Terre qui soit tout à fait semblable à celle de Dioné », une analogie terrestre aurait évidemment pu aider « à comprendre ce que nous voyons sur la surface de Dioné ». Leur « orientation, parallèle à l'équateur, et leur linéarité sont incomparables avec tout ce que nous avons vu dans le Système solaire », ajoute Alex Patthoff.

Dioné habitable ?

Enfin, si ces lignes sont causées par une source exogène, les matériaux apportés sur Dioné pourraient avoir des conséquences sur le potentiel biologique de son océan sous-marin, que l'on suppose logé entre le noyau rocheux et l'épaisse couche de glace de sa surface.

La combinaison de l'eau à l'état liquide et de l'énergie produite par les effets de marée dus à la proximité de Saturne, « signifie que la seule chose qui manque pour que Dioné soit habitable, ce sont des molécules à base de carbone ». Ce triptyque eau, énergie et chimie appropriée est ce que les scientifiques pensent être nécessaire pour que la vie existe sur tout corps planétaire. Or, si le matériau déposé à la surface de Dioné, notamment par les comètes, « fournit la bonne chimie », il pourrait jouer un rôle « clé dans l'habitabilité de cette lune, à la condition qu'il puisse atteindre cet océan souterrain ».


En bref : gros plans sur les rides de Dioné, satellite de Saturne

Article de Rémy Decourt publié le 07/11/2011

Ces stries fines et brillantes observées pour la première fois sur le côté opposé au sens de la marche de Dioné par les missions Voyager des années 1980 avaient d'abord été attribuées à des matériaux éjectés par un cryovolcanisme. Mais un quart de siècle plus tard, la vue perçante et les survols répétés de la sonde Cassini en orbite autour de Saturne montrent un réseau de canyons enchevêtrés aux parois lumineuses.

Cette image, prise au moyen de la caméra grand angle de Cassini le 30 septembre dernier, montre Dioné depuis une distance de 45.000 kilomètres. La petite lune de Saturne mesure 1.126 kilomètres de diamètre et le pouvoir de résolution est de 3 kilomètres par pixel.

Cette image, prise au moyen de la caméra grand angle de Cassini le 30 septembre dernier, montre Dioné depuis une distance de 45.000 kilomètres. La petite lune de Saturne mesure 1.126 kilomètres de diamètre et le pouvoir de résolution est de 3 kilomètres par pixel.

D'autres images de Dioné, prises au cours de la même mission, méritent le détour. Elles sont aussi estampillées Nasa/Cassini.

Image du site Futura Sciences
11 octobre 2005, distance 3.901 km.
Image du site Futura Sciences
11 octobre 2005, distance 38.352 km.
Image du site Futura Sciences
30 septembre 2007, distance 46.368 km.